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Indivision successorale: d’autres solutions existent

Dans notre édition du 26 mai, vous avez pu lire un article sur les règles générales de procédure permettant aux héritiers indivisaires de liquider les avoirs successoraux. Le cabinet d’avocats Van Malleghem nous fait remarquer que cet avis peut être complété par différentes dispositions législatives que voici.

Temps de lecture : 5 min

Ces diverses dispositions législatives, complémentaires à celles précédemment présentées, permettent à un des indivisaires, exploitant agricole ou non de bénéficier, par préférence, des avoirs successoraux après évaluation par expert.

En cas de « petits héritages »

Selon la Loi du 16 mai 1900 sur le régime successoral des petits héritages, lorsqu’une succession comprend, pour la totalité ou pour une quotité, des immeubles dont le revenu cadastral intégral ne dépasse pas 1.565 €, il est dérogé aux dispositions du Code civil et notamment de l’article 815.

L’article 4 de cette loi permet à chacun des héritiers en ligne directe et, le cas échéant, le conjoint survivant non divorcé ni séparé de corps, de reprendre, sur estimation, soit l’habitation occupée au moment du décès par le de cujus (le défunt auteur de la succession) ou son conjoint, ainsi que les meubles meublant, soit la maison, les meubles ainsi que les terres que l’occupant de la maison exploitait personnellement et pour son propre compte, le matériel agricole et les animaux attachés à la culture ou les marchandises, matières premières, matériel professionnel et autres accessoires attachés à l’exploitation commerciale, artisanale ou industrielle.

Si plusieurs intéressés veulent user du droit de reprise, la préférence revient au conjoint survivant, ensuite à celui que le défunt a désigné, ensuite à celui qui, même sans habiter avec le défunt, collaborait avec lui, ensuite à celui qui, jusqu’au décès, habitait la maison avec le défunt et enfin à celui qui est désigné par la majorité des intérêts.

Le tribunal de première instance du dernier domicile du défunt est compétent pour statuer et commettra un expert afin d’évaluer les biens.

Selon maître Van Malleghem, l’application de cette loi est rare car elle ne permet la reprise que pour autant que les immeubles sujets à reprise n’aient pas un revenu cadastral supérieur à 1.565€.

En vue de promouvoir la continuité des exploitations

En vertu de la Loi du 29 août 1988 relative au régime successoral des exploitations agricoles en vue d’en promouvoir la continuité, chacun des héritiers en ligne directe descendante a la faculté, lorsqu’une succession comprend pour la totalité ou pour une quotité une exploitation agricole, de reprendre, sur estimation, les biens meubles et immeubles qui constituent l’exploitation agricole.

Sans entrer dans le détail, il faut entendre par exploitation agricole l’ensemble des meubles et immeubles affectés à toute activité liée ou non au sol ayant trait à la culture.

Lorsque plusieurs intéressés veulent user du droit de reprise, la préférence revient, par priorité et dans l’ordre, à :

– celui ou ceux qui ont été désignés par testament et qui, au moment du décès, exploitaient la totalité ou une partie de l’exploitation du défunt ;

– celui ou ceux qui, au moment du décès, exploitaient la totalité ou une partie de l’exploitation du défunt ;

– celui ou ceux qui, au moment du décès, ne participaient pas à l’exploitation mais ont été désignés par testament par le défunt ;

– celui ou ceux qui exploitent des biens immeubles qui appartenaient auparavant à l’exploitation agricole du défunt et qui les exploitent désormais dans le cadre de sa propre exploitation.

Si l’un des héritiers en fait la demande, celle-ci est de la compétence du tribunal de la famille près le tribunal de première instance du lieu du dernier domicile du défunt et le tribunal commet alors un expert afin d’évaluer les biens.

Par rapport à la loi du 16 mai 1900, il n’y a pas de restriction en ce qui concerne le revenu cadastral des immeubles sujets à reprise, explique maître Van Malleghem.

Cette loi est extrêmement intéressante pour un des héritiers du défunt qui a repris l’exploitation agricole. De cette manière, ce descendant pourra conserver l’intégralité et l’unité de l’exploitation en reprenant sur estimation la pleine propriété des biens meubles et immeubles affectés à l’exploitation

Depuis septembre 2015

Vient enfin la Loi du 23 août 2015 modifiant la loi du 29 août 1988 relative au régime successoral des exploitations agricoles en vue d’en promouvoir la continuité. Celle-ci est quasiment identique à la loi de 1988. Elle est d’application depuis le 3 septembre 2015.

La différence entre la loi de 1988 et celle de 2005 réside dans son article 2.

En effet, alors que la loi du 29 août 1988 exigeait que le défunt soit encore propriétaire de l’exploitation ou d’une partie ou d’une infime partie de biens faisant partie de l’exploitation agricole tels que terres ou autres, la loi du 23 août 2015 n’exige plus du tout la moindre once de propriété dans le chef du défunt d’un bien agricole.

En effet, l’article 2 est rédigé comme suit : « Dans le cas où la succession ne comprend pas, pour la totalité ou pour une quotité, une exploitation agricole, mais bien des biens immeubles qui faisaient partie de l’exploitation agricole du défunt, et que l’un des héritiers en ligne directe descendante est à ce moment exploitant de ces biens dans le cadre de sa propre exploitation agricole, ce dernier a également la faculté de reprendre ces biens sur estimation, sous réserve des dispositions du Code civil qui fixent les droits du conjoint survivant et du cohabitant légal survivant ».

Le conjoint et cohabitant bénéficie bien entendu de l’usufruit.

Alors que la loi de 1988 exigeait encore dans la succession du défunt une infime partie d’une activité agricole proprement dite, la loi de 2015 a supprimé toute exploitation agricole dans la succession du défunt.

Comme pour la loi de 1988, cette loi n’est pas limitée par le revenu cadastral des biens immeubles. Elle permet à celui ou à ceux qui exploitent des terres dans le cadre de leur exploitation agricole, terres et bâtiments étant toujours la propriété du défunt, de reprendre sur estimation ces terres de manière à éviter qu’elles ne soient morcelées entre les différents héritiers, permettant ainsi d’éviter la règle du partage en nature.

Cette loi du 23 août 2015 est d’application depuis le 3 septembre 2015 et vise les successions ouvertes après cette date.

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