Un chiffre d’affaires solide mais une rentabilité sous pression pour l’industrie laitière
Les produits laitiers ont bel et bien toujours leur place dans nos frigos. L’année dernière pas moins de 72 % des Belges en ont consommé quotidiennement. À l’échelle mondiale, aussi, la demande continue de croître. Pourtant, la filière se trouve à un moment charnière. En effet, la marge nette de l’industrie laitière reste faible, ce qui la place sous pression économique. De plus, de nombreuses incertitudes belges et internationales pèsent sur le secteur.

7,35 milliards d’euros : c’est le chiffre d’affaires réalisé par les transformateurs laitiers en 2024. Un résultat honorable, selon la Confédération belge de l’industrie laitière (CBL), dont l’assemblée générale annuelle s’est tenue à Court-Saint-Etienne. Pourtant, les livraisons de lait ont baissé de 0,8 % l’année passée, passant de 4,38 milliards de litres à 4,35. Une diminution due notamment aux maladies, et plus particulièrement la fièvre catarrhale ovine, le tout dans un contexte où le nombre d’éleveurs diminue d’année en année. Ils sont passés de 5.884 en 2023 à 5.640 en décembre 2024 (3.358 en Flandre, 2.282 en Wallonie). « Il s’agit d’une réalité en Belgique, mais également au Benelux, on sait que la collecte de lait va diminuer. Comme il y aura moins de lait, nous allons devoir mieux le travailler et lui donner plus de valeur. Toutefois, il faut des moyens si l’on souhaite investir », indique Sébastien Buytaert, président de la CBL.
Et justement, la marge nette de l’industrie laitière est restée particulièrement faible en 2023 : 1,23 %. Le tout alors que de son côté le prix annuel du lait ne cesse de grimper et a atteint les 49,62 € les 100 l l’année passée. Une bonne nouvelle, évidemment, pour les éleveurs. Toutefois, pour les transformateurs, il s’agit d’un poste de coût important, et leur rentabilité a été mise à l’épreuve, selon la CBL. Dans ce cadre également, le paysage laitier a été remanié en 2024. Une année marquée par des fusions et des acquisitions, comme l’illustre notamment le rapprochement entre le Belge Milcobel et le Néerlandais FrieslandCampina.
Le beurre atteint des records
Malgré ces ombres au tableau, bonne nouvelle : les produits laitiers restent profondément ancrés dans nos habitudes alimentaires. En 2024, pas moins de 72 % de Belges en ont consommé au moins un par jour. De plus, la consommation des ménages a augmenté de 4 %, d’après une étude de l’Office flamand pour la promotion des produits agricole et de la pêche. À l’échelle mondiale, aussi, la demande continue de croître avec une population en augmentation et des revenus en hausse dans certaines régions en croissance économique. « Même si la consommation actuelle reste bien en deçà des recommandations nutritionnelles, l’attitude envers les produits laitiers reste positive. Plus de 80 % des personnes interrogées dans cette étude les trouvent délicieux, sains et de qualité », souligne le président de la CBL, qui ajoute : « L’appréciation des consommateurs est un signal positif. Nous pouvons être fiers du haut niveau de sécurité alimentaire et de la qualité des produits qui sont commercialisés ».
Par ailleurs, la demande a évolué. Par exemple, la valorisation du lait en fromage était de 13,9 % en 2005 contre 22,9 % l’année passée. A contrario, si le lait de consommation représentait 16,5 %, toujours en 2005, en 2014, ce chiffre est descendu à 11,7 %. Quant au prix, indéniablement, le gras a le vent en poupe. La demande soutenue, combinée à une certaine rareté sur le marché, a conduit en septembre à des prix records atteignant les 8.100 €/t.
Un contexte géopolitique difficile
Mais alors que grâce au prix du lait, ces dernières années ont été parmi les plus rentables jamais enregistrées pour les éleveurs, de quoi notamment leur permettre de se préparer aux défis futurs, plusieurs incertitudes règnent. L’accès aux terres agricoles, la charge administrative, la relève de l’exploitation… sont autant d’éléments pesant sur leurs épaules. De leur côté, les transformateurs se sont retrouvés avec moins de lait, ce qui représente un risque de sous-utilisation de la capacité de production, et dès lors une possible augmentation des coûts par unité.
Le tout sans oublier certaines difficultés géopolitiques, lesquelles suscitent des inquiétudes pour le commerce international. Citons l’enquête chinoise sur les produits laitiers européens. La Chine restant en 2024 l’un des principaux marchés hors Union européenne avec quelque 85 millions d’euros d’exportations belges de produits laitiers. Sans oublier les droits de douane de Donald Trump, tandis que les exportations belges de produits laitiers vers ce pays s’élèvent à 36 millions d’euros, ce qui le place au 8e rang des destinations en dehors de l’Europe.
Malgré cela, les transformateurs laitiers affichent, une fois de plus, un bon résultat annuel, comme le prouve le chiffre d’affaires.
Une baisse des investissements de 6 %
En outre, d’après la CBL, les entreprises sont conscientes des enjeux à venir et aiguisent leur résilience. Quant à la durabilité, elle reste au cœur des priorités. « En 2024, 1.585 analyses climatiques ont été réalisées dans des exploitations laitières. Celles-ci offrent des outils concrets adaptés à l’agriculteur pour poursuivre ses efforts. De la sorte, les transformateurs misent clairement sur l’avenir », souligne Lien Callewaert, directrice de la CBL.
Néanmoins, face au contexte actuel, l’industrie s’est montrée plus prudente. Bien que les investissements s’élèvent à 178 millions d’euros, il y a un an, ils ont baissé de 6 %. Quant à l’emploi, l’industrie prouve, une fois de plus, qu’elle reste un pilier essentiel avec ses 6.060 jobs, selon les chiffres de la CBL. La confédération a d’ailleurs profité de ce rendez-vous estival pour appeler à une plus grande reconnaissance de ce secteur, plus que jamais incontournable, bien que confronté à de nombreux défis.