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La filière laitière française en voie de décarbonation

Pour atteindre les ambitieux objectifs fixés par la filière, plusieurs pistes sont poursuivies. Avec un point commun : ne pas « décarboner » au détriment des performances technico-économiques.

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Les débats mêlant l’agriculture, et plus particulièrement l’élevage, et les changements climatiques sont nombreux et, de temps à autre, interminables tant les protagonistes semblent parfois camper sur leurs positions. Sans vouloir prendre parti pour l’un ou l’autre camp, il est indéniable que l’activité agricole, comme toute autre par ailleurs, a un impact sur notre environnement. Mais on ne peut pas non plus ignorer les contributions positives de ce secteur essentiel à notre économie, notre environnement ou encore notre alimentation.

C’est ce que Mathilde Grégoire, cheffe de projet environnement au Centre national interprofessionnel de l’économie laitière (Cniel), et Catherine Brocas, responsable de projet à l’Institut de l’élevage, ont détaillé lors du Space, organisé à Rennes (France) en septembre dernier.

Réduire de 20 % les émissions d’ici 2025

Et Mme Grégoire d’entamer : « Les changements climatiques ne sont plus à nier… et son majoritairement liés aux émissions de gaz à effet de serre (GES). En France, l’agriculture est le deuxième plus gros émetteur de GES, après le secteur du transport et avant les métiers de la construction ». Pas moins de 62 % des émissions agricoles sont liées à l’élevage bovin, avec une répartition équivalente entre les spéculations laitières et viandeuses.

Afin de revoir ces chiffres à la baisse, le programme « Ferme laitière bas carbone » est né en 2015. Il doit permettre aux éleveurs de réduire de 20 % leurs émissions de GES à l’horizon 2025. Pour ce faire, la ferme passe entre les mains d’un conseiller qui, à l’aide de l’outil Cap’2ER (lire encadré), collecte diverses données et les analyse avec l’éleveur. Une fois cette étape achevée, tous deux élaborent un plan d’action qui sera évalué au fur et à mesure du temps.

Ce programme, soutenu par les instances publiques et certains industriels de la filière, rassemble déjà plus de 18.000 éleveurs qui réfléchissent à comment limiter l’impact de leur exploitation sur l’environnement. « Soit, pas moins de 40 % des exploitations laitières françaises ! » De quoi poursuivre l’effort déjà réalisé entre 1990 et 2010 et qui a permis de réduire de 24 % l’empreinte carbone du lait en sortie de ferme.

« Notons toutefois que si la décarbonation demeure une des priorités du Cniel pour la période 2023-2025, nous travaillons aussi sur d’autres projets comme la réduction des émissions d’ammoniac, l’adaptation des fermes aux changements climatiques… » Comme en Belgique, la question est donc abordée sous plusieurs angles.

Sans impacter les autres paramètres

Catherine Brocas poursuit : « Les activités d’élevage ont un impact sur l’air (ammoniac et GES) et sur l’eau (nitrates). Mais n’oublions pas leurs contributions favorables à nos territoires (entretien des paysages, valorisation des surfaces peu accessibles, plantation de haies propices à la biodiversité…), aux sols (stockage de carbone, lutte contre l’érosion) et, surtout, à la production de notre alimentation. Certes, l’élevage présente des points négatifs, mais aussi positifs, qu’il convient d’évaluer ». Ce que Cap’2ER permet.

On constate d’ailleurs que l’empreinte carbone du lait est à mettre, pour moitié, sur le compte des émissions de méthane entérique. Mais si les animaux sont responsables de cette moitié, ils ne le sont pas pour le solde. Celui-ci revient aux intrants (engrais, carburant…), à la gestion des effluents, à la fertilisation azotée… À côté de cela, il y a également le stockage de carbone à travers les prairies permanentes principalement, mais aussi par l’intermédiaire des haies des intercultures ou encore des prairies temporaires.

Cap’2ER renseigne encore quant aux résultats environnementaux de deux systèmes d’élevage, en l’occurrence herbager ou basé sur le maïs. « On constate qu’il n’y a pas de grandes différences en termes d’émissions de GES. Par contre, le stockage de carbone est supérieur dans les exploitations ayant opté pour l’herbe », détaille M. Brocas. Cela s’explique par les capacités de stockage supérieures des prairies mais aussi, le cas échéant, par la présence de haies entre les parcelles.

« Cependant, on observe aussi que le maïs permet de nourrir davantage d’animaux à l’hectare… C’est donc un compromis à trouver entre les deux », nuance-t-elle ensuite.

Et de livrer, dans la foulée, plusieurs pistes pour réduire l’impact carbone des élevages laitiers : réduire le recours aux engrais azotés, accroître l’autonomie protéique ou réduire l’âge au premier vêlage.

La décarbonation ne doit toutefois pas se faire aux dépens des autres paramètres technico-économiques de l’exploitation. « Chaque piste est évaluée sur base du carbone mais nous sommes également attentifs à son impact sur le bilan économique, sur le temps de travail… » Tous les paramètres sont donc minutieusement étudiés pour qu’un changement, aussi bon soit-il pour l’environnement, ne se fasse au détriment de l’éleveur et de sa ferme.

Jérémy Vandegoor

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