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Du sable Bio, comme c’est beau!

Du sable Bio… Gloups ! Si l’objectif est d’attirer l’attention, c’est réussi. Pour en acheter ? Pas si vite. Pour critiquer ? C’est à voir.

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Pour beaucoup, l’image du sable renvoie d’abord à l’insouciance du bac à sable de l’enfance. Puis, plus tard, il sent bon « le sable chaud du légionnaire » chanté par Piaf, les dunes désertiques du Sahara décrites par Frison-Roche ou la douceur de plages ensoleillées, sous les palmiers du Pacifique.

Dans le monde agricole, un sol sablonneux, riche en sable, est drainant et séchant. Les particules de sable sont grossières (entre 50 µm et 2 mm). La texture du sol est un combiné de sables, de limons (2 à 50 µm) et d’argiles (< 2 µm).

Les géologues qualifient le sable d’arénites, principalement du quartz (Si02), résultant de l’altération de roches plus grossières. Du minéral pur et dur !

Quant au qualificatif « biologique », il renvoie aux sciences de la vie, aux molécules organiques, ce qui semble antinomique du minéral. Cela dit, le mot « bio » apparaît de plus en plus comme un synonyme de « naturel » et le sable, prélevé dans la nature, n’est que lavé, trié et mis en sac mécaniquement. Rien de plus.

Du sable « bio », c’est quand même déconcertant pour les agriculteurs labellisés qui doivent respecter des normes, des cahiers de charge et des contraintes nettement plus risquées et compliquées pour justifier du label « bio ».

Pour comprendre, j’ai suivi la méthode classique : internet et quelques coups de fil aux professionnels. Apparemment, il faut remonter au glyphosate pour reconstruire le scénario.

Rappel des faits :

Après 40 ans de vie tranquille, l’herbicide idéal devient la tête de turc d’une journaliste d’investigation : MD Robin. Les écologistes s’engouffrent dans la brèche et le glyphosate devient répréhensible au possible.

Les politiques surfent sur la vague et l’interdisent au grand public et sur les voiries (à l’exception des voies de chemin de fer, sécurité oblige !) On cherche des alternatives… Parmi elles, les gens de terrain ont compris qu’en mettant une grosse dose de « Compaktuna » dans le mortier de jointement des dalles et pavés, la résine en question le rend plus étanche et beaucoup moins sensible à l’enherbement.

Du coup, pourquoi ne pas proposer un sable « polymère » avec les propriétés anti-enherbement en question à un prix à la hauteur du marketing associé ? Et dans la foulée, un sable sans ce traitement chimique mais avec un raccourci immédiat faisant référence au bio, tout en rappelant qu’il freine aussi les mauvaises herbes. Mise à prix : 10x plus élevé que le sable ordinaire de même granulométrie. Finement joué, quoiqu’un peu condescendant pour les acheteurs qui pensent ainsi aider la planète à s’en sortir.

Or, du sable, il en faut pour bétonner la planète. On en consomme trois fois plus que du ciment. Ce dernier est déjà responsable de 6 % des G.E.S (Gaz à effet de serre), autant que toutes les automobiles du monde entier. Il faut en effet brûler la roche calcaire qui libère ainsi son CO2. Va-t-on un jour manquer de sable comme on le craint pour le pétrole ?

Les géologues Patrick De Wever et Francis Duranthon, dans « Voyage d’un grain de sable » lancent un cri d’alarme : la consommation de sable est époustouflante. Il faut 200 tonnes pour le socle d’une éolienne, 30.000 tonnes pour 1 km d’autoroute, 12 millions de tonnes pour une centrale nucléaire, 150 millions de tonnes pour une île artificielle dans les émirats arabes. Les immenses dunes de Tanger et de Casablanca ont été englouties par les constructions touristiques au Maroc. Singapour a gagné 130 km2 sur la mer en faisant disparaître 25 îles indonésiennes. Un désastre écologique !

« Béton et camions sont les deux mamelles de l’urbanisation » pourrait-on dire. Certains « bobos » prétendent que le « Bilan Carbone » du citadin serait meilleur que celui du campagnard. L’expertise climatique de J-M Jancovici démontre le contraire. Encore un grain de sable dans la machine à fabriquer de nouveaux dogmes.

Le chat de Geluck avait tout compris : « Beaucoup de grains de sable réunis, ça finit par faire un gros tas de sable. Beaucoup de petites intelligences rassemblées, ça ne fera jamais un gros tas d’intelligence »

JMP

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