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Het Baliehof à Jabekke: «Les médailles internationales pour nos fromages prouvent que nous sommes sur la bonne voie»

L’entreprise Het Baliehof à Jabbeke vient de remporter trois médailles dans la catégorie des fromages fermiers affinés lors des World Cheese Awards. Un beau coup de pouce pour la famille Callemeyn.

Temps de lecture : 8 min

Krista et Luc se consacrent à la fabrication du fromage et aux produits issus de la transformation laitière, tandis que leur fille Sofie et son mari Matthias ont pris les rênes de l’exploitation.

Outre le fromage, Het Baliehof propose également du lait, des yaourts, du beurre, du babeurre, de l’advocaat, de la crème glacée.

Le beurre, début de la grande aventure

Le patriarche Luc Callemeyn, producteur laitier, retrace le parcours de sa famille dans la grande aventure de la transformation laitière. « Avec mon épouse Krista, nous avons envisagé de transformer nous-mêmes une partie de notre lait voici environ 32 ans. Non pas pour gagner plus, car le prix du lait était élevé à l’époque, mais pour nous démarquer en mettant en valeur notre produit plutôt que de se contenter de rester un fournisseur lambda ».

Het Baliehof a remporté trois médailles aux World Cheese Awards  dans la catégorie des fromages fermiers.
Het Baliehof a remporté trois médailles aux World Cheese Awards dans la catégorie des fromages fermiers. - FVDL.

« De notre enfance, nous avons gardé en mémoire le barattage et l’élaboration du beurre dans nos exploitations respectives. J’étais pour ma part fasciné par la laiterie du village, je ne manquais aucune occasion de m’y rendre tandis que Krista avait une tante qui faisait du beurre. Elle a décidé de suivre sa voie, s’est inscrite à une formation et en 1990, nous avons acheté notre première machine » resitue Luc.

Heurs et malheurs

de la crème

« Si le beurre a marqué le début de notre aventure dans le domaine de la transformation, c’est bien la crème qui constitue le symbole de notre réussite. Nous fournissions des restaurants, salles de banquet et traiteurs ainsi que des boulangeries. L’attrait pour ce produit a commencé à faiblir au fur et à mesure que croissait celui pour la crème végétale plébiscitée par les consommateurs, mais aussi la défiance envers les produits laitiers ».

« Moins chères, d’une durée de conservation plus longue et bénéficiant d’un conditionnement plus adapté, les crèmes à base de végétaux ont par ailleurs séduit certains boulangers. Il faut savoir que la couleur et l’onctuosité de nos crèmes varient en fonction des saisons : leur jaune est plus accentué et elles sont plus compactes lorsque les vaches pâturent que lorsqu’elles sont à l’étable », explique Luc.

Du dessert au fromage

« C’est à ce moment-là que nous avons décidé de nous réorienter, d’abord vers les glaces et les desserts, puis vers le fromage » poursuit Luc en vantant les avantages de ce dernier.

« Faire du fromage demande du temps, des connaissances et des investissements, mais génère une palette de possibilités. Contrairement aux autres produits frais à la date de péremption relativement courte, le fromage peut s’affiner. Nous pouvons faire vieillir et porter à leur maturation maximale ceux que nous n’avons pas vendu jeunes » développe Luc Callemeyn.

Gestion de la production et des ventes

« Nous avons choisi de ne pas vendre nos fromages en grandes surfaces, lesquelles se sont toutefois tournées vers nous quand nous avons remporté plusieurs médailles internationales.

Nous préférons contrôler nous-mêmes les ventes, là où la grande distribution table sur un seul produit en grande quantité et, surtout, à un prix qu’elle aura fixé elle-même. Un modèle sur lequel nous ne calquerons jamais notre production purement agricole » insiste-t-il.

« Depuis 2000, nous sillonnons les routes de notre région au volant d’une camionnette, nous proposons nos produits sur les marchés, dans notre magasin à la ferme et sur commandes. Depuis la crise sanitaire, nous vendons également en ligne, avec possibilité de retrait à la ferme ou de livraison à domicile » complète Luc.

« Nous écoulons en vente directe les trois quarts de notre production hebdomadaire de 1.000 kg de fromage, 5.000 pots de yaourt, notre fromage blanc, nos desserts, ainsi que les 1.000 litres de lait et autant de babeurre » se félicite Luc en précisant que « Krista préfère les marchés aux autres canaux de distribution ».

« Nous rencontrons notre clientèle et nouons des contacts sur les marchés et dans notre point de vente à la ferme où nous pouvons échanger plus longuement avec eux ».

Les produits allégés n’ont plus la cote

« Nous observons le retour en grâce des produits laitiers entiers au détriment du lait écrémé. Les consommateurs privilégient le goût, moins le prix. Et il n’y a pas de secret, le goût, c’est la matière grasse du lait qui le donne, les acheteurs s’en rendent bien compte », sourit Sofie.

« Nous sommes particulièrement attentifs à l’alimentation de nos vaches. Contrairement à nous, certains producteurs les nourrissent avec des épluchures de pommes de terre et cela ne se remarque pas au niveau de la laiterie. Notre exploitation s’étend sur 42 hectares de prairies et de champs, nos vaches pâturent et sont nourries au maïs produit sur la ferme, très peu avec des aliments composés.

La famille Callemeyn prévoit de remplacer l'année prochaine l'étable existante  par une «étable-serre» offrant plus de confort aux vaches.
La famille Callemeyn prévoit de remplacer l'année prochaine l'étable existante par une «étable-serre» offrant plus de confort aux vaches. - FVDL.

