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Le pâturage est-il encore économiquement intéressant?

Les éleveurs wallons sont catégoriques : le pâturage a encore de l’avenir dans notre région. Nombre d’entre eux estiment d’ailleurs que la mise à l’herbe de leur troupeau contribue à réduire leurs coûts de production. Si cet argument semble irréfutable, observent-ils, en parallèle, une hausse de leur revenu ? Analyse.

Temps de lecture : 4 min

Vaut-il mieux faire pâturer son troupeau ou faucher ses prairies ? La production laitière est-elle influencée par ce choix ? Que me coûtent la récolte et la conservation des fourrages ? Avec quel impact sur mon revenu ?

Sur base des statistiques 2015 de l’Association wallonne de l’élevage (Awé), Patrik Gauder a répondu à ces questions et bien d’autres à l’occasion de la journée d’étude « Du neuf au pâturage » qui s’est tenue le 16 mars dernier à La Reid.

Le lait herbe, qu’est-ce ?

Les différents résultats présentés par M Gauder sont basés sur un indicateur fréquemment utilisé à l’Awé : le lait herbe (LH). Celui-ci reflète la quantité de lait produite par les vaches à partir de l’herbe pâturée.

Cependant, la part qu’occupe l’herbe pâturée dans la ration n’est jamais connue avec exactitude. Le LH doit donc être calculé par la différence entre les besoins alimentaires nécessaires à la production de lait et les apports par les aliments et fourrages autres que l’herbe. Le calcul fait référence aux « besoins lait » car une part importante de l’énergie apportée par l’herbe comble les besoins d’entretien, de gestation, de pâturage et de production de viande (voir figure 1).

Figure 1
: qu’est ce que le lait herbe (LH)
?
Figure 1 : qu’est ce que le lait herbe (LH) ?

« Attention, le LH est bien un indicateur et non une preuve de la quantité de lait produit », met en garde l’expert de l’Awé. « La valorisation des aliments et fourrages conservés, la santé des animaux, la surestimation de la valeur des fourrages… vont influencer le LH vu que celui-ci est calculé en tenant compte des apports alimentaires autres que l’herbe ».

Depuis 1992, l’Awé constate par ailleurs que la quantité de lait produite à partir du pâturage a considérablement chuté en Wallonie. Cela ne signifie toutefois pas que l’herbe pâturée est nettement moins valorisée. « Ce résultat s’explique tout simplement par la hausse du nombre de vache à l’hectare, +33 % environ. » Pour une même surface, l’herbe pâturée sert donc à combler les besoins d’entretien d’un plus grand nombre d’animaux.

Pâturer plus pour gagner plus ?

L’écart entre le prix de revient des prairies pâturées et celui des prairies fauchées est relativement important : plus de 950 € selon les statistiques de l’Awé (tableau). Une différence qui s’explique notamment par l’importance des coûts d’entreprise, de traction et de stockage des fourrages.

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En outre, Patrik Gauder constate que plus les éleveurs font pâturer leur troupeau, plus leur marge brute (différence entre la production totale et les frais variables) augmente. En moyenne, les fermiers qui ont un bon LH gagnent plus par litre de lait produit.

«
Plus les éleveurs font pâturer leur troupeau, plus leur marge brute augmente. Mais leur revenu diffère-t-il de celui des éleveurs 
non pâturants
?
», interroge Patrik Gauder.
« Plus les éleveurs font pâturer leur troupeau, plus leur marge brute augmente. Mais leur revenu diffère-t-il de celui des éleveurs non pâturants ? », interroge Patrik Gauder. - J.V.

Le pâturage permettrait-il donc d’augmenter le revenu agricole ? Patrik Gauder constate qu’en réalité celui-ci est similaire chez les éleveurs pâturants et non pâturants, et ce, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, les exploitations qui pâturent le plus sont également celles qui produisent le moins de lait. Du côté des non pâturantes, les coûts plus importants sont compensés par une hausse de la production.

Le niveau de production n’est pas le seul paramètre à expliquer qu’il n’y ait pas une différence plus marquée du revenu en fonction du LH. En effet, si le recours à l’entreprise est nettement moins coûteux à l’hectare en prairie pâturée qu’en prairie de fauche, les coûts de traction et de matériel sont quant à eux très similaires. « Qu’ils pratiquent ou non le pâturage, les éleveurs sont tout aussi bien équipés et doivent amortir leurs investissements. »

Des alternatives à envisager

Patrik Gauder livre également quelques pistes afin d’améliorer le lait herbe des élevages wallons. Il propose en premier lieu de travailler sur la valorisation des aliments et fourrages conservés en distribuant une ration équilibrée et répartie sur la journée, pour une absorption et une digestion maximale.

Pour atteindre cet objectif d’amélioration, la détection et le traitement des maladies doivent être rapides.

Ensuite, la gestion du pâturage doit être optimale. Ce qui implique, d’une part, d’alterner fauche et pâture si les surfaces disponibles le permettent et, d’autre part, de maîtriser la technique choisie afin que les aliments soient disponibles en quantité et qualité constantes. Enfin, diminuer le nombre de vache traite par hectare de prairie accessible contribue encore à améliorer le LH. « Le tout en fonction des possibilités de l’agriculteur et de la surface dont il dispose », précise-t-il.

Enfin, des alternatives au pâturage existent. Citons, par exemple, l’affouragement en vert et la distribution de fourrages conservés. Néanmoins, si celles-ci présentent des avantages, elles sont aussi coûteuses en temps de travail et matériel (tableau 2).

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Il conclut : « Lorsque le prix du lait est bas, le pâturage doit être privilégié. En cas de hausse des prix, les alternatives se révèlent être plus intéressantes. Elles sont certes plus coûteuses mais permettent d’intensifier la production durant une période économiquement favorable ».

J.V.

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