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Le dialogue stratégique sur l’avenir de l’agriculture rebondit au parlement européen

Annoncé voilà un peu plus d’un an, le dialogue stratégique sur l’avenir de l’agriculture de l’UE, dont les conclusions ont été présentées par la présidente de la commission Ursula von der Leyen le 4 octobre, a rebondi, la semaine passée, au parlement européen où les débats ont beaucoup tourné autour de la question des moyens financiers nécessaires à la mise en œuvre des recommandations du rapport final. Dans les travées, on a aussi largement évoqué les atouts de la dimension agroécologique et un nécessaire soutien aux éleveurs.

Temps de lecture : 6 min

On ne le rappellera jamais assez (même dans nos pages), les agriculteurs européens constituent l’épine dorsale de l’autonomie alimentaire de l’Europe. Ils sont des moteurs essentiels de l’emploi et d’une croissance durable dans les zones rurales, de même qu’ils apportent une contribution majeure à notre transition écologique collective.

« Évoquer l’agriculture et la terre, c’est parler de travail mais aussi de sécurité alimentaire » a d’ailleurs souligné le président de la commission de l’Environnement du parlement européen, Antonio Decaro.

Une démarche holistique qui suscite le débat

Alors qu’elles ont pourtant des visions très éloignées de l’agriculture et qu’elles s’opposent régulièrement sur de nombreux sujets, les parties prenantes du secteur agroalimentaire ont, une fois n’est pas coutume, apporté un soutien unanime aux conclusions du dialogue stratégique sur l’avenir de l’Agriculture présentées par le professeur Peter Strohschneider qui encadrait les discussions.

Toutefois, il fallait s’en douter, chacun y voit midi à sa porte et le moyen de faire avancer ses idées et ses intérêts.

Sans se montrer trop pessimiste, on dirait, à l’instar de l’eurodéputé libéral Benoît Cassart, que ce travail « tente de faire plaisir à tout le monde ».

A défaut de proposer le remède miracle pour désamorcer la gronde paysanne et redonner un nouveau souffle à l’agriculture européenne, la démarche a eu le mérite d’exister, de dépolariser le débat et de le porter au sein des différentes institutions.

L’argent, éternel nerf de la guerre

Il fut évidemment question du revenu agricole. Pour une eurodéputée démocrate-chrétienne espagnole, « il faut parler d’argent, on ne peut pas mettre en place une Pac sans prendre en compte la rémunération des agriculteurs ». L’élue a évoqué la précédente législature « où l’on a élaboré la Pac sur base de son architecture verte alors qu’il faut considérer la rentabilité des exploitations pour concevoir l’avenir de la Pac ». Et d’ajouter que « l’on ne peut pas faire plus de politique européenne avec moins d’argent ».

L’eurodéputée n’est d’ailleurs pas la seule à plaider en faveur d’une augmentation de la participation des États membres au-delà d’1 % du Pib.

L’Italien Massimiliano Giansanti, nouvelle figure de proue du Copa s’est, lui aussi, prononcé pour une révision du budget de la Pac en tenant compte de l’inflation. Quant au chef de file des sociaux-démocrates Dario Nardella, il a réclamé davantage de ressources, notamment pour les petits agriculteurs.

L’élevage, parent pauvre du dialogue stratégique ?

Eurodéputée et éleveuse originaire de Franche-Comté, Valérie Deloge n’a pas dit autre chose quant à l’urgence de garantir un revenu décent aux agriculteurs.

Mais l’élue française, qui se situe à la droite de la droite sur l’échiquier politique, s’est particulièrement émue que les conclusions du rapport parlent de « privilégier les protéines végétales plutôt qu’animales sacrifiant, de ce fait, toute une filière de notre agriculture dont le savoir-faire est reconnu ».

La néodéputée ne croit pas, « contrairement à ce qui est écrit dans le dialogue stratégique, que les consommateurs se détournent de la viande par idéologie mais plutôt pour une question de prix. La viande de bonne qualité devient trop chère pour les Européens qui subissent crises sur crises ».

Elle a appelé de ses vœux la création d’un fonds de soutien pour venir en aide aux éleveurs européens.

Quelques paradoxes et un manque de cohérence

Le secteur de l’élevage, Benoît Cassart, en est un infatigable défenseur et porte-drapeaux au sein du parlement européen. Le libéral a vivement regretté le manque de clarté dans l’orientation fondamentale à prendre pour l’agriculture et le commerce international.

« Le rapport reconnaît que le revenu reste bas et que le soutien aux agriculteurs devrait être plus fléché vers ceux qui en ont le plus besoin alors que, dans le même temps, certains souhaiteraient diminuer le budget de la Pac » s’est-il étonné.

Et de pointer un autre paradoxe figurant dans le document, lequel recommande une plus grande cohérence entre les politiques de durabilité et commerciales. Pourtant, souligne le représentant du groupe Renew, « la commission persiste à vouloir conclure l’accord avec les pays du Mercosur alors que les produits importés comme le bœuf et le maïs ne respectent pas nos normes européennes ».

Et de s’interroger sur la manière de « concilier à la fois une plus grande compétitivité pour nos produits agricoles, un prix plus élevé pour améliorer le revenu des agriculteurs et compenser une hausse des coûts de production liés à de nouvelles exigences environnementales. Il faut faire des choix cohérents entre la protection de notre modèle et le libre-échange ».

La durabilité plutôt que la compétitivité

En tant que présidente d’Agroecology Europe, la Hongroise Lili Balogh a participé au dialogue stratégique. C’est à ce titre qu’elle venue au parlement européen pour évoquer, elle aussi, le futur du secteur agricole et le budget qui doit, selon elle, prévoir des fonds en plus de la Pac, « en particulier des services de conseil agroécologique indépendants, une éducation, un soutien juridique et financier, afin d’aider les agriculteurs dans la transition, de sauver leurs moyens de subsistance et de survivre aux crises du climat et de la biodiversité ».

Mme Balogh a tenu à insister sur le fait que « nous avons dépassé les limites planétaires à de nombreux niveaux. Le changement climatique est là. Les sécheresses sont quotidiennes, les inondations aussi, l’érosion des sols est à son comble ».

« Les agriculteurs sont enfermés dans un système dans lequel, par exemple, seules deux entreprises contrôlent plus de 40 % du marché mondial des semences. Selon les derniers chiffres d’Eurostat, plus de 800 exploitations agricoles disparaissent chaque jour, en raison des échecs des politiques collectives au cours des dernières décennies » a-t-elle encore souligné avant d’évoquer la grande disparité des revenus en agriculture : « 30 % des agriculteurs européens ne reçoivent aucune subvention de la Pac bien qu’ils produisent chaque jour de la nourriture pour la société. La transformation doit porter sur la stabilité des revenus, et non sur les rendements – nous produisons déjà plus que suffisamment de nourriture ».

Et de prévenir que « donner la priorité à la compétitivité plutôt qu’à la durabilité, c’est ignorer les réalités écologiques, tandis que les solutions de haute technologie, dont la plupart n’ont pas encore fait la preuve de leur efficacité, servent d’abord les intérêts des acteurs les plus puissants du système agroalimentaire ».

Pour la responsable hongroise, « il est prouvé que l’agroécologie est rentable, inclusive et compétitive et qu’elle est très innovante, apportant des nouveautés au système sous la forme de nouvelles structures sociales et organisationnelles, de connaissances agricoles indigènes et oubliées, de technologies peu coûteuses et faciles à réparer ».

Marie-France Vienne

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