La texture douce et la couleur jaune de nos fromages et de notre beurre viennent des flocons de lin que nous incorporons à leur alimentation, et en aucun cas de l’adjonction de colorants » ajoute Matthias.

Une déclinaison sans lactose

Het Baliehof vend également des produits laitiers sans lactose.

« Il existe une demande pour ce type de produit, même si elle reste relativement confidentielle » précise Sofie pour qui « les gens confondent parfois les choses. L’intolérance au lactose n’est pas synonyme d’allergie aux protéines de lait de vache ou d’incapacité à digérer le lait pasteurisé ».

« Nos fromages, yaourts et yaourts à boire sans lactose sont bons pour les clients intolérants au lactose, mais pas pour les autres allergies », ajoute-t-elle.

Pour la famille Callemeyn, un éventuel passage en bio n’est pas à l’ordre du jour en raison d’un manque de superficie, mais aussi d’une très faible demande en produits bio de la part de leur clientèle.

Après trois années d’études en agro-industrie à la haute-école « Vives », Sofie a eu un peu de mal à intégrer l’entreprise familiale. « Je suis allergique aux vaches, à la poussière et au pollen » précise-t-elle, ajoutant qu’elle « donne toutefois un coup de main dans les tâches avec les animaux » mais qu’il était « logique de s’impliquer au niveau de la transformation et de commercialisation des produits laitiers ».

Matthias a, quant à lui, travaillé avec Luc pendant quatre ans en tant qu’aidant avant de reprendre l’exploitation en 2021.

Vers une « étable-serre »

L’exploitation familiale est actuellement à la croisée des chemins, confrontée à la nécessité de construire une nouvelle étable. Tout d’abord envisagée à côté de l’actuelle, l’idée a dû être abandonnée faute de place nécessaire.

La famille Callemeyn s’est alors orientée vers un tout nouveau concept qui consiste à remplacer une partie de l’ancien bâtiment par une « étable-serre » équipée de deux robots de traite.

« Les vaches disposeront de logettes à litière profonde et de couloirs plus larges. Une « étable-serre » a l’avantage d’être plus légère, plus aérée et plus agréable pour les vaches, autant d’aspects que les consommateurs et visiteurs apprécieront » explique Matthias qui ne compte pas augmenter son troupeau.

« Nous resterons avec nos 90 Holstein, afin de faciliter l’obtention de notre permis qui n’a pas encore été délivré. Mais nous avons le soutien du conseil municipal pour notre projet qui n’a d’ailleurs rencontré aucune objection de la part de nos voisins ».

Pour Luc Callemeyn, ne pas augmenter le nombre d’animaux leur permet de garder la main sur toutes les étapes de production. Et de renchérir : « nous sommes dans une situation idéale où tout est faisable, gérable et rentable. Nous employons quelques personnes pour la production et la vente, mais l’exploitation et la transformation des produits laitiers sont indissociables et doivent être gérés par une seule famille ».

Engagement auprès de Milcobel

Het Baliehof livre un quart de sa production laitière chez Milcobel après l’arrêt de la collecte de Friesland Campina en février 2016.

« Nous recherchions un partenaire fiable qui ne nous laisserait pas tomber en cas de coup dur du point de vue économique » indique Luc, qui s’est engagé au sein du conseil d’administration de la coopérative. Et d’ajouter : « nous croyons aussi fermement en la nouvelle équipe de direction qui, grâce à une politique rigoureuse, continue à afficher d’excellents chiffres ».

« Le prix du lait est actuellement élevé et il serait tentant d’augmenter nos livraisons » poursuit Luc tout en prévenant que « cela mettrait toutefois en péril tout ce que nous avons construit au cours des 30 dernières années ».

Face au défi énergétique

Actualité oblige, l’exploitation de Jabekke fait aussi face au défi énergétique.

« Nous concentrons la production de produits laitiers sur une journée. Dans le processus de fabrication du fromage et pour nettoyer les machines, nous avons besoin d’un total d’au moins 1.500 litres d’eau à 85º C sur un laps de temps très court. Ce qui mobilise beaucoup d’énergie sans que nous puissions récupérer d’eau ou de chaleur » illustre Luc.

« Nous avons déjà installé 350 panneaux photovoltaïques et nous envisageons d’installer une petite unité de biométhanisation ou une batterie pour absorber les pics de consommation ».

À la lumière de ces différents éléments, nous avons demandé à Luc si la production de fromage était accessible à tous les agriculteurs flamands.

« Il m’arrive encore d’entendre que l’on gagne facilement sa vie en vendant un peu de fromage. Mais il faut voir l’envers du décor, c’est-à-dire l’obtention des permis, les inspections, les contrôles de l’Afsca et les tracasseries administratives en tout genre » déroule Luc.

Et d’enchaîner : « c’est aussi la gestion du personnel, la logistique, le stockage et le marketing, sans compter tout le volet financier avec le calcul des prix, des marges, les investissements et les risques. Prenons le simple exemple d’une boule de fromage avec un affinage de deux ans, période durant laquelle elle ne rapportera rien alors que vous avez engagé des frais »

« Ceci dit, jamais vous ne nous entendrez nous plaindre. On ne travaille jamais assez quand on a l’amour de ce que l’on fait » conclut Luc Callemeyn.

D’après Filip Van der Linden

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