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Sur fond de multiples conflits commerciaux, morosité sur les marchés des matières premières !

Les marchés mondiaux des matières premières refont grise mine sur fond de nombreux conflits commerciaux, indique le rapport Cyclope, sorti le 15 mai. Dans ce contexte, des géants comme le Brésil et la Russie établissent des stratégies alimentaires vigoureuses, tandis que réapparaissent des politiques agricoles plus volontaires aux États-Unis, en Chine ou en Inde.

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Ces marchés mondiaux sont de nouveau marqués par la morosité de la demande, signe de perte de vitesse de l’économie, contrairement à ce qu’espéraient les milieux économiques l’an dernier, indique le rapport Cyclope, ouvrage annuel dédié à l’ensemble des matières premières. Cela pour cause de ralentissement de la croissance chinoise et de nombreux bras de fer commerciaux, le premier étant le conflit américano-chinois, explique Philippe Chalmin, économiste, historien et coordonnateur de l’ouvrage. Ce document passe au crible toutes les matières premières, de l’ananas au zirconium, en passant par le pétrole, le blé, le soja, la viande, les fruits et légumes, le coton, etc.

Le soja est, avec le pétrole, le produit le plus « politique »

Après une période de cours élevés, de 2007 à 2014, que certains économistes ont baptisé « super-cycle », les marchés avaient connu un contre-choc au début 2016, dont l’économie mondiale s’est remise, soutenue par la croissance américaine et chinoise en particulier, rappelle Philippe Chalmin.

Depuis cette date, la plupart des produits agricoles suivent une tendance négative, à l’image du sucre et du café, du caoutchouc et de l’huile de palme. Puis, dès le début de 2018, Washington a ouvert le feu contre Pékin à propos de l’acier et de l’aluminium. La Chine a réagi en surtaxant les exportations américaines, de soja notamment. « Le soja a été, avec le pétrole, le produit le plus « politique » de l’année. Cela continuera en 2019 », prédit l’économiste.

« Rarement les relations commerciales ont été aussi tendues. Le doute assaille la construction d’une mondialisation que beaucoup ont souhaitée heureuse », poursuit le coordinateur de Cyclope. Résultat : aux États-Unis on ne sait plus quoi faire des stocks de soja et de maïs.

Une opportunité pour les marchés de la viande

Une éclaircie est visible sur le marché de la viande. Mais c’est une opportunité plus que le résultat d’une politique ou d’investissements de l’UE pour son agriculture. Du fait de la peste porcine africaine, la Chine subirait une chute de production de viande porcine de 5 à 6 millions de tonnes (Mt), selon Jean-Paul Simier, un des 65 auteurs du rapport Cyclope. Ces 5 à 6 Mt représentent à eux seuls deux à trois fois la production française.

La Chine pourrait difficilement ne pas importer de viande porcine. « La viande de porc est très populaire chez le géant asiatique. Son absence dans les étals pourrait avoir autant d’effet que le prix des carburants en France », note Jean-Paul Simier. La demande chinoise est déjà à l’origine de la hausse des prix de la viande porcine de 30 % en Chine et de 25 % en France, au Brésil et aux États-Unis. Le déficit de cette viande se reportera aussi sur la viande bovine. La France peut espérer prendre une part du marché car elle a de nouveau l’agrément sanitaire. L’effet de contagion touchera aussi la viande ovine, et du coup l’exportation néo-zélandaise vers l’Europe pourrait se faire moins pesante sur les marchés.

Le Brésil reprend sa marche en avant

Mais la petite Europe agricole devra tenir compte de géants qui investissent beaucoup sur leur agriculture, comme le Brésil et la Russie. Jean-Paul Simier voit le Brésil de Bolsonaro revenir à fond sur le commerce des viandes et du soja vers la Chine, avec d’importants projets, y compris en Amazonie. La Chine a des projets d’infrastructures ferroviaires au Brésil. « Elle a une vraie stratégie de sécurisation de ses approvisionnements alimentaires » selon l’économiste. Pékin investit aussi en Russie, pays qui s’est constitué une agro-industrie forte du fait de l’embargo européen de 2014.

« Partout dans le monde, réapparaissent des politiques agricoles, comme en Chine – avec des aides au stockage – et en Inde, avec des aides au transport du sucre. » De même, le Pakistan et la Thaïlande soutiennent leurs agriculteurs par des subventions.

Aux États-Unis, l’administration a réactivé une aide aux producteurs de soja. Les politiques agricoles réapparaissent partout sauf en Europe, « seule région du monde qui continue à détricoter ses mécanismes agricoles de régulation », constate Philippe Chalmin, évoquant le « ventre mou » qu’est l’Europe dans les conflits commerciaux actuels !

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