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Jean-Pierre Ruelle, photographe: «La Foire de Libramont? Une histoire de rencontres humaines!»

À Libramont, Jean-Pierre Ruelle ne passe jamais inaperçu. Grand Gabarit, boîtier à la main, objectifs à la ceinture… La voix qui porte, le sourire qui dépasse de sa barbe… Voilà 20 ans que le Bastognard, amoureux de bonne chère et de bon vin, sillonne les travées de la foire pour figer des moments, des gens, singuliers ou importants. Son expérience, sa bienveillance lui ont ouvert les portes d’un secteur qu’il a pu appréhender au cours des années. Il nous raconte comment son regard sur l’agriculture s’est transformé.

Temps de lecture : 6 min

D epuis tout jeune, Jean-Pierre Ruelle est un touche à tout. Il commence la photo à 11 ans, joue du saxo, et aime traîner en cuisine. « Il y a toujours eu des appareils à la maison, et mon grand-père était un adepte des autoportraits. »

À sa sortie des humanités, le Bastognard hésite entre la restauration et la photographie. Seule cette dernière lui donnait accès à des études supérieures. « Je suis donc allé Saint Luc à Liège pour trois ans. Noir et blanc, studio… La photo me donnait aussi l’occasion de revenir vers la nourriture. Et donc à la restauration. »

Diplômé en 86, il fera de la photo son métier deux ans plus tard. Kinshasa, Bruxelles, Grand-Duché de Luxembourg… De labos en studios, Jean-Pierre a pas mal bourlingué, sans toutefois en oublier sa passion : la prise de vue.

La Foire… Une famille !

« Ma première Foire ? J’y ai suivi Guy Lutgen en 88 quand il est devenu ministre de l’Agriculture. Une expérience assez extraordinaire. Nous commencions à 8h et nous nous rendions sur tous les stands, un par un, 4 jours durant. C’est quelque chose qu’on n’imagine plus maintenant tant l’événement s’est étendu ! À cette époque, on te proposait un Orval avant de te servir un café ! », rit-il.

« L’événement n’était alors pas aussi grand que maintenant. Il y avait des chapiteaux partout. À cette époque, le côté festif, parfois euphorique, m’a marqué ! Il y régnait une ambiance bon enfant. Les visiteurs étaient contents d’être là ! Pour certains, Libramont n’était que leurs seuls jours de vacances de l’année. Ils étaient obligés d’y aller pour un achat de matériel. Aujourd’hui, ils y vont davantage pour boire une bière avec leur concessionnaire. J’avais 23 ans et je n’avais pas conscience de leurs problèmes ! »

J’ai commencé à travailler pour la Foire en 1998, quand Natacha Perat est devenue manager de l’événement. J’ai alors rapidement intégré la « famille de la Foire ».

« J’ai voulu d’emblée installer un studio pour faire de photos d’animaux de concours, une sorte de mise en abyme en pleine foire. Mais on ne peut pas installer un fond sans un minimum de confort ! D’où la proposition de la Foire d’installer un chapiteau-studio. Les éleveurs y venaient avec leurs champions et cela avait un certain succès. surtout au niveau ovin. » L’exercice n’était pas forcément évident ! « Nous avons dû réapprendre à photographier les animaux. On ne tire pas le portrait d’une Montbéliarde comme celui d’un Blanc-bleu, d’une limousine ou d’un Trait ardennais. » Les choses ont changé en 2011, avec l’arrivée du nouveau bâtiment et des normes pour la sécurité animale toujours plus contraignantes. Les rings ayant déménagé, le visage de la foire redessiné, il était compliqué de maintenir ce studio sur la Foire. Toutefois, Jean-Pierre l’installe encore toujours pour le National du Trait Ardennais en novembre.

Ça se prépare !

S’il est au départ employé pour prendre des clichés sur l’événement, il doit progressivement en tirer pour le préparer. À partir du mois de mai, il se rend chaque année en ferme pour illustrer l’agriculture wallonne. Pour lui ce travail a un sens, tant il aime l’humain, sa relation au vivant, à la nature !

« En 2005, lors de l’opération « Agricultrice de l’année », j’ai dû parcourir la Wallonie en une journée pour réaliser différents portraits. Ce fut un déclic. Je me suis aperçu de la diversité tant du territoire que de ses exploitations. J’ai compris à quel point l’agriculture est fascinante mais aussi compliquée. C’est à partir de ce moment que j’ai prêté l’oreille aux craintes et rouspétances du secteur. »

Des amitiés nouées naissent les livres…

« On ne va pas se mentir. Moi photographe qui débarque chez des agriculteurs, ça a pu être compliqué. À leurs yeux, j’étais un gars de la ville… À force d’aller à leur rencontre, la confiance s’installe. Photographier un gars, le voir sur la Foire, boire un verre, tu sympathises… ça t’aide ! Il te présente d’autres personnes, que tu retrouves l’année suivante… C’est comme ça que cela s’est passé avec Marc Mousny, l’initiateur du concours de traction chevaline du lundi de la Foire. Il insistait pour avoir de bonnes images du challenge, je les ai donc accompagnés. De là est née une collaboration qui a permis de valoriser mutuellement nos travaux !

C’est par le biais de ces rencontres et des gens du Comité européen du cheval de travail (CECT), sous l’impulsion de Jean-Claude Louis, un ami et le président de l’asbl, qu’il se voit proposer la réalisation d’un livre « Cheval de travail – Trait contemporain ». « Je n’attendais que ça, » avoue-t-il ! « Parce que j’aime la thématique mais surtout parce qu’il se produit une alchimie extraordinaire entre les chevaux et leurs débardeurs, leurs meneurs ! »

« Pour ce livre, j’ai parcouru plus de 20.000 km et traversé la Belgique, la France et la Suisse. Il m’a apporté de la crédibilité et la reconnaissance de tout un secteur ! »

Des émotions fortes

Métier oblige, le Bastognard a été le témoin privilégié de moments de vie forts sur la Foire. Des instants qu’ils n’oublient pas : « Il m’est déjà arrivé de rater une photo à cause d’un effet de surprise. Le fait de voir des gars, qui bossent dur jours après jour, tomber en pleurs après avoir remporté un championnat Blanc-bleu… De voir leur joie, j’étais aussi ému qu’eux. Certains champions du monde de foot sont moins démonstratifs après leur titre ! »

Autre souvenir : « J’ai connu Mathieu Louis petit sur les concours, tenant le cheval de trait de son père, Jean-Claude. Quand je le vois remporter son premier challenge 10 ans plus tard, je suis aussi ému que son père. »

Ce sont pour lui des moments importants qui consacrent le travail d’une année, parfois celui de toute une vie. « Il ne faut pas les galvauder. »

Son regard s’illumine « Pendant plusieurs années, j’ai tiré le portrait d’un même éleveur et de l’une de ses montbéliardes… Je lui ai toujours promis que j’irais chez lui ! J’y ai finalement été ce mois de juillet, 15 ans après. »

« En sillonnant la Wallonie, j’ai vu tellement de choses, des paysages, les femmes et les hommes qui les dessinent. J’ai fait de belles rencontres. J’ai appris énormément à leur contact ! J’ai un rapport avec nombre d’agriculteurs que je n’aurais jamais pu avoir sans ce travail. Humainement, la Foire a quelque chose d’énorme. Elle fédère foule de gens, tous horizons confondus, de la filière agricole à celle du bois en passant par le milieu des grandes entreprises… On peut y faire une rencontre déterminante n’importe où ! »

Propos recueillis par

Pierre-Yves Lorenzen

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