A Liège, une légumerie, pierre angulaire entre producteurs et cuisines de collectivité
Le premier hub logistique du réseau « Pôles circuit court » de Wallonie vient d’être inauguré à Liège. Outre le stockage et la distribution, une légumerie assure la découpe et le conditionnement de légumes locaux et bio à destination des cuisines qui alimentent les écoles, crèches, hôpitaux… De quoi faciliter l’accès à une nourriture saine et durable à tout un chacun, et créer de nouveaux emplois sur le territoire wallon.

Un ouvrier réceptionne les légumes et l’autre les nettoie. Un peu plus loin, un troisième effectue les découpes tandis que sa collègue assure le conditionnement du produit. Cette petite équipe s’affaire autour de bulbes de fenouil. Demain, ce seront des carottes, des oignons ou encore des patates douces qui prendront place dans la première légumerie de Wallonie, maillon crucial, mais jusqu’ici inexistant, entre les agriculteurs et les cuisines de collectivité.
Le chaînon manquant
Implantée à Bressoux, à quelques mètres seulement du Marché matinal, cette infrastructure constitue un des piliers du « Pôle circuit court » de Liège, aux côtés du bâtiment Horizon, lequel a vu le jour en 2022. « Ce dernier s’étend sur 1.000 m² et constitue un hall logistique destiné au stockage et à la distribution de produits locaux », éclaire Fabienne Mathot, responsable accompagnement économie sociale et circuits courts au sein de Wallonie Entreprendre. Il est actuellement occupé par Circuits Paysans, une coopérative qui a pour but de relocaliser l’alimentation en province de Liège, Les Petits Producteurs, une coopérative de magasins de quartier d’alimentation locale et/ou bio, et, enfin, la Ceinture Aliment-Terre liégeoise, dont la mission est de favoriser le développement de l’alimentation durable et des filières courtes et locales.

« Rassembler les produits en un même hall logistique pour, ensuite, les faire voyager chez les consommateurs est une chose… Mais il manquait un élément pour mettre les producteurs en relation avec les cuisines de collectivité, assurant la préparation des repas pour les crèches, écoles, maisons de repos, hôpitaux… » En effet, ces cuisines n’ont généralement ni le personnel, ni les infrastructures requises pour traiter des légumes bruts, ce qui freine leur recours à des produits frais et locaux, voire bio. Quant aux producteurs wallons, ils ne disposent pas du réseau ou de la logistique nécessaire pour répondre à la demande de telles cuisines.
La légumerie-conserverie, qui a été inaugurée ce 12 novembre, permet de faire le lien entre ces acteurs de l’alimentation. Celle-ci assure le lavage, l’épluchage, la découpe et le conditionnement de légumes bio fournis par des agriculteurs locaux. Les denrées conditionnées sont ensuite envoyées au sein des collectivités où les chefs les intègrent avec davantage de facilité dans leurs menus.
Un levier pour l’emploi et les circuits courts
La nouvelle infrastructure, d’une superficie de 3.100 m², est exploitée par la jeune entreprise d’économie sociale Terra Alter Belgique. Pascal Hennen, son directeur, explique : « Nous nous sommes engagés dans cette activité pour plusieurs raisons. D’une part, les cuisines de collectivité représentent un levier essentiel pour le développement économique des producteurs locaux, la santé des consommateurs (jeunes enfants, aînés, personnes hospitalisées…) et le développement d’une agriculture de qualité. Il était nécessaire que cet outil voie le jour, sans quoi ces objectifs ne peuvent être atteints ».
D’autre part, Terra Alter a relevé le défi de la légumerie car l’infrastructure est pourvoyeuse d’emplois, ce qui lui permet de rencontrer une de ses missions qu’est la création d’emplois stables pour des personnes au départ peu qualifiées. Actuellement, celles-ci sont au nombre de quatre. À terme, l’atelier devrait grouiller d’activité, puisque l’ambition est d’engager vingt personnes. Parallèlement, les volumes de légumes transformés devront également progresser afin d’assurer la rentabilité de l’activité.
Dans les plans les plus optimistes, la capacité de transformation pourra atteindre jusqu’à 1.400 t/an, soit 4 à 5 t de légumes traités et transformés par jour sur le site.
Enfin, si l’entreprise a fait le pari de la quatrième gamme – légumes frais crus, lavés, épluchés et coupés, prêts à l’emploi –, elle est aussi parfaitement consciente qu’elle pourrait faire face à des surplus. « C’est pourquoi nous avons couplé une conserverie à la légumerie. En cas de besoin, nous pouvons transformer les surplus en soupes, choucroute… ». De quoi ajouter une corde à l’arc de Terra Alter, tout en évitant le gaspillage alimentaire, contraire à l’initiative.
Un approvisionnement constant et un débouché fixe
« En répondant à une problématique concrète de terrain, c’est un approvisionnement constant qui est proposé aux professionnels des cuisines de collectivité et de l’Horeca », enchaîne Fabienne Mathot. « Pour les producteurs prenant part au projet, l’avantage est multiple : nous leur donnons accès à un nouveau marché et leur assurons un débouché fixe, qu’importe la taille de leur exploitation, ainsi qu’une juste rémunération. »
Caroline Devillers, administratrice déléguée de la coopérative Bel go Bio et agricultrice à Faimes, fait partie des fournisseurs du pôle liégeois. Un choix qui lui permet d’écouler un volume important, car la coopérative travaille sur de larges surfaces, mais aussi de commercialiser les légumes dits « hors calibre ». « Nous travaillons principalement avec des grossistes bio, qui attendent un certain calibre afin de satisfaire leurs clients. Ici, comme les légumes sont découpés, nous pouvons livrer ceux qui ne répondent pas à ce critère. En outre, cela permet à la légumerie de gagner en productivité en traitant des produits plus gros », détaille-t-elle. Dans un marché bio en stagnation, c’est aussi une opportunité de soutenir le chiffre d’affaires de la coopérative.

De l’autre côté de la chaîne, Jeanne et Christian Collard sont à la tête de la société TCO Service livrant 22.000 repas par jour en Wallonie et à Bruxelles, au départ de seize cuisines. L’entreprise, qui approvisionne notamment des écoles, s’est tournée depuis plusieurs années déjà vers les produits locaux, représentant pas moins de 75 % des ingrédients utilisés au quotidien. Le bio occupe aussi une place de choix dans les cuisines : 60 % des ingrédients sont labellisés.
TCO Service, au vu de la taille de son activité, aurait pu créer son propre atelier de découpe. « Après avoir étudié le projet pendant plusieurs années, notamment en termes de volume et de faisabilité, j’ai été heurté à la réalité du plan financier. Lancer une telle activité n’aurait pas été rentable pour une société comme la nôtre », détaille Jeanne Collard. Ne souhaitant pas pour autant abandonner l’idée, la société a soutenu la création de la légumerie et de Terra Alter. Aujourd’hui, elle d’ailleurs cliente de l’entreprise d’économie sociale et a installé sa dernière cuisine dans le même bâtiment, ce qui facilite grandement son approvisionnement.
Une seconde légumerie, en Hainaut
L’initiative ne se limite pas à la province de Liège. Trois autres pôles couvrent les provinces de Namur et de Luxembourg, avec Paysans Artisans et Réseau Paysans, ainsi que le Hainaut, avec Carolo-store. Au niveau wallon, ce sont ainsi plus de 500 producteurs locaux qui bénéficient d’un soutien. Le tout, grâce à un apport financier européen de 16,49 millions, dont 7,66 millions investis à Liège.
Et la dynamique se poursuit. À Charleroi, où le hub logistique s’étend sur 2.400 m², une autre légumerie-conserverie verra prochainement le jour, elle aussi gérée par des acteurs de l’économie sociale.
La Wallonie sera ainsi dotée de deux infrastructures essentielles pour les circuits courts et la mise en relation des producteurs avec les cuisines de collectivité.





