La recherche sur le mildiou de la pomme de terre…pour une amélioration continue de la prévention
Le mildiou demeure l’ennemi numéro un de la pomme de terre. Avec divers partenaires, le Centre wallon de recherches agronomiques s’applique à traquer l’évolution du pathogène responsable, cerner le comportement des nouvelles variétés plus tolérantes, évaluer plus efficacement les risques en saison, spatialiser les données météo… dans un même but : améliorer le système d’avertissements Vigimap pour une lutte encore plus raisonnée. Le point, en compagnie de Vincent César, du Cra-w.


Causé par Phytophthora infestans, le mildiou constitue la principale maladie de la pomme de terre. Sa distribution est mondiale, on le retrouve partout où celle-ci est cultivée, de l’Amérique jusqu’à la Chine. Le mildiou peut être très dommageable lorsqu’il rencontre les conditions météorologiques particulièrement propices à son développement. Les producteurs en Belgique se souviennent des étés très pluvieux survenus en 2012, 2014 et 2016, très favorables à la maladie, et ce, à l’inverse des trois dernières années très sèches 2017, 2018 et 2019, rappelait Vincent César, lors de la journée technique organisée par la Fiwap en décembre dernier à Gembloux dans le cadre du centre pilote pomme de terre.
Le paramètre variétal influence également la propagation de la maladie : les variétés les plus communément cultivées en Belgique sont sensibles et favorisent ainsi son développement, contrairement aux variétés tolérantes qui empêchent ou limitent son extension.
La lutte se base sur l’application de fongicides, qui demeurent généralement efficaces.
Le recours à la phytopharmacie et les dégâts causés peuvent représenter un coût élevé, évalué il y a quelques années par un chercheur hollandais, à quelque 55 millions d’euros/an dans notre pays.
Une lutte devenue plus complexe
Quelques éléments d’inquiétude sont à prendre en compte dans le cadre de la lutte, relève l’orateur. On observe en effet depuis quelques années une évolution du mildiou avec l’apparition de nouveaux génotypes plus agressifs. On remarque également que certaines souches du champignon sont moins sensibles, voire résistantes à certains fongicides. Par ailleurs, à l’instar d’autres espèces cultivées, le nombre de matières actives disponibles pour combattre la maladie s’affiche à la baisse.
Avertissement et lutte chimique
Les systèmes d’avertissement contre l
En cours depuis une dizaine d’années, le projet de recherche baptisé « Mildiou » s’attelle à caractériser les populations de mildiou sur notre territoire. Ses objectifs sont multiples :
– mieux connaître ces populations pour optimiser la lutte ; il existe en effet bien plus qu’une souche unique de mildiou ;
– adapter, améliorer les modèles épidémiologiques de développement de la maladie en fonction des populations de mildiou présentes sur le territoire (outils d’aide à la décision) ;
– identifier et caractériser le comportement des variétés vis-à-vis de ces populations ; en effet, certains mildious sont plus agressifs et le comportement connu des variétés peut évoluer, et il est utile de le savoir ;
– orienter les programmes de sélection variétale menés au Cra-w (par un choix adapté des géniteurs) ;
– recommander des stratégies de lutte, en fonction des souches résistantes présentes sur le territoire.
Comment procéder à cette étude en région wallonne ?
Le travail principal consiste à collecter des échantillons dès l’émergence des premières plantes, dans des écarts de triage, sur les repousses, dans les champs, dans les potagers…
Il convient parallèlement d’encoder les données de ces échantillons (date de prélèvement, lieu, variété, traitement fongicide éventuel…). Suivent des tâches d’isolement et de purification en laboratoire pour obtenir les souches de mildiou sur leur milieu de culture optimal. Et enfin intervient une mise en collection des souches. C’est de cette manière qu’il a été possible d’identifier 750 souches de mildiou depuis 2013.
Pour les caractériser, le Centre wallon de recherches agronomiques soumet, en partenariat, ces souches à des analyses génotypiques et phénotypiques.
Analyses génotypiques des souches de mildiou
Dans le cadre d’un consortium européen sous le nom de Projet Euroblight qui rassemble de nombreux Instituts de recherche, les analyses génotypiques portent sur l’identification du génome (ADN) des champignons, et une cartographie est produite, qui est consultable sur le site www.euroblight.net. Les cartes produites révèlent la diversité des souches en Europe (figure 1).
Qu’en est-il de la situation en Wallonie, La figure 2 montre les résultats de la caractérisation des populations de Phytophota infestans à l’échelle du sud de notre pays, de 2013 à 2019, sur la base de l’analyse de 500 souches de 2013 à 2018, et de 80 souches en 2019.
De 2013 à 2016, 3 génotypes se montrent majoritairement présents sans grande variation : 13_A2, 1_A1, 6_A1. En 2017, leur présence régresse, laissant une grande place à un nouveau venu, le génotype 37_A2. L’année qui suit, le paysage « génotypique » évolue encore fortement : les 3 premiers génotypes évoqués continuent de perdre du terrain, tandis qu’un deuxième nouveau venu, le génotype 36_A2, conquiert une place importante.
Et enfin, pour la toute récente année 2019 caractérisée par un été très sec, les résultats montrent que les nouvelles venues 36_A2 et 37_A2 demeurent majoritaires, représentant ensemble près de 80 % des souches présentes en Wallonie. La 13_A2 ne représente plus que 10 % de l’ensemble des souches collectées et analysées.
Pour expliquer, cette évolution significative des populations de mildiou depuis 2017, plusieurs hypothèses sont évoquées, dont le changement climatique, indique Vincent César. Les conditions météorologiques très sèches en 2017 ont peut-être favorisé cette évolution, des souches étant subitement fortement favorisées par rapport à d’autres. Autre cause possible : l’impact de l’agressivité des nouvelles souches, comme la 36_A2, beaucoup plus agressive que les souches présentes auparavant. Et enfin, des phénomènes de résistance aux fongicides (voir plus loin) sont également identifiés.
Analyses phénotypiques des souches de mildiou
Les souches collectées dans le cadre du projet « Mildiou » sont également soumises à des analyses phénotypiques portant notamment sur la résistance aux fongicides et sur leur profil de virulence ou capacité à se développer sur une variété résistante.
1. Résistance des souches aux fongicides
Cette analyse est réalisée en laboratoire sur des feuilles détachées de plantes de Bintje cultivées en serre. Deux matières actives ont été testées sur les souches présentes en Wallonie : le métalaxyl et le fluazinam, à différentes concentrations. Le métalaxyl n’est plus utilisé en Belgique, mais il est maintenu dans les tests.
Concernant le métalaxyl, sur les 5 souches présentes en Wallonie et analysées, une seule manifeste de la résistance et celle-ci est totale : la 13_A2. En clair, le métalaxyl n’a plus aucune efficacité sur ce génotype de mildiou.
Quant au fluazinam, un phénomène très préoccupant est apparu en 2017 : la souche 37_A2 manifeste une résistance totale à cette matière active. En
Cette analyse est également effectuée au laboratoire sur des feuilles détachées de plantes (clones)issues par exemple du croisement entre une variété très résistante telle que Sarpo-Mira et la variété Monalisa.
Les résultats de l’inoculation du mildiou sur des feuilles des clones issus de ce croisement confirment notamment la plus grande virulence du génotype 13_A2 encore majoritaire en Europe, par rapport à d’autres comme la très ancienne 1_A1.
Autrement dit, la virulence peut être très différente selon les souches de mildiou, et doit être prise en considération dans la caractérisation des souches et la lutte contre le mildiou.
Evolution des génotypes de mildiou en Europe
Qu’en est-il aujourd’hui, à l’échelle européenne, de la distribution des génotypes de Phytophotora infestans identifiés en Belgique ?
Après 14 ans de domination, la souche 13_A2 a perdu du terrain ces dernières années, mais demeure majoritaire en Europe, avec la distribution la plus étendue (25 % du total des génotypes).
Les nouveaux génotypes 36_A2, et 37_A2, dont la présence se limitait en 2015 au nord de la Belgique, aux Pays-Bas et un peu en Allemagne, ont commencé à prendre de la place en 2016 ; la souche 37_A2 apparaît en Angleterre. En 2017, leur distribution progresse encore, aux dépens des souches antérieurement présentes. Et elles deviennent majoritaires dans le nord-ouest de l’Europe (Belgique, nord de la France, Pays-Bas) en 2018.
Toujours en 2018, un autre génotype, le 41_A2 se montre bien présent, mais se cantonne aux pays nordiques (Danemark essentiellement et un peu plus au nord).
Ces trois nouveaux génotypes ont donc progressé, ces dernières années :
– 36_A2 : 10 à 16% en 2018 ;
– 37_A2 : 14 à 16% en 2018 ;
– 41_A2 : 1,2 à 4,4% en 2018 .
La combinaison de 6_A1, 13_A2 et 1_A1 a régressé de 60 à 40%, entre 2016 et 2018.
La combinaison de 36_A2, 37_A2 et 41_A2 a explosé de 10 à 36%, entre 2016 et 2018.
Évaluer la résistance des anciennes et nouvelles variétés : le projet Milvar
Parmi d’autres études menées au Centre wallon de recherches agronomiques, également très utiles pour alimenter et affiner les performances du système d’avertissements contre le midiou, Vincent César met en avant le projet baptisé Milvar. Celui-ci porte sur l’évaluation du comportement des variétés vis-à-vis de Phytophtora infestans. Les objectifs poursuivis sont multiples :
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Spatialisation des données météorologiques