Accueil Maraîchage

Les cultures intermédiaires pour le maintien de bonnes structures des sols et la maîtrise de l’enherbement

En maraîchage diversifié, nous sommes parfois confrontés à des difficultés de maintien de bonnes structures de sols et de maîtrise de l’enherbement.

Temps de lecture : 7 min

Les cultures maraîchères de plein air ont été implantées lorsque ce fut possible, avec parfois bien du retard sur les dates habituelles. Depuis début juin, le déficit hydrique et la chaleur ont exacerbé les signes de défauts de structure de sol. Les racines ont bien du mal à se développer dans les terres qui ont souffert des travaux réalisés en mauvaises conditions lors des récoltes d’automne-hiver. Reconnaissons que le sol de certaines parcelles est dur comme du béton. L’irrigation permet de maintenir une certaine croissance des cultures mais ne compense pas un manque de développement racinaire et l’exploration profonde pour prélever les minéraux nécessaires à la croissance.

D’un autre côté, il est difficile en maraîchage diversifié de suivre parfaitement toutes les cultures et d’empêcher les plantes adventices de produire des semences. Après quelques années, l’état de salissement du sol peut devenir problématique.

Il est logique que le maraîcher tente d’occuper au mieux les surfaces disponibles. Mais il faut parfois savoir décider de débrayer de la production maraîchère une partie des soles pour pouvoir les remettre en bon état de fertilité et de propreté.

Plusieurs solutions se présentent à nous : implanter des cultures intercalaires qui occuperont le sol quelques semaines ou implanter des grandes cultures qui seront gérées avec des outils de travail du sol et de binage performants.

Les cultures intercalaires

Les cultures intercalaires sont implantées sur une sole entre la récolte d’une culture et l’implantation d’une autre. Nous pouvons les comparer aux CIPAN des grandes cultures, avec comme grande différence la durée souvent plus courte de l’occupation du terrain. Une autre différence, technique cette fois, est le type de matériel disponible à la ferme maraîchère pour broyer les parties aériennes des cultures et l’incorporer au sol.

En couvrant le sol lors des périodes sans production plusieurs fonctions sont remplies simultanément. Les avantages compensent largement le coût de l’implantation. L’emploi des cultures intermédiaires permet de rencontrer les souhaits de bonne gestion économique et environnementale.

Les espèces seront choisies aussi en tenant compte de la durée attendue de la période de végétation. Le choix sera aussi guidé par le coût des semences, par les possibilités de destruction avec les outils disponibles à la ferme et par la sensibilité au gel.

  Retenir l’azote et d’autres éléments

Les cultures intercalaires vont rapidement puiser l’azote comme les autres éléments minéraux pour la constitution de leur charpente végétale. La courte période de développement dans le contexte des fermes maraîchères permet une destruction de la culture alors que la masse n’est pas encore lignifiée. La minéralisation des éléments mobilisés se fera très rapidement après l’incorporation au sol. Retenons qu’en pratique, 30 à 70 unités d’azote seront captés dans les 5 à 7 semaines de développement, selon la nature et le développement de la masse végétale.

En cas de lignification, les débris végétaux seront plus riches en carbone. Leur décomposition mobilisera de l’azote du sol avec une crainte de faim d’azote de la culture suivante, comme l’effet paille après céréales dans les rotations de grandes cultures. Pour les cultures maraîchères, ce point est important. La plupart des cultures se développent rapidement et ont besoin d’éléments très disponibles. Nous préférons donc le plus souvent des cultures intermédiaires détruites et incorporées au sol ou mises en paillage alors qu’elles sont peu lignifiées, qu’elles sont encore physiologiquement jeunes.

  Maîtriser l’enherbement

La présence de la culture intercalaire va bloquer la germination de pas mal d’adventices. La conséquence pratique est un certain nettoyage de la parcelle.

Au lieu de cette situation, nous pourrions opter pour le choix de laisser la culture sous jachère noire, de travailler superficiellement le sol plusieurs fois en guise de faux-semis afin de réduire le niveau d’enherbement. Pour autant que nous soyons certains de ne pas oublier de travailler le sol pour empêcher le développement de graines (galinsoges, pâturin annuel…), cette solution est très valable également. Elle a l’inconvénient de ne pas permettre la mobilisation de l’azote mais au contraire de favoriser la minéralisation et donc les pertes potentielles.

En pratique, c’est la météo qui décidera pour nous, selon les possibilités ou non d’espérer une levée d’une culture intercalaire en sols ultra secs.

  Améliorer la structure du sol

Les racines améliorent la structure par leur action physique de pénétration dans le sol. Les enracinements fasciculés, comme celui des Poacées (Graminées) et pivotants, comme celui des radis et moutardes sont performants. Leur importance est particulière pour les fermes pratiquant le non-labour, notamment sur les ados permanents.

L’effet des enracinements puissants ne remplace pas les façons culturales décompactant le sol. Il les complète.

Les sols sont secs en mains endroits. Rouler avant le semis pour avoir une bonne régularité de travail des petits semoirs maraîchers, puis rouler après le semis pour favoriser  la germination des cultures semées.
Les sols sont secs en mains endroits. Rouler avant le semis pour avoir une bonne régularité de travail des petits semoirs maraîchers, puis rouler après le semis pour favoriser la germination des cultures semées.

  Améliorer l’activité biologique du sol

C’est l’effet sur la vie du sol est le plus remarquable en cette période d’été et bientôt d’automne. La température du sol est élevée, l’incorporation d’une masse d’une vingtaine de tonnes de matière fraîche sur les quelques premiers cm de sol va faire un énorme bien à la vie dans le sol. Cet effet sera d’autant plus marqué que le pH est correct. Avec des fortes variations, nous pouvons retenir qu’une production de 2 à 3 tonnes de matière sèche de la culture intermédiaire intervient de manière significative dans la mobilisation en vue de la remise à disposition de grandes quantités d’éléments fertilisants. La faune auxiliaire du sol est stimulée.

  Quelques inconvénients à réduire autant que possible

Les limaces trouvent une nourriture abondante dans la masse végétale de la culture intercalaire et elles y sont protégées des oiseaux. La phacélie et la moutarde sont moins appétées par les limaces, mais le maintien d’une humidité ambiante favorise les limaces quand même.

Les cultures intermédiaires de la même famille pourraient favoriser les maladies et ravageurs de cultures en rotation sur la parcelle. Mais ce n’est pas nécessairement le cas vu la période courte de végétation des cultures intermédiaire. La prudence incite d’en tenir compte malgré tout. Pour éviter la transmission de maladies ou ravageurs spécifiques, nous choisissons des espèces issues de familles botaniques différentes de celles cultivées dans la ferme maraîchère. La moutarde ne sera pas choisie prioritairement si la rotation comprend une forte proportion de crucifères, comme les choux par exemple. La phacélie ne pose pas de problème. Les poacées (graminées) posent moins de questionnement en maraîchage que pour les grandes cultures, sauf si l’assolement et la rotation sont mixtes. C’est notamment la présence de pucerons en grande quantité dans les céréales semées tôt qui inquiètent les céréaliculteurs. La question du voisinage des parelles demeure.

Les mélanges agricoles conviennent si la terre reste libre près de 3 mois.  Si non, rabattons-nous sur l'avoine brésilienne, la caméline,  les moutardes blanches ou noire, les vesces, voire un ray-grass italien.
Les mélanges agricoles conviennent si la terre reste libre près de 3 mois. Si non, rabattons-nous sur l'avoine brésilienne, la caméline, les moutardes blanches ou noire, les vesces, voire un ray-grass italien.

  L’implantation

Le semis se fera à la volée ou au semoir, selon la forme, la taille des parcelles mais aussi suivant les espèces choisies. Les semoirs maraîchers conviennent pour la plupart des semis de cultures intermédiaires. Pour les cas où les dimensions de semences diffèrent fortement dans un mélange, il est plus aisé de semer en deux ou plusieurs passages. Pour les parcelles cultivées sur ados ou billons, nous pouvons opter pour le semis intégral de la surface ou seulement de la surface cultivée nette.

  La destruction des cultures intermédiaires

Le plus souvent, la culture intermédiaire est détruite mécaniquement, thermiquement par le gel ou chimiquement. La destruction se fera de préférence lorsque le couvert n’est pas encore lignifié, avant la pleine floraison et en tout cas avant la production de semences viables. La date de destruction. Les outils animés (herses à axes horizontaux) courants en maraîchage conviennent bien pour la plupart des destructions de cultures intermédiaires. La limite d’emploi sera la portance du sol en cas de fortes pluies d’automne.

Certaines adventices sont particulièrement compliquées à maîtriser en maraîchage.  Les cultures intermédiaires sont une des méthodes efficaces. En étouffant  les jeunes plantes de galinsoge, celles-ci n'arrivent pas à se développer.
Certaines adventices sont particulièrement compliquées à maîtriser en maraîchage. Les cultures intermédiaires sont une des méthodes efficaces. En étouffant les jeunes plantes de galinsoge, celles-ci n'arrivent pas à se développer.

Allonger la rotation maraîchère

Les récoltes sur les sols gorgés d’eau sont parfois périlleuses. De telles situations arrivent aussi en grandes cultures. Mais la performance des outils est différente, en particuliers dans les petites fermes maraîchères diversifiées.

Lorsque les terres se sont salies suite à la présence répétée de plantes adventices en graines, il peut être nécessaire de couper la rotation pendant plusieurs années. Les seules cultures intercalaires ne suffiront pas. Cette situation a été évoquée dans le SB du 9 mars 2023 avec la production de mulch de transfert. D’autres possibilités existent.

Il peut être envisagé d’opter pour la culture plusieurs années de suite de grandes cultures. Ces céréales, des betteraves ou du lin permettent des implantations à des dates différentes et donc la germination d’espèces de plantes adventices variées. Évitons les cultures de chicorées (repousses, sensibilité à des pathogènes communs avec des Astéracées maraîchères) et la pomme de terre (repousses sauvages lors des années suivantes.

Un partenariat avec une ferme de grandes cultures voisine peut être une solution.

Les outils de travail du sol peuvent permettre un bon décompactage.

F.

A lire aussi en Maraîchage

Maximiser les bienfaits du bâchage à plat au printemps et en automne

Maraîchage L’usage du bâchage à plat des cultures maraîchères est largement répandu. On en attend principalement un gain de température au sol, en particulier dès le début du printemps, en vue d’élargir la plage de commercialisation des produits frais. Dans un contexte de rentabilité, certaines précautions et mesures permettent d’améliorer leur efficacité et d’en réduire le coût par culture et par an.
Voir plus d'articles