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Comment se réapproprier l’image de l’agriculture?

En marge de l’exposé de Gil Rivière-Wekstein lors de l’assemblée annuelle de la FWA, plusieurs professionnels des secteurs agricole et médiatique se sont exprimés sur la communication faite autour de l’agriculture. Entre information et désinformation, les agriculteurs sont souvent dépossédés de leur image et il n’est pas toujours facile et possible de reprendre la main. Pourquoi et comment faire ?

Temps de lecture : 5 min

Le secteur agricole doit se réapproprier la communication sur le métier d’agriculteur, sur les pratiques agricoles et sur la qualité des produits. « Il faut le faire avec fierté, sans se laisser impressionner par la contre-publicité. Ce n’est pas facile mais c’est indispensable », assure la FWA. C’est dans ce sens qu’elle a laissé la parole à plusieurs orateurs qui participent à la construction de l’image de l’agriculture.

« Utiliser le bon vocabulaire et s’informer avant de prendre la parole »

Pour Pierrick Walravens, conseiller chez Phytofar, une bonne communication passe par l’emploi du bon vocabulaire. « On entend constamment parler de pesticides alors qu’il s’agit d’une famille dans laquelle on trouve plus particulièrement les produits de protection des plantes (PPP). Il faut accorder de l’importance aux mots utilisés et se renseigner sur le sujet avant de donner son avis. En ce qui concerne les PPP, les gens se réfèrent aux médias or, la science compétente en la matière c’est quand même l’agronomie. Si on s’y intéresse un peu, on se rend compte que les PPP sont utilisés en dernier recours mais, ça, le public n’en a pas conscience, il ne sait pas du tout où les PPP se positionnent ».

Bien communiquer, c’est aussi bien se préparer. « Aujourd’hui, tout le monde prend part à tous les débats et ça part dans tous les sens. Si on souhaite donner son avis, on s’informe et ensuite on en discute. Ça n’a aucun sens de parler d’OGM sans savoir ce qu’est la transgenèse ou la cisgenèse ou même, plus simplement, une variété. C’est pourtant la base de l’agriculture mais, les gens ne le savent pas. Le besoin de revenir aux fondamentaux avant de débattre est évident ».

Les réseaux sociaux sont sans doute une opportunité de transmettre des informations simples et vulgarisées mais la base reste le terrain  : « Que le citoyen vienne voir une parcelle infestée par une virose, des insectes ou des mauvaises herbes, qu’il participe aux récoltes. Il pourra ainsi se rendre compte que le rôle de l’agriculteur est de protéger les récoltes pour que le citoyen mange. Aujourd’hui, on devrait tous se demander si on connaît suffisamment le métier pour donner son avis ».

« Il y a un intérêt pour l’indignation »

Diederick Legrain, community manager et influenceur web, ne croit pas vraiment en l’agribashing et prône l’utilisation des réseaux sociaux. « Après plusieurs années passées à combattre ou s’adapter à différentes réformes, traitées ou l’émergence de mouvements « anti », la sensibilité des agriculteurs est compréhensible mais, les journalistes qui posent la question qui fâche ne sont pas toujours dans l’optique du complot. Je crois même que les agriculteurs sont bien placés pour profiter des réseaux sociaux qui ont un intérêt pour l’indignation. Les agriculteurs ont tous les ingrédients pour que le partage soit important. En revenant à l’authentique et faisant preuve d’originalité, il y a moyen de communiquer et faire un pas en arrière par rapport à la mauvaise image de l’agriculture. Ce n’est pas forcément facile, car on demande déjà beaucoup de choses à l’agriculteur mais, ça peut passer par de simples partages d’instants de la vie quotidienne. Il ne faut pas avoir peur de deux ou trois extrémistes qui vont faire du bashing quand on poste une photo de sa vraie vie ».

« Le journaliste est influencé par son environnement »

Manu Huet, journaliste à l’Avenir, donne son avis sur le relais objectif de l’information : « Les modes de production et consommation ont évolué. De nouveaux acteurs se sont immiscés dans le processus. On tient compte de tout cela quand on réalise un article et on n’écrit pas pour un lobby en particulier. On prend du recul et essaie d’ouvrir le débat. On s’adresse à toutes les tranches de la société mais on est aussi attentif au lectorat et aux sujets auxquels il est sensible. Après, il y a aussi la manière de traiter le sujet, il est vrai qu’un journaliste de la ville n’aura peut-être pas la même approche que journaliste vivant à la campagne. Le journaliste est objectif mais son entourage, son éducation et son environnement l’influence. Enfin, je crois que c’est aussi au citoyen d’être attentif à ce qu’il lit et la manière dont il s’informe. Il y a des communications qui sont totalement orientées pour que le réseau se multiplie ».

« Plus de tribune pour la communication positive »

Philippe Mattart, directeur de l’Apaq-W, encourage chacun à être ambassadeur de son métier. Pour lui, la communication doit être ascensionnelle  : « Avant, on pratiquait une communication d’autorité sans arguments de fond. Aujourd’hui, cela ne fonctionne plus car le consommateur a besoin de démonstration. C’est une bonne nouvelle pour l’agriculture puisque nous avons tous les arguments pour communiquer efficacement. Dans ce sens, les réseaux sociaux sont devenus la première source d’information et sont incontournables. Ceux-ci favorisent l’échange entre les consommateurs et le monde agricole. On peut aussi y intégrer une communication via des influenceurs qui peuvent aider à restaurer des vérités. Le message passe mieux de cette façon qu’avec une communication descendante. Enfin, je crois en une meilleure collaboration entre la presse et les agriculteurs. On doit porter attention à l’équité dans les possibilités de communiquer positivement ou, quand c’est justifier, d’avoir un rôle critique ».

« Ne pas oublier les enfants »

Pour conclure, Léonard Théron, vétérinaire et manager de Hipra, rappelle l’importance de sensibiliser les enfants  : « On ne convainc pas des adultes grandis, leur opinion est déjà plus ou moins forgée. On néglige beaucoup trop les jeunes enfants. Il n’y pas ou presque de communication dans les écoles sur la manière dont ont produit les aliments».

Ce sont pourtant eux les adultes de demain...

D. Jaunard

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