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L’UE resserre les règles agricoles et s’en prend aux «burgers végétariens»

En adoptant, le 8 octobre dernier, sa position sur la révision ciblée de l’OCM, le parlement a acté une mesure attendue : l’obligation de contrats écrits entre agriculteurs et acheteurs. Dans le même mouvement, les eurodéputés ont réservé les appellations liées à la viande aux seuls produits carnés.

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Les eurodéputés ont largement approuvé leur position sur la révision ciblée du règlement OCM, pilier historique de la Pac. Présenté par la commission en décembre 2024, ce texte devait à l’origine se limiter à des ajustements techniques. Il est devenu, au fil des mois, un champ de bataille politique sur la question de la régulation des échanges agricoles, des revenus agricoles et, plus surprenant, des mots de la viande.

La réforme vise avant tout à mieux protéger les producteurs face à la volatilité des prix et aux déséquilibres du marché. Elle rend obligatoire la conclusion d’un contrat écrit entre tout agriculteur et son premier acheteur, une revendication portée de longue date par plusieurs syndicats agricoles.

Cette mesure, censée « sécuriser les relations commerciales et garantir un revenu juste », selon le texte adopté, a toutefois divisé les familles politiques. Les groupes PPE (droite) et Renew (centre) comptaient plusieurs voix réclamant plus de flexibilité pour les États membres, au nom du pragmatisme économique. Mais la majorité a finalement choisi la ligne de la fermeté.

Un texte porté par les défenseurs du revenu agricole

Le vote marque une victoire politique pour les partisans d’un encadrement plus strict des relations commerciales agricoles. « Le cœur de cette réforme est simple : sécuriser l’agriculteur avec un contrat conclu avec son premier acheteur », a plaidé la rapporteure du texte, la députée démocrate-chrétienne et agricultrice française Céline Imart.

Cette mesure, a-t-elle insisté, vise à « mettre fin à la précarité de relations commerciales trop souvent déséquilibrées » entre producteurs et distributeurs. Selon plusieurs études de la commission, près de la moitié des exploitants européens vendent encore sans contrat formalisé, notamment dans les secteurs de la viande et des fruits et légumes, ce qui les expose à des variations de prix brutales.

Le texte adopté prévoit toutefois des dérogations sectorielles. Les États membres pourront exempter certaines filières (viande porcine, pommes de terre, semences) de l’obligation contractuelle, à la demande d’organisations professionnelles reconnues. Les eurodéputés ont également choisi d’abaisser le seuil à partir duquel un contrat écrit devient obligatoire à 4.000 €, contre 10.000 € dans la proposition initiale de la commission. Le conseil, plus soucieux de la flexibilité des entreprises, plaide au contraire pour un seuil de 20.000 €. La différence de philosophie est manifeste : le parlement mise sur la protection, le conseil sur la souplesse.

Un texte qui élargit aussi la transparence

Au-delà des contrats, les eurodéputés ont intégré plusieurs amendements d’ampleur. Ils souhaitent étendre l’étiquetage de l’origine à l’ensemble des produits agricoles (céréales, produits laitiers, fruits et légumes transformés, viande, etc.) Une mesure présentée comme une garantie de traçabilité, mais qui pourrait se heurter à la complexité logistique des filières agroalimentaires européennes.

Le parlement demande aussi que les marchés publics privilégient les produits issus de l’UE, avec une priorité pour ceux bénéficiant d’indications géographiques protégées (IGP). En filigrane, c’est la question du patriotisme économique européen qui s’invite dans le débat, dans un contexte de concurrence croissante avec les importations extra-européennes. Les eurodéputés ont par ailleurs réclamé davantage de clarté sur l’usage des termes « juste » ou « équitable » dans le commerce, estimant que ces mentions, souvent floues, ne doivent pas induire le consommateur en erreur. Enfin, ils se sont opposés à la création d’organisations de producteurs spécifiques au bio, au motif qu’elles risqueraient de fragmenter davantage les filières.

La bataille des mots : « steak » contre « galette »

Si l’adoption des contrats obligatoires relève d’une logique économique, l’autre volet du texte, à savoir la protection des dénominations de la viande, relève du champ symbolique. À l’initiative, encore, de Céline Imart, les eurodéputés ont décidé de réserver les termes « steak », « escalope », « saucisse » ou « hamburger » aux produits d’origine animale.

Cette position a suscité de vifs échanges. « Les gens peuvent manger du tofu ou des galettes à l’éprouvette tant qu’ils le souhaitent, mais ce n’est pas de la viande », a déclaré la rapporteure. Pour elle, la mesure vise à « défendre la clarté du langage et le respect du travail des éleveurs ».

À l’opposé, la députée écologiste néerlandaise Anna Strolenberg, en charge du dossier pour les Verts, a dénoncé « une diversion purement idéologique », estimant que « les consommateurs ne confondent pas un steak de bœuf et un burger de pois chiche ».

Le groupe centriste Renew avait tenté un compromis, proposant d’interdire uniquement les termes liés à des appellations d’animaux (veau, bœuf, porc), mais pas ceux décrivant la forme ou la texture (burger, escalope). L’amendement a été rejeté.

Une controverse qui dépasse la sémantique

Le débat illustre une tension plus large sur le modèle alimentaire européen. D’un côté, les défenseurs de la viande dénoncent une concurrence déloyale des substituts végétaux, souvent présentés comme plus durables et moins émetteurs de GES. De l’autre, les partisans d’une alimentation végétale y voient une entrave à l’innovation et à la transition écologique.

Par ailleurs, nous avons appris qu’une coalition d’ONG a lancé une pétition pour demander aux décideurs politiques de ne pas interdire dans l’UE « des termes « viande » de bon sens » pour les produits à base de plantes et de rejeter ces textes en l’état. À cela s’ajoute la question des usages traditionnels de certaines dénominations « qu’on ne peut dégager d’un simple revers de la main ».

C’est à ce titre que le socialiste français Éric Sargiacomo s’est lui aussi interrogé : « Que fait-on avec le steak de thon ? », interpellant ses collègues sur les usages traditionnels. Derrière l’ironie, une vraie question juridique : où s’arrête la viande et où commence la métaphore culinaire ? Le débat aura lieu à l’occasion du prochain trilogue qui est prévu la semaine prochaine.

Marie-France Vienne

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