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Campagne betteravière 2022/2023: quelles compensations pour les planteurs impactés par le gel?

La campagne 2022/23 restera en mémoire pour les betteraviers belges. On pourrait croire que c’est grâce aux rendements car, avec près de 15 t de sucre à l’hectare pour Iscal (betteraves décolletées) et 16 t de sucre pour la RT (betteraves entières), le rendement de 2022 est l’un des meilleurs des 10 dernières années. Cependant, ce n’est pas tant cela qui a marqué les esprits mais bien la fin de campagne inédite à cause des problèmes de gel/dégel du début de l’hiver. Retour sur les faits marquants de cette campagne.

Temps de lecture : 6 min

La sécheresse de cet été nous prédisait des betteraves riches avec un plus faible tonnage, mais la betterave est surprenante et les quelques pluies du mois de septembre et octobre ont totalement inversé la tendance : elles ont même fait une année record ! Le rendement total pour la RT est de 92,46 t/ha à 17,39ºZ et de 87,75 t/ha à 17,15ºZ pour Iscal (attention les betteraves sont encore décolletées à Iscal).

Suite à cette météo clémente, la tare terre est basse, autour de 4,5 %. Par contre, la tare végétale côté RT et la tare collet côté Iscal sont plus hautes que les années précédentes. En cause : les betteraves dégelées mais aussi les betteraves pourries liées à la longueur de la campagne et le redoux du mois de janvier (les 300 degrés jours de référence ont été dépassés pour de nombreux tas).

Côté fonctionnement des usines, aussi bien à la RT qu’à Iscal, le bilan est mitigé. À cause de pannes récurrentes, à la mi-décembre, les usines avaient déjà une semaine de retard. Ceci s’explique principalement par des problèmes au niveau des chaudières pour l’usine de Wanze-LNG et de l’évaporation pour Iscal, plus de petits soucis d’usure générale qu’on rencontre régulièrement.

La réception des betteraves est contrôlée quotidiennement par les organisations betteravières. Cela permet de s’assurer que les livraisons sont correctement mesurées par l’industriel. Presque aucun bémol cette année et lorsque certaines normes ne sont pas respectées, les sucreries réagissent rapidement pour arranger leur matériel ou corriger les résultats si cela est prévu par les accords.

Une fin de campagne incertaine

Mais finalement tous ces événements font partie d’une campagne classique ! Par contre, le gel intense et prolongé du mois de décembre, suivi du redoux exceptionnel du début du mois de janvier, ont rendu cette campagne exceptionnelle à tel point qu’à un moment, tout le monde s’est posé la question : va-t-on réussir à finir la campagne et écraser toutes les betteraves ?

Malgré le bâchage Toptex, une quantité trop importante de betteraves a gelé et ensuite dégelé.
Malgré le bâchage Toptex, une quantité trop importante de betteraves a gelé et ensuite dégelé. - ABW

En effet, malgré le bâchage Toptex, une quantité trop importante de betteraves a gelé et ensuite dégelé. Dès la première semaine de janvier, les betteraves dégelées sont arrivées en usine et ont posé des problèmes dans le process au niveau de la filtration. Les industriels ont donc dû prendre des mesures : ne plus réceptionner les betteraves encore en terre ou qui avaient été arrachées après le gel, d’écrémer les tas à la grue pour retirer les betteraves pourries, minimiser les betteraves en stock dans la cour de l’usine, déplacer le moins possible les betteraves, éviter de faire des tas trop hauts, ouverture des réceptions le dimanche, installation de décanteur à jus supplémentaire pour Longchamps, utilisation d’une enzyme dans le process qui permet de casser les mauvaises chaînes de sucre qui viennent colmater les filtres,. Les betteraves arrachées tardivement (après le gel) ont finalement été réceptionnées les derniers jours mais la plupart ont été déclassées car impossible de les traiter en usine.

Betteraves arrachées après le gel.
Betteraves arrachées après le gel. - ABW
Betteraves dégelées qui suintent.
Betteraves dégelées qui suintent. - ABW

La campagne s’est finalement terminée le 26 janvier à la RT et le 2 février à Iscal avec des usines qui ont réussi à tourner presque normalement grâce aux nombreuses mesures mises en place. Mais cela n’a pas été sans conséquence pour les planteurs.

Conséquence du gel/dégel et compensations pour les planteurs

Les décisions prises pour permettre le traitement des betteraves gelées n’ont pas été sans impact pour les planteurs. C’est pourquoi, dès la fin de la campagne, les représentants de l’Association des Betteraviers Wallons se sont réunis avec chaque industriel pour discuter des formes de compensations. La situation n’était pas identique dans les deux groupes sucriers et ainsi les compensations pour les planteurs sont différentes.

À Iscal

Il fallait agir et vite. Ce sont près de 200 planteurs qui n’avaient pas arraché une partie ou toute leur récolte et qui sont restés dans l’attente pendant de nombreuses semaines.

Aujourd’hui les choses sont claires, ils seront dédommagés pour leurs betteraves non réceptionnées par l’usine qu’elles aient été arrachées ou non.

La compensation sera calculée sur la base de la période du planning (période jusqu’à la semaine 16 incluse et période à partir de la semaine 17), de la quantité planifiée et de l’historique du planteur (c’est-à-dire la production moyenne par hectare au cours des 5 dernières années + environ 7,67 % lié au rendement moyen supérieur de cette année). Il en résultera qu’une partie des betteraves sera indemnisée dans le cadre du contrat (il peut s’agir de la totalité de la quantité contractée si rien n’a encore été livré), et la partie restante des betteraves hors contrat.

Pour les betteraves en contrat, la compensation moyenne sera de 29,35 €/t pour les betteraves planifiées avant et pendant la semaine 16 et de 40 €/t pour les betteraves prévues à partir de la semaine 17 et ce, indépendamment de la richesse.

De plus, une indemnité de 1 €/t de betteraves sera versée pour les betteraves qui ont été écrémées à partir du 9 janvier.

À Iscal, ce sont près de 200 planteurs qui n’avaient pas arraché une partie ou toute leur récolte et qui sont restés dans l’attente pendant de nombreuses semaines.
À Iscal, ce sont près de 200 planteurs qui n’avaient pas arraché une partie ou toute leur récolte et qui sont restés dans l’attente pendant de nombreuses semaines. - ABW

À la RT

Tout d’abord, une série de mesures a été prise pour diminuer l’impact de la longueur de la campagne chez les planteurs. Ainsi, ils toucheront des indemnités de retard des tas et l’impact collectif des primes tardives sera diminué.

De plus, les frais de l’écrémage seront intégralement pris en charge par la RT donc les planteurs qui ont écrémé eux-mêmes car ils livrent eux-mêmes leurs betteraves recevront 0,35 €/t pour le travail d’écrémage.

Ensuite, il fallait réfléchir à comment compenser le tonnage perdu à cause de l’écrémage. Pour cela, nous disposions de différents chiffres mais cela dépendait de nombreux facteurs : la date d’arrachage, la qualité d’arrachage, la date de bâchage, le soin mis à sa réalisation, l’orientation du tas… Il était donc impossible de faire du cas par cas.

Finalement, nous nous sommes mis d’accord sur un forfait de 6 % qui va être attribué aux betteraves livrées pendant la période d’écrémage, c’est-à-dire à partir du 9 janvier. Environ 75 % de cette mesure compensatoire va être prise en charge par la RT et 25 % par une « solidarité planteur ».

En conclusion, personne n’aurait pu prédire ce qui s’est passé. Les discussions avec les sucriers ont été constructives et chaque partie a pris sa part de responsabilité. Nous sommes fiers de montrer que la filière peut se montrer unie et solidaire. D’un autre côté, nous attendons maintenant de la part des industriels que nous puissions nous remettre autour de la table afin de discuter des prises de risque des planteurs vis-à-vis de la longueur des campagnes. Mais prenons le temps de réfléchir comment les adapter sans pour autant devenir paranoïaque et mettre des règles impossibles à tenir car nous travaillons avec du vivant et les aléas climatiques feront toujours partie de votre travail.

Judith Braconnier, Secrétaire générale de l’Association des Betteraviers Wallons

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