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L’épidémie de coronavirus: le gouvernement chinois mobilise les producteurs

Pékin tente de limiter les effets de ses mesures sanitaires sur les circuits de distribution agricoles et agroalimentaires, déjà bousculés par la peste porcine africaine. Mais de vraies perturbations sont constatées, qui restent toutefois difficilement mesurables. Elles touchent en particulier les élevages de porcs et de volaille dépendant des livraisons d’aliments.

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Lépidémie de coronavirus qui frappe actuellement la Chine a de nombreux retentissements dans les filières agricoles et agroalimentaires du pays. Les autorités locales s’en sont d’ailleurs inquiétées officiellement, et ont pris des premières mesures pour assurer la sécurité alimentaire de sa population. Les fournisseurs d’aliments pour bétail sont priés « d’accélérer leur production » pour répondre à la demande et les abattoirs doivent « gonfler leur offre de viande », pouvait-on lire le 30 janvier dans un communiqué commun des ministères chinois de l’Agriculture, des Transports et de la Sécurité publique.

Quelques jours plus tard, c’était au tour du ministère chinois du Commerce – Mofcom – d’envoyer une note à son administration lui demandant de veiller à « accroître les importations afin de faire face à l’épidémie de pneumonies associée au nouveau coronavirus ». Pékin invite son administration à « utiliser activement les importations pour accroître l’approvisionnement du marché en viande d’élevage et autres produits agricoles ».

« Le coronavirus perturbe l’ensemble des activités, du fait des restrictions voire des interdictions de mouvements, et ce tant pour les intrants, les salariés et les sorties », rapporte un opérateur français installé en Chine, spécialiste des productions animales.

« Le plus préoccupant est l’absence de logistique, qui fait qu’un certain nombre d’élevages sont en manque de matières premières et qu’ils ont de très grosses difficultés à faire partir les animaux », ajoute-t-il.

Une consommation confinée mais résistante

Pour mesurer précisément les effets alimentaires de l’épidémie, les chiffres manquent, notamment parce que celle-ci s’est déclarée en période de fête, durant laquelle certaines statistiques officielles ne paraissent plus. Mais la situation est suffisamment préoccupante pour que les autorités s’en alarment : « Il devient impossible d’acheminer des légumes et autres produits depuis les villages jusqu’aux villes et difficile de reconstituer en temps voulu les stocks d’aliments pour le bétail et les volailles », constatait le gouvernement dans un communiqué dès le 30 janvier.

Au-delà de la province du Hubei, de taille modeste par rapport au gigantisme du pays, l’activité économique globale ne semble pas trop souffrir jusqu’ici...
Au-delà de la province du Hubei, de taille modeste par rapport au gigantisme du pays, l’activité économique globale ne semble pas trop souffrir jusqu’ici... - M. de N.

Du côté de la consommation, les témoignages de perturbation, liée notamment au confinement à domicile, se multiplient également, sans qu’ils soient suivis de chiffres officiels pour l’instant. Selon le service économique de l’ambassade de France à Pékin, la demande alimentaire chinoise reste très forte ».

Peur sur les marchés

Sur les marchés internationaux, « la peur s’est emparée de tous les opérateurs », souligne Damien Vercambre, analyste au cabinet français Inter-Courtage. Les craintes se manifestent aussi sur les marchés du pétrole, des actions, et font plonger les prix des commodités agricoles. Le scénario redouté est celui d’un ralentissement de la première économie mondiale, avec un risque de contagion à l’échelle du globe.

Par railleurs, l’épidémie devrait ralentir les achats massifs de produits américains prévus par la Chine dans le cadre de l’accord commercial préliminaire signé le 15 janvier entre les deux pays, a prévenu le 4 février le conseiller économique de la Maison Blanche, Larry Kudlow. Quelque 32 milliards de denrées agricoles sont concernées sur deux ans mais de grosses commandes tardent à se matérialiser.

Les cours à Chicago s’en ressentent. Ce sont les oléagineux qui payent le plus lourd tribut à l’épidémie de coronavirus, note la société de conseil Agritel. L’huile de palme a ainsi cédé plus de 15 % sur le seul mois de janvier, conséquence de l’expansion de la maladie couplée à la taxation des achats par l’Inde.

Des analystes rassurants…

Difficile de prévoir l’effet à moyen terme sur les marchés. « Nous devons avoir le courage de dire à nos clients que nous ne savons pas ce qui va se passer », a expliqué le Brésilien Pedro Dejneka (MS Consulting), lors du Paris Grain Day, qui s’est tenu les 30 et 31 janvier à Paris. En l’état actuel de l’épidémie, la plupart des analystes internationaux restent optimistes, et prédisent peu d’effets sur les marchés agricoles. « Je ne m’attends à aucun effet », prédit même Robert Hoste, économiste du marché du porc à l’université de Wageningen. « Le Hubei est une petite province comparée à la Chine et les Chinois vont continuer de manger ; les choses seraient toutefois différentes si cela se disséminait à tout le pays .

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