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Pourquoi ne pas faire appel à nos compétences ?

Temps de lecture : 4 min

L’Union Professionnelle Vétérinaire s’étonne d‘apprendre par les réseaux sociaux que le Ministre Ducarme s’est concerté avec tous les secteurs concernés par la peste porcine africaine (PPA)… sauf les vétérinaires praticiens. Ceux-ci sont pourtant en première ligne en cas d’épidémie, chargés de la biosécurité et du diagnostic des pathologies infectieuses ou autres au sein des élevages. Ils doivent aussi lancer les alertes sanitaires en cas de suspicion suite à l’apparition de signes cliniques de toute maladie à déclaration obligatoire.

L’UPV n’a pas attendu l’apparition de la PPA en Belgique pour prendre des dispositions. Un colloque sur le sujet, animé par des scientifiques renommés, a déjà été organisé et une demi-journée de formation sur le même sujet a été programmée. Par nos contacts au sein de la Fédération Vétérinaire Européenne et de l’Union Européenne des Vétérinaires Praticiens, nous suivons pas à pas l’évolution de la PPA depuis 8 ans. Nous pourrions rendre des avis pertinents parvenus non seulement par des instances officielles mais aussi par les praticiens de terrain.

C’est ainsi que nous pouvons répondre pertinemment à certaines questions que se posent le public et peut-être nos politiques :

Pourquoi s’acharner sur 4000 porcs sains plutôt que sur les sangliers vecteurs de la PPA ?

Des experts de la Commission européenne sont venus imposer leurs vues aux autorités fédérales et régionales. Comme leurs avis sont très suivis par les autorités européennes, notamment en matière de commerce international et de lutte sanitaire, il a bien fallu les rassurer pour garantir nos marchés d’exportation au moins intracommunautaires. On voit que cela n’a pas suffi à la Chine et d’autres pays tiers.

D’après la progression dans les pays d’Europe orientale depuis 2011, lorsque les sangliers sont atteints, la contamination des porcs domestiques est inévitable. C’est juste une question de temps. Malgré les mesures sanitaires prises, il y a toujours une faille quelque part et ce virus est très résistant. Si la filière porcine était infectée, il faudrait craindre la dissémination dans tout le pays ! L’abattage des porcs dans la zone de restriction est une mesure incontournable. Évidemment ce n’est pas la seule, il faut aussi cibler la population de sangliers et leur importation illégale.

Pragmatiquement, ne pourrait-on pas procéder à l’élimination des sangliers dans les zones critiques ?

Le risque évident est la dispersion des bandes affolées par les interventions humaines. Deux initiatives de chasse coordonnées ont déjà été tentées en Union européenne.

En Roumanie, la chasse a été confiée à des chasseurs privés avec les techniques traditionnelles. Effectivement, des sangliers porteurs y ont propagé la PPA au-delà des périmètres sensibles.

En Tchéquie, des snipers qualifiés de l’armée sont intervenus à l’approche avec un équipement de pointe. Les opérations se déroulent sans anicroche et sans déplacement notable de sangliers. L’épidémie semble maîtrisée par cette voie, mais des activités humaines (surtout transport d’aliments non certifiés) sont à l’origine de quelques foyers subséquents.

Comme le camp militaire de Lagland est idéalement situé au sein des 63.000 ha de la zone de restriction définie par les autorités, il servirait idéalement de base pour une action d’éradication.

Une clôture autour de la zone de restriction sera-t-elle efficace ?

Cette initiative ne peut que rassurer les partenaires étrangers de la filière porcine belge, mais ses résultats sont hypothétiques. En Roumanie, un sanglier muni d’une balise a traversé le Danube deux fois en une journée. Alors, pendant les 3 à 6 semaines pour boucler la zone, combien de kilomètres seront effectués par les bandes de sangliers ?

Dans l’attente d’un vaccin (à la conception encore très éloignée), aux yeux des praticiens de l’UPV et de leurs collègues européens, les seules parades sont une réduction de la surpopulation de sangliers et la biosécurité dans les élevages. Encore et toujours, la sauvegarde proviendra d’une gestion correcte de l’environnement et d’une réaction salutaire des producteurs et de leurs vétérinaires d’exploitation.

En conclusion, les praticiens de l’UPV ont largement anticipé l’arrivée de la PPA en Belgique et s’étonnent de ne pas être invités aux concertations en cours. Pourtant, des modalités pratiques doivent être appliquées d’urgence (euthanasies, indemnités, vacations…). Ils restent au service des éleveurs, du public et des autorités C’est la vocation qu’ils ont embrassée lorsqu’ils ont entamé leurs études. Encore faut-il que l’on fasse appel à leurs compétences.

Dr Degallaix

, président de l’UPV

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