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Les chauves-souris, de redoutables chasseuses et… un insecticide naturel!

Si les chauves-souris étaient l’un des meilleurs alliés pour vous débarrasser des mouches dans vos étables ? En effet, le murin à oreilles échancrées, notamment, raffole de ces bestioles. Ces redoutables chasseuses peuvent d’ailleurs capturer environ 3.000 insectes par nuit ! Chloé Vescera, spécialiste des chiroptères, a soutenu une thèse sur ces animaux qui, il faut l’avouer, ont parfois mauvaise presse…

Temps de lecture : 5 min

C’est dans les bureaux de Natagora à Namur que nous rencontrons Chloé Vescera. Chargée de mission Plecotus, soit le pôle chauves-souris, cette spécialiste, détentrice d’un master en biologie des organismes et écologie à l’ULiège, a soutenu en 2024 une thèse financée par le FNRS au sein du laboratoire de génétique de la conservation dirigé par Johan Michaux. L’objectif ? Mettre en lumière l’interconnexion entre le régime alimentaire, le microbiome et le cycle de reproduction chez deux espèces de chiroptères : le murin à oreilles échancrées et le grand rhinolophe.

Grâce à cette recherche, la scientifique s’est rendu compte du lien étroit qui pouvait exister entre les chauves-souris et… le bétail. Et oui, si ces petites bêtes ailées peuvent en effrayer certains, vos troupeaux pourraient, eux, en tirer avantage. Tout débute lorsqu’elle étudie le régime alimentaire du murin à oreilles échancrées. « Des recherches montraient déjà qu’il s’agissait d’une espèce que l’on pouvait retrouver dans des fermes et se penchaient sur leur alimentation. Néanmoins, il n’y en avait pas beaucoup qui utilisaient des outils génétiques poussés, dont le séquençage haut débit. Ce sont des méthodes modernes permettant de recueillir beaucoup de données. Le but était d’affiner ou de confirmer des résultats obtenus il y a des dizaines d’années ».

Pour ce faire, Chloé Vescera se rend dans des colonies de reproduction, le tout en prenant les précautions nécessaires puisque, rappelons-le, les chauves-souris sont des espèces protégées. Après la reproduction, ces chiroptères stockent le sperme des mâles tout l’hiver, pour s’autoféconder après leur hibernation, lorsque les conditions sont optimales. En juin et juillet, c’est le moment des mises bas, les femelles se regroupent et élèvent ensuite leur jeune.

Des traces de mouches et de bétail dans leur guano

La mission de la scientifique : poser des caisses pour récolter du guano, soit des matières fécales. Après la nuit, c’est la collecte et le moment de scruter ces échantillons. « Par le biais des analyses génétiques, j’ai pu identifier les arthropodes consommés par ces individus. En parallèle, je me suis rendu compte qu’il y avait pas mal d’espèces de mouches dans les matières fécales, comme celle piqueuse du bétail », explique-t-elle. En poussant ses recherches, elle réussit même à retrouver des traces de mouches, et même de bétail, dans les crottes de chauves-souris ! Autre bonne nouvelle, dans certains échantillons, il y avait également de l’ADN de culicoïdes, ces petits moustiques vecteurs, notamment, de la maladie de la langue bleue.

« Une chauve-souris peut manger plusieurs centaines, voire plusieurs milliers d’insectes et d’arthropodes en une seule nuit ! L’effet pour l’élevage ne peut être que positif. Sans elles, c’est certain, il y en aurait beaucoup plus de mouches. C’est un insecticide naturel incroyable. Au-delà des maladies, il y a l’aspect bien-être du bétail puisque les bêtes sont moins ennuyées par ces nuisibles ».

Les étables : un buffet de choix pour ces petites bêtes

En juillet et en août, les fermes représentent un véritable restaurant pour ces colonies de reproduction. De plus, elles ne sont pas difficiles : fermes conventionnelles, bio, peu importe, du moment qu’elles y trouvent de quoi se sustenter. Et ce, quelle que soit la densité des cheptels environnants. « Les femelles se dirigent vers ces endroits pour aller se nourrir. La reproduction, l’allaitement l’élevage des petits… est une période très énergivore. Dans ce cadre, elles doivent privilégier quelques sites de chasse où elles savent qu’elles vont trouver une ressource alimentaire extrêmement abondante. Elles peuvent même décider d’effectuer un déplacement plus conséquent depuis leur colonie afin d’avoir de la nourriture à disposition ».

Preuve en est, la thèse de Chloé Vescera n’est pas la seule recherche à établir un lien entre ces bêtes. Plecotus a mené un projet approfondi sur la présence des chauves-souris dans les fermes entre 2021 et 2024. Grâce à l’engagement de nombreux volontaires, Natagora a pu analyser leur comportement dans 79 étables réparties dans les provinces de Liège, Namur, du Luxembourg et du Hainaut. Cette étude minutieuse a révélé que la quasi-totalité des bâtiments d’élevage étudiés constitue des lieux de chasse pour les chiroptères et qu’ils sont fréquentés par au moins 13 espèces différentes.

Dès lors, au lieu de les chasser des bâtiments d’élevage mieux vaut plutôt leur réserver un bon accueil, d’après ces scientifiques.

Comment les attirer dans les fermes ?

Si dans nos contrées, les colonies se forment plutôt dans les combles de chapelles, châteaux et autres anciens bâtis, pour les appâter dans les fermes plusieurs choses peuvent être mises en place. Bien entendu, les portes des étables doivent être assez ouvertes pour qu’elles puissent y rentrer facilement. Il faut également éviter les éclairages, même près des couloirs de passage puisqu’elles sont sensibles à la lumière. Les haies, mares et autres aménagements leur sont aussi favorables, d’autant plus que la plupart des espèces évitent de traverser de grandes étendues ouvertes. Puis, elles pourront y retrouver de quoi s’alimenter.

Enfin, Natagora, comme d’autres organismes, plaide pour une gestion raisonnée des antiparasitaires utilisés chez le bétail. Leurs résidus se retrouvent dans les déjections et peuvent, en effet, être toxiques pour les insectes ainsi que pour leurs prédateurs naturels, tels que les chiroptères. Des animaux indispensables, qu’il faut protéger pour continuer à les observer voler à la tombée de la nuit.

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