Forêts : l’Europe au risque du renoncement
L’UE traverse une zone de turbulences environnementales : le parlement vient de rejeter le cadre de surveillance des forêts, tandis que la commission prépare une version simplifiée de la loi sur la déforestation, assortie d’un calendrier d’application différé. Pour l’eurodéputé Yvan Verougstraete, l’Europe cède aux pressions politiques et économiques au détriment de la cohérence de ses engagements.

L’élu belge analyse les raisons d’un double recul qu’il juge symptomatique d’une Europe tentée par le repli. Il met en cause la dérive idéologique d’une partie de la droite et le poids des intérêts économiques.
Le parlement a rejeté le nouveau cadre de surveillance des forêts. Que s’est-il passé ?
C’est assez simple, certains ont préféré casser le thermomètre plutôt que de regarder la température. Le texte visait à doter l’Europe d’un cadastre forestier commun, à harmoniser les données et à permettre une gestion intelligente des forêts. Cela aurait permis de suivre la densité, l’évolution, les tendances… bref, de mettre de l’intelligence dans la politique forestière. Mais ceux qui ne veulent pas faire d’efforts ont préféré dire : « On ne veut pas savoir ». Résultat, on renonce à des données partagées et à une vision commune, ce qui revient à s’interdire d’agir efficacement.
Pourquoi cette opposition, selon vous ? La question forestière est-elle devenue un enjeu idéologique ?
Vous plaidez pour un système européen harmonisé de suivi des forêts. Qu’apporterait-il concrètement aux acteurs de terrain ?
D’abord, un langage commun. Avec des données comparables entre États membres, on peut anticiper les risques, mesurer les effets des politiques, partager les bonnes pratiques. Aujourd’hui, le réchauffement climatique impose d’adapter nos forêts : certaines essences souffrent, d’autres résistent mieux. Si nous avions un cadre européen de surveillance, nous pourrions objectiver tout cela. Sans données, nous naviguons à vue. Avec elles, nous pouvons protéger, anticiper et gérer. C’est aussi simple que cela.
Certains parlent de « simplification administrative ». Où se situe, selon vous, la frontière entre simplification et dérégulation ?
La simplification, c’est réduire la charge bureaucratique sans affaiblir l’objectif politique. La dérégulation, c’est l’inverse : on prétend simplifier, mais en réalité, on renonce à atteindre le but fixé. La frontière est fine, mais réelle. Si l’on passe de 100 % d’un objectif à 20 %, ce n’est plus de la simplification, c’est de la dérégulation. Et c’est ce qui se passe ici : on détruit le cadre au nom d’une prétendue simplification. C’est une erreur majeure.
Vous avez aussi dénoncé un « bug informatique » utilisé comme prétexte pour retarder la loi sur la déforestation. Pourquoi est-ce, selon vous, si grave ?
Ce glissement, dites-vous, est justement aussi politique. Vous évoquez une porosité croissante entre la droite et l’extrême droite au parlement.
Oui, et c’est très inquiétant. On voit désormais des textes passer grâce aux voix de l’extrême droite, sans que cela gêne certains députés du PPE. Nous, aux Engagés, avons toujours refusé de soutenir un texte qui ne tiendrait que par le soutien de l’extrême droite. Mais cette ligne rouge, beaucoup ne la respectent plus. À force, on devient complices. Et cela mine profondément la crédibilité du parlement.
Après ces revers, comment l’UE peut-elle retrouver une dynamique d’action sur le front environnemental ?
Il faut du courage politique. Les forêts brûlent, la déforestation mondiale continue, et nous discutons de bugs informatiques. L’Europe doit cesser de se cacher derrière des excuses techniques. Reporter, c’est céder. Et céder, c’est renoncer à l’essentiel : notre cohérence, notre crédibilité, notre avenir.





