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Mercosur : la commission muscle ses garde-fous pour protéger les agriculteurs

La commission a publié, ce 8 octobre, sa proposition de règlement (et son annexe) visant à renforcer les protections pour les agriculteurs dans le cadre de l’accord UE/Mercosur. Ce texte met en musique l’engagement politique, publié le 3 septembre, pour répondre aux préoccupations exprimées par le secteur agricole et certains États membres.

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Depuis plusieurs années, le secteur agricole européen se mobilise contre le risque de déséquilibres que pourrait provoquer l’accord de libre-échange entre l’UE et les pays du Mercosur. Les producteurs redoutent une arrivée massive de produits agricoles, notamment de viande bovine, de volaille, de riz, de miel, d’œufs ou de sucre, issus de systèmes de production moins encadrés que les leurs sur le plan environnemental et sanitaire.

Début septembre, la commission a transmis aux États membres les textes juridiques de l’accord, ouvrant ainsi la voie à son approbation finale par le Conseil de l’UE et le parlement européen. Consciente des inquiétudes du monde agricole, elle a présenté un nouveau règlement destiné à garantir une réaction rapide en cas d’effets négatifs sur certaines filières.

Des mesures de sauvegarde plus réactives

Ce texte complète les garanties déjà prévues dans la proposition législative relative à l’accord de partenariat UE-Mercosur (Apem). Il met en place des procédures claires pour appliquer rapidement des mesures de sauvegarde bilatérales sur les produits agricoles sensibles, lorsque l’afflux d’importations ou la baisse des prix menace les producteurs européens. En cas d’augmentation soudaine des volumes en provenance du Mercosur ou de chute marquée des prix, l’UE pourrait ainsi retirer temporairement les préférences tarifaires accordées aux produits concernés.

La commission précise qu’une enquête sera ouverte si les prix à l’importation depuis le Mercosur chutent d’au moins 10 % par rapport à ceux des produits équivalents européens, ou si les importations d’un produit augmentent de plus de 10 % par rapport à l’année précédente. Si l’enquête conclut à l’existence ou au risque d’un préjudice grave, Bruxelles pourra suspendre sans délai les avantages commerciaux pour ce produit.

Une surveillance renforcée des marchés agricoles

Le dispositif repose également sur une surveillance continue des marchés agricoles. La commission suivra de près l’évolution des importations concernant les produits jugés sensibles, notamment la viande bovine, la volaille, le riz, le miel, les œufs, l’ail, l’éthanol et le sucre, et transmettra tous les six mois un rapport d’évaluation au conseil et au parlement européen. Ces rapports permettront d’identifier précocement les risques de déséquilibre, tant à l’échelle de l’UE que dans les États membres particulièrement exposés.

Afin d’assurer une réactivité maximale, la commission s’engage à ouvrir sans délai une enquête à la demande d’un État membre dès lors que des motifs suffisants existent, à activer des mesures de sauvegarde provisoires dans un délai de vingt et un jours dans les cas les plus urgents, et à clore les enquêtes en quatre mois, contre douze mois prévus initialement dans l’accord. Ce calendrier resserré vise à donner aux agriculteurs européens un filet de sécurité supplémentaire face à d’éventuelles perturbations de marché.

Un cadre juridique spécifique pour le Mercosur

Le règlement proposé s’appuie sur le texte européen de 2019 encadrant déjà les clauses de sauvegarde prévues dans d’autres accords commerciaux, mais la commission a jugé nécessaire d’élaborer un acte juridique spécifique pour le Mercosur, compte tenu de la sensibilité des échanges agricoles avec ces pays. En traduisant directement dans le droit européen la possibilité de suspendre temporairement les avantages tarifaires, la commission entend montrer qu’elle prend au sérieux les préoccupations du monde rural.

Le texte doit désormais être adopté par le parlement et le conseil dans le cadre de la procédure législative ordinaire. La commission espère une adoption rapide, afin que ces protections soient effectives dès l’entrée en vigueur de l’accord. Pour l’exécutif européen, l’enjeu est clair : concilier ouverture commerciale et défense du modèle agricole européen, un équilibre que les agriculteurs continueront à surveiller de très près.

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