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Quelle rentabilité pour les exploitations bovines viandeuses biologiques en Wallonie?

L’élevage bovin biologique a connu une croissance significative ces dernières années. Il représente un pilier important de l’agriculture régionale, malgré les défis économiques persistants.

Temps de lecture : 6 min

La Wallonie compte un peu plus de 2.000 exploitations certifiées en agriculture biologique, soit 16 % de ses fermes. Elles détiennent un cheptel global d’environ 47.000 vaches, avec une augmentation de 7 % en 10 ans, soit environ 1.700 têtes supplémentaires (BioWallonie, 2023).

Moteur de diversification et de durabilité

Plus d’une exploitation biologique sur deux détient des vaches viandeuses. Parmi ces exploitations, près de la moitié sont des exploitations dites spécialisées en bovins viandeux c’est-à-dire que plus de 2/3 de leur revenu provient de la valorisation des bovins viandeux (principalement la vente de viande). Ces exploitations représentent 25 % des exploitations en production biologique et gèrent 26 % de la Surface Agricole Utilisée biologique (SAU bio).

Une exploitation type en élevage biologique bovin viandeux dispose, en moyenne, de 69 hectares, principalement dédiés à la culture de fourrages et d’un cheptel de 43 bovins viandeux. Avec 0,93 Unité de Gros Bétail par ha(UGB, 1 UGB = l’équivalent pâturage d’une vache laitière produisant 3.000 kg de lait par an, sans complément alimentaire concentré), ces exploitations se caractérisent par une gestion extensive, favorisant le maintien des prairies.

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L’élevage bovin viandeux, en production biologique, contribue à la diversification et à la durabilité du secteur agricole. Comprendre la dynamique économique permet d’évaluer la viabilité des exploitations et d’appréhender les défis et opportunités auxquels sont confrontés les éleveurs, permettant ainsi d’orienter les politiques agricoles et les pratiques d’élevage pour assurer la pérennité de leur exploitation.

Des revenus plutôt faibles

Malgré un chiffre d’affaires qui s’améliore ces dernières années, l’augmentation des charges ne permet pas de dégager un revenu élevé.

Précédemment, le secteur bovin se caractérisait par un chiffre d’affaires (ou produits) stable, oscillant autour de 1.500 € par UGB. Depuis 2020, une évolution positive a conduit ce chiffre à 1.975 €/UGB en 2022, principalement grâce à une augmentation du prix de vente de la viande. Ce chiffre d’affaires provient essentiellement de la valorisation de la viande (775 €, soit 39 % du produit) et des aides (741 € soit 38 % du produit), le reste étant issu d’autres « produits divers ». Parmi les aides, 195 €, ou 26 %, sont issus des subventions relatives à la production biologique. Malgré cela, le produit total par UGB (1.975 €) des exploitations viandeuses, reste nettement inférieur à celui observé pour les exploitations spécialisées en bovins laitiers en production biologique (2.580 €/UGB).

Les exploitations bovines bénéficient de montants d’aides supérieurs à ceux des autres productions animales. En plus des aides classiques du premier et deuxième pilier de la Politique Agricole Commune (PAC), ces exploitations reçoivent des aides spécifiques pour les exploitations biologiques ainsi que des primes à la vache viandeuse, qui sont plus élevées que celles à la vache laitière. À titre de comparaison, le montant des aides des exploitations spécialisées en bovins laitiers en production biologique est de 390 €/UGB, soit presque la moitié des aides reçues par les exploitations spécialisées en bovins viandeux biologiques.

Les charges totales hors main-d’œuvre se chiffrent à 1.540 € par UGB, et se répartissent entre les charges de structure (63 %) et les charges opérationnelles affectées (37 %). Cette répartition, inhabituelle avec un ratio de 2/3 – 1/3, s’explique par les faibles charges opérationnelles observées dans le secteur viandeux bio (571 € par UGB en viandeux, contre 782 € par UGB en laitier), ainsi que dans le caractère plus extensif de l’exploitation.

Les dépenses qui pèsent le plus lourd concernent le matériel (42 % des charges de structure) et l’alimentation (56 % des charges opérationnelles). Depuis 2016, les charges de structure ont augmenté de 11 %, tandis que les charges opérationnelles ont grimpé de 40 %, principalement en raison de l’augmentation du coût des aliments. Notons que les frais vétérinaires dans les exploitations en production biologique sont trois fois moindres que pour l’exploitation spécialisée en bovins viandeux conventionnelle.

Figure 1: Répartition des charges et des produits dans les exploitations spécialisées en bovins viandeux biologiques.
Figure 1: Répartition des charges et des produits dans les exploitations spécialisées en bovins viandeux biologiques.

Si on soustrait des produits, les charges, on obtient le revenu agricole. Celui-ci s’élève donc à 624 €/UGB ou encore 50.000 €/exploitation en 2022, dépassant nettement la moyenne des années précédentes qui tournait autour de 36.500 €/exploitation, et ce, grâce à des prix payés pour la viande en nette hausse malgré un contexte en tension. Ce revenu doit permettre à l’exploitant et à sa famille de se rémunérer sur une année ainsi que d’investir pour le futur de son exploitation. Toutefois, ce revenu demeure sensiblement inférieur aux 85.000 €/exploitation obtenus en moyenne en 2022 par les exploitations biologiques wallonnes.

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Le marché de la viande bovine, moins sujet à la volatilité que celui du lait, est généralement perçu comme plus stable, engendrant moins de fluctuations brusques. Malgré cette relative stabilité, le secteur fait face à des défis persistants depuis plusieurs années. Même si, comme les chiffres le montrent, l’année 2022 a été plutôt bonne pour l’ensemble du secteur agricole belge, avec des prix plus favorables, les revenus des éleveurs de bovins viandeux demeurent souvent faibles, y compris pour ceux qui se sont tournés vers des méthodes de production biologique. Cette situation souligne les difficultés structurelles auxquelles sont confrontées les exploitations spécialisées en viande bovine depuis de nombreuses années.

Les pistes d’améliorations ?

Au sein du réseau de comptabilités du SPW, les exploitations qui génèrent les revenus les plus élevés tendent à adopter certaines pratiques qui optimisent la santé et la productivité de leur troupeau :

1. Faible mortalité du troupeau  : Une gestion de la santé animale et des conditions d’élevage permettent de réduire significativement la mortalité au sein du troupeau. Cela se traduit par une meilleure productivité et une réduction des pertes financières liées à la perte d’animaux.

2. Taux de gémellité plus élevé : Un taux de gémellité légèrement supérieur est observé dans les exploitations les plus rentables. Cela pourrait être le résultat de l’utilisation de races spécifiques qui permettrait, outre un nombre plus élevé de veaux par vache, une gestion de troupeau plus rentable.

Il faut donc être efficace à tous les niveaux que ce soit au niveau de la maîtrise des paramètres techniques (âge au premier vêlage, intervalle vêlage, productivité, etc.) que des coûts de production tels que l’alimentation ou des frais de mécanisation qui sont les deux postes les plus importants.

Il serait intéressant de creuser à l’avenir ces pistes d’amélioration de rentabilité. Par ailleurs, le nombre de bovins viandeux élevés en production biologique vendus dans le circuit « conventionnel » n’étant pas connu précisément actuellement, il serait pertinent de développer les débouchés et de faciliter l’engraissement de ses bovins afin de valoriser le savoir-faire de nos éleveurs biologiques.

Opter pour la maîtrise de la production

Une approche proactive et maîtrisée est donc nécessaire pour renforcer la durabilité économique des exploitations. Les exploitations qui génèrent les revenus les plus élevés tendent à adopter certaines pratiques tels que la gestion de la santé animale.

D’après la Direction de l’Analyse économique agricole (Deman-Spw Arne)

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