États-Unis: l’agriculture très concernée par le scrutin
La campagne électorale bat son plein aux États-Unis. Si l’agriculture n’est pas au centre des débats, les sujets majeurs discutés par les deux candidats Kamala Harris et Donald Trump auront un impact important sur le secteur agricole : l’immigration, la politique commerciale ou fiscale. Mais les agriculteurs américains ont aussi un œil attentif sur les élections législatives qui se tiennent, comme les présidentielles, le 5 novembre. En effet, la politique agricole des États-Unis est essentiellement aux mains du Congrès, qui va devoir rapidement décider de l’avenir du Farm Bill, arrivé à expiration en septembre.

L’agriculture, en tant que telle, n’est certes pas un sujet de débat de la campagne des élections aux États-Unis qui entre dans la dernière ligne droite – d’autant plus qu’il ne s’agit pas traditionnellement d’un sujet clivant entre le parti démocrate et son rival républicain. «
Que ce soit la question de l’immigration sans cesse mise en avant par le camp républicain et son candidat Donald Trump (avec ses conséquences sur l’emploi saisonnier), la politique industrielle et fiscale, l’inflation (+ 35 % sous le mandat de Joe Biden), la politique commerciale ou les aides sociales en grande partie financées dans le cadre de la grande loi agricole, le Farm Bill. Un Farm Bill d’ailleurs arrivé à expiration il y a peu et qui va devoir rapidement être prolongé d’une année.
Les Démocrates draguent les ruraux
Les élections présidentielles (ainsi que celles des représentants au Congrès) se tiennent officiellement le 5 novembre mais le vote par anticipation (en personne ou par correspondance) a déjà commencé depuis fin septembre dans certains États. Des dizaines de millions d’Américains auront voté bien avant le 5 novembre. Le résultat de ce scrutin, au regard des derniers sondages, est très incertain. Donald Trump mènerait dans trois des sept fameux « swing states », ceux où se joue l’élection. Tandis que Kamala Harris tient la corde dans les quatre autres.
Mais à chaque fois avec une très faible avance. Or, plusieurs de ces États – le Wisconsin et le Nevada par exemple – sont des territoires ruraux. L’électorat agricole y est globalement acquis au parti républicain de Donald Trump qui fait donc moins campagne vers le secteur. Mais cela reste « un terrain fertile pour Trump », constate Ralph Ichter.
Pour les Démocrates de Kamala Harris, l’enjeu sera donc de faire une percée auprès de cet électorat rural historiquement favorable à Donald Trump, et qui pourrait s’avérer crucial dans cette course serrée. Il n’est donc pas anodin que la candidate démocrate ait choisi Tim Walz, le gouverneur du très rural Minnesota, comme colistier.
De même, l’administration démocrate de l’actuel président Joe Biden a multiplié ces derniers temps les annonces en faveur des zones rurales. Le 2 octobre ce sont 7,7 milliards de dollars (pour 2025) qui ont été débloqués pour les programmes environnementaux en faveur des agriculteurs. Et le 15 octobre, un autre plan a été dévoilé, mettant l’accent sur l’amélioration de l’accès au soin en milieu rural prévoyant notamment de recruter 10 000 nouveaux professionnels de la santé.
Un secteur qui a besoin de l’immigration
Si elle l’emporte, Kamala Harris devrait poursuivre la politique menée ces dernières années : des aides pour maintenir le nombre et la rentabilité des petites et moyennes structures agricoles ; des mesures visant à accroître la concurrence dans la chaîne d’approvisionnement afin de faire baisser le coût des intrants et d’améliorer la part qui revient aux producteurs ; le maintien des politiques incitatives à l’adoption de pratiques pour le climat ; et le renforcement des différents programmes d’aide alimentaire aux plus démunis.
Une vision qui diffère assez nettement de celle de Donald Trump qui, lui, encourage un modèle agricole qui promeut la compétitivité fondée sur une productivité croissante tirant profit de toutes les avancées scientifiques (biotechnologies) ou technologiques (mécanisation, robotisation…). Mais globalement, la politique agricole sous une seconde administration Trump ne devrait pas porter de changement significatif si ce n’est le passage au second rang des préoccupations environnementales (protection de l’eau, pesticides…) et des programmes de lutte contre le changement climatique au profit du maintien des objectifs actuels d’une augmentation de la production et de l’accroissement de la rentabilité.
Le plus gros sujet de cette campagne, au moins pour le camp républicain, est l’immigration. En 2023, il est estimé que plus de trois millions de personnes ont été interceptées à la frontière américaine avec le Mexique. Un record ! Les organisations agricoles américaines craignent que le projet de Donald Trump n’entraîne l’expulsion des migrants illégaux (estimé entre 10 à 12 millions) dont un certain nombre travaille dans l’agriculture. Ils seraient environ 1 million, notamment dans les exploitations de fruits et légumes de Californie mais également dans les élevages du Midwest.
Le secteur agricole souhaiterait introduire des assouplissements dans le programme H-2A qui permet aux employeurs de faire venir des ressortissants étrangers aux États-Unis pour occuper des emplois agricoles temporaires (en étendant la période de présence sur le territoire notamment). Les deux grands partis y sont plutôt favorables, mais les Démocrates veulent que cela s’accompagne d’une régularisation des travailleurs illégaux. Un repoussoir pour les Républicains qui ont donc jusqu’à présent bloqué toutes les discussions sur le sujet.
America first
Autre débat au cœur de la campagne : la fiscalité. Donald Trump promet de baisser l’impôt sur les sociétés de 21 à 15 %, mais uniquement pour les entreprises produisant aux États-Unis. Il s’en est récemment pris à John Deere dont il a menacé de taxer tous les équipements fabriqués au Mexique à 200 %. Ce droit de 200 % s’appliquerait en effet à toute entreprise qui fermerait une usine aux États-Unis pour la délocaliser ailleurs.
Résultat : John Deere a annoncé, le 15 octobre, renoncer à son projet de délocalisation au Mexique. Au contraire les Démocrates veulent porter l’impôt sur les sociétés à 28 % pour financer des mesures en faveur des classes moyennes. Selon Ralph Ichter, cette question de la fiscalité sera sur la table dès la fin de l’année 2025 alors que la loi fiscale de 2017 va expirer. «
Plus que le résultat de la présidentielle à proprement parler, beaucoup de choses dépendront de l’issue des élections au Congrès. Le 5 novembre les Américains renouvelleront l’ensemble des 435 membres de la Chambre des représentants (actuellement à majorité républicaine) et d’un tiers du Sénat (à majorité démocrate). Le contrôle du Congrès sera décisif pour soutenir ou au contraire bloquer tout ou partie des promesses des candidats.
L’hypothèse la plus vraisemblable est que les Républicains reprennent le contrôle du Sénat tandis que la Chambre pourrait passer au Parti démocrate. Pour ce dernier, les districts ruraux sont essentiels pour gagner des sièges. Dans tous les cas, les majorités devraient rester très faibles offrant peu de marge de manœuvre aux futurs législateurs.