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Indications géographiques : renforcement d’un patrimoine économique et social européen

La commission de l’agriculture du parlement européen a adopté à une très large majorité un compromis auquel ont adhéré tous les groupes politiques. Une position attendue car les IG ne sont pas seulement des curiosités gastronomiques. Aujourd’hui, elles représentent une partie importante du chiffre d’affaires du secteur agricole de l’UE.

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Rapporteur du texte, le social-démocrate italien Paolo De Castro est venu détailler devant la presse, le 1er juin dernier, le contenu du mandat permettant d’entamer les négociations interinstitutionnelles.

Le premier trilogue a eu d’ailleurs lieu le 6 juin dernier et les eurodéputés tablent sur un accord final sous présidence espagnole du conseil d’ici la fin de l’année.

Un patrimoine culturel à défendre

Les travaux de cette dernière révision ont quant à eux, débuté voici deux ans dans le cadre de la stratégie « De la fourche à la fourchette » avec, pour objectif, l’amélioration de la contribution des IG à une production agricole plus durable et un renforcement de la position des agriculteurs et des groupements de producteurs dans la chaîne agroalimentaire.

« Ce sont des projets positifs qui étaient en jeu, car visant à offrir davantage de force et d’instruments à nos agriculteurs pour accroître leur compétitivité mais également pour valoriser la qualité du secteur agricole tout en liant des produits avec leur territoire » soulignait début de ce mois lors d’une conférence de presse M. De Castro.

À noter que le principe des indications géographiques est une initiative européenne qui remonte à 1992.

Mais cela va encore bien au-delà. Si les IG sont très importantes du point de vue économique, elles sont culturellement cruciales pour les familles d’exploitants dans des régions qui respectent un savoir-faire et des traditions parfois centenaires.

Doublement de la valeur marchande d’une indication protégée

Chez nous, le saucisson, le beurre et le jambon d’Ardenne, le pâté gaumais, la plate de Florenville, le fromage de Herve, l’escavèche de Chimay, pour ne citer qu’eux, font partie de ces produits phares du patrimoine culinaire wallon.

Ils s’ajoutent aux plus de 3.600 indications géographiques européennes qui constituent à elles seules un secteur de croissance pour les exportations agroalimentaires de l’UE.

La valeur de vente d’un produit portant un nom protégé est souvent le double de celle de produits similaires sans certification.

Dernière approbation en date, le 2 juin, le « Haricot de Soissons » un haricot blanc français sec à gros grains, produit dans le département de l’Aisne, un territoire connu depuis le XVIIIème siècle pour cette production. Plusieurs espèces et variétés y ont été cultivées, mais seule la culture du « Haricot de Soissons » est restée. Les producteurs disposent ainsi d’un savoir-faire ancestral.

Les avancées décidées par le parlement

Afin de mieux protéger les indications géographiques en ligne, les parlementaires se sont prononcés en faveur de la fermeture, ou de l’attribution à un groupe de producteurs, des noms de domaines qui utiliseraient illégalement une indication géographique. À cet effet, l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (Euipo) devrait se voir doté d’un système d’alerte permettant de surveiller l’enregistrement des noms de domaine.

Le parlement a également demandé une meilleure protection des produits transformés contenant un ingrédient portant une indication géographique.

Les députés préconisent par ailleurs un délai plus court pour enregistrer une nouvelle indication géographique. Ainsi, la commission ne devrait plus disposer que de cinq mois à compter de la date de réception de la demande (au lieu de six actuellement) pour statuer. Afin de faciliter le contrôle des demandes de modifications des enregistrements et d’être plus opérationnel, seuls les États membres devraient intervenir dans le processus de vérification, sans que la commission ait à vérifier de nouveau.

Bataille autour du rôle de l’Euipo

Les producteurs reconnus bénéficieront de davantage de droits et de financement. Ils devraient établir les conditions minimales pour l’utilisation d’un nom d’IG et superviser leur utilisation équitable. En matière de financement, les producteurs devraient bénéficier de contributions financières obligatoires.

Les eurodéputés et les États membres ont chacun remis assez largement en cause les propositions initiales de la commission dont la volonté était d’externaliser à l’office européen de la propriété intellectuelle (Euipo) une partie de l’examen des dossiers.

Une position à rebours de ce que souhaite l’Exécutif qui propose, au contraire, d’accorder un rôle très élargi à cet office en matière d’examen des demandes d’IG.

Les regrets de la commission

Il n’aura pas fallu attendre longtemps pour entendre la réaction du commissaire Wojciechowski qui a déploré les amendements proposés, lesquels « réduisent considérablement le rôle de l’Euipo, en le limitant à certaines tâches de soutien de nature administrative ».

« Cela aurait un impact négatif sur l’efficacité du processus d’enregistrement » tel qu’il fonctionne aujourd’hui, a-t-il dénoncé.

Il s’est également montré « préoccupé » par les modifications apportées au secteur vitivinicole « qui font double emploi » et « compromettrait l’objectif de la proposition d’avoir un ensemble de règles communes ».

Le parlement plaide en effet pour le maintien d’une partie des règles entourant les IG viticoles dans le cadre de l’OCM de la Pac. Mais il faut savoir que sur ce point, les États membres ont suivi la proposition de la commission.

Il s’agira donc d’un des principaux sujets de débats en trilogue. Enfin, Janusz Wojciechowski critique la volonté du parlement de réintroduire l’obligation pour la commission de réaliser des audits : « Je ne vois pas comment un seul audit sur une période de 20 ans apportera une quelconque valeur ajoutée au fonctionnement des systèmes de contrôle en place dans les États membres, qui relève de leur responsabilité ».

Tous ces sujets devront faire l’objet de discussions dans les prochaines semaines.

Marie-France Vienne

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