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Soins attentifs

et contrôles stricts,

pour des plants de qualité !

La Belgique recense quatre producteurs de plants de

pomme de terre bio, tous wallons. L’un à Mouscron, trois

à un jet de pierre de la frontière belgo-allemande. Parmi

ceux-ci, Quentin Goffinet s’est lancé dans l’aventure en 2013.

La réussite se mêlant à la passion, il a progressivement étendu

la surface dédiée aux tubercules. Aujourd’hui, il combine cette

activité avec ses autres cultures et l’élevage d’un troupeau laitier.

Temps de lecture : 7 min

À Reculémont, hameau de l’entité de Malmedy, Quentin Goffinet a repris la moitié de l’exploitation familiale en 2004, quelques années après que sa sœur et son beau-frère aient fait de même. Depuis, les deux fermes évoluent selon les souhaits parfois différents de leurs propriétaires respectifs. « Je me suis tourné vers l’agriculture biologique peu de temps après mon installation. Le troupeau limousin développé fin des années ‘90 par mon père était adapté à ce mode de production », explique-t-il.

L’exploitation s’est également agrandie, au gré de diverses reprises. Elle s’étend actuellement sur une grosse centaine d’hectares, dont une partie est dédiée à l’alimentation du bétail. Prairies permanentes et temporaires, céréales et associations pois/légumineuses permettent à l’éleveur de tendre vers l’autonomie alimentaire. S’y ajoutent des céréales panifiables (épeautre, froment et blé ancien) et, certaines années, des cultures plus atypiques, comme le sarrasin ou le quinoa. Enfin, quelques hectares sont dédiés à la production de plants de pomme de terre.

Un grand changement a été amorcé sur l’exploitation voici plusieurs mois. « Le marché de la viande bovine bio est saturé, les prix baissent… J’ai pris la décision d’abandonner l’élevage limousin. Je n’ai plus qu’une vingtaine de vaches. » À la place, un troupeau laitier a rejoint l’étable. Il se composera, à terme, d’environ 80 vaches. L’éleveur s’est tourné vers les races Simmental et Brune des Alpes connues pour les bonnes caractéristiques fromagères de leur lait.

La pomme de terre, par amour pour les cultures

En 2009, Quentin plante pour la première fois quelques hectares de pomme de terre de consommation, par amour pour les cultures. « J’ai commencé sur de petites surfaces. La récolte était vendue à la ferme et par l’intermédiaire de quelques magasins locaux », se souvient-il. Conquis, il étend rapidement la surface dédiée aux tubercules. Les rendements sont aussi en hausse. Toutefois, il rencontre des difficultés à écouler ses récoltes.

À l’entame de la saison 2013, il prend la décision d’abandonner la pomme de terre de consommation au profit de la production de plants. Deux hectares sont initialement plantés. Depuis, la surface s’est étendue. Sept variétés ont été cultivées la saison dernière : deux libres (Agria et Charlotte) et cinq sous licence (Monalisa, Agila, Alegria, Connect et Divaa).

En démarrant cette nouvelle culture, l’agriculteur a fait face à de nouvelles exigences. « La production de plants demande de respecter un cahier de charges bien précis. Celui-ci s’ajoute à la réglementation bio. »

« Inutile de planter trop vite ! »

La saison débute par un méticuleux travail du sol. Quentin effectue un labour suivi d’une reprise à l’Actisol. Il retravaille ensuite les terres avec un outil animé ou avec un outil à dent combiné à un rouleau. Dans certains cas, un épierrage est préalablement réalisé.

L’apport d’engrais avant plantation n’est pas systématique. L’agriculteur tente en effet de profiter au maximum des reliquats azotés. En cas