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«Simplifier pour… mieux détricoter!»

Alors que les excès tapageurs de Donald Trump suscitent l’indignation internationale, c’est dans un silence feutré que se mène, au sein du parlement, une offensive tout aussi inquiétante contre les ONG. Plus sourde, plus insidieuse, cette dynamique est néanmoins bien réelle. C’est la position de l’écologiste Saskia Bricmont, qui observe depuis plusieurs mois une lente érosion de l’espace dévolu à la société civile et un recul des ambitions sociales et environnementales.

Temps de lecture : 5 min

Selon l’élue wallonne, ce tournant s’est amorcé dès le mandat précédent, mais la tendance s’est nettement accélérée au cours de ces derniers mois. Le renforcement du pouvoir des forces conservatrices et d’extrême droite au sein de l’hémicycle a donné naissance à une majorité farouchement hostile aux ONG. Le phénomène n’est plus marginal, il s’ancre désormais dans les grands dossiers parlementaires.

Une « dérive idéologique » de certains groupes

Cette hostilité se traduit déjà, concrètement, par « la criminalisation des acteurs de la solidarité », notamment ceux qui sont engagés aux côtés des personnes migrantes. L’élue wallonne pointe le cas de Cédric Herrou, un agriculteur militant français interpellé alors qu’il transportait des migrants en situation irrégulière à bord de son véhicule.

Plus largement, elle déplore une campagne de plus en plus visible de discrédit à l’encontre des ONG, inscrite dans une offensive plus large contre le Pacte Vert et les législations environnementales. Saskia Bricmont n’hésite pas à évoquer une « dérive idéologique », portée notamment par le PPE et l’extrême droite, qui vise à faire taire toute voix critique s’opposant aux intérêts de l’agro-industrie. « Elle ouvre plus grand encore la porte aux multinationales dans l’élaboration des politiques publiques ».

Le scandale des Pfas est, selon Madame Bricmont, un symbole de cette impuissance politique. « Malgré les alertes sanitaires, une seule de ces substances a été interdite à l’échelle européenne. Et ce, alors que les citoyens réclament massivement leur retrait des produits du quotidien comme les poêles ou les vêtements. Les ONG environnementales, elles, continuent de défendre l’intérêt général face à un lobbying industriel toujours plus puissant » dénonce-t-elle.

Attaques contre le programme « Life »

Aujourd’hui, déplore Saskia Bricmont, les attaques se déplacent vers d’autres terrains. Au sein même du parlement, certaines ONG, jusque-là soutenues par des fonds européens, notamment dans le cadre du programme « Life », l’instrument européen de financement pour l’environnement et l’action pour le climat, sont désormais dans le viseur. En place depuis 1992, il a permis le cofinancement de plus de 5.500 projets dans l’ensemble de l’UE et dans les pays tiers.

Qu’il s’agisse de projets tels que la réhabilitation de carrières de porphyre, ou d’initiatives environnementales d’envergure, c’est tout un pan de l’engagement civil et écologique qui est désormais menacé par une politique de plus en plus restrictive.

Ce programme phare, pilier du financement européen en faveur de la biodiversité et de l’environnement, a pourtant failli passer à la trappe en avril dernier. Les conservateurs et l’extrême droite ont déposé une objection, rejetée in extremis, visant à bloquer sa reconduction. Pour l’élue verte, il s’agit d’une attaque « qui vise les ONG environnementales, qu’ils soupçonnent de peser sur l’agenda politique au détriment des intérêts économiques ».

Un « agenda de sape »

Cette tentative de blocage scelle, pour elle, les contours « d’un agenda de sape délibérée ». Cette offensive marque également un basculement plus large, celui d’un climato-scepticisme désormais assumé. En contestant le bien-fondé même des objectifs environnementaux européens, les extrêmes remettent en question des engagements pourtant établis dans le cadre d’accords internationaux.

L’élue wallonne dénonce également les manœuvres qui ont eu lieu autour des paquets législatifs dits « omnibus » qui sont portés sous la bannière de la compétitivité et de la simplification, à la fois pour les agriculteurs et les entreprises.

Pour Saskia Bricmont, sous couvert de simplifier, « on rouvre des textes, on détricote des équilibres patiemment négociés, on affaiblit des normes encore à peine adoptées ». Cette dynamique qui menace de vider de leur substance des avancées majeures du mandat précédent.

« Stop the Clock » : un répit pour les entreprises sur les obligations de durabilité

Des craintes qui, avec le recul, se sont révélées fondées puisque le 14 avril dernier, l’UE a officiellement entériné le report de l’entrée en vigueur de deux piliers législatifs du Pacte Vert que sont la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) sur le reporting de durabilité, et la directive CSDDD (Corporate Sustainability Due Diligence Directive) relative au devoir de vigilance des entreprises.

Cette décision, présentée comme un geste d’apaisement envers le monde économique, vise à alléger temporairement la charge réglementaire pesant sur les entreprises. Le nouveau calendrier prévoit ainsi un report de deux ans, jusqu’en 2028, de l’obligation faite aux grandes entreprises de publier un rapport de durabilité, initialement attendue pour 2026. De son côté, la directive sur le devoir de vigilance, qui impose aux entreprises de prévenir et de remédier aux atteintes aux droits humains et à l’environnement dans l’ensemble de leur chaîne de valeur, voit son application décalée d’un an, également à l’horizon 2028.

Si cette mesure est accueillie favorablement par une grande partie du tissu économique, qui y voit une nécessaire bouffée d’oxygène, elle suscite également l’inquiétude de nombreuses ONG. Ces dernières dénoncent un signal ambigu envoyé par l’UE et redoutent un ralentissement, voire un essoufflement, de l’agenda environnemental européen.

Marie-France Vienne

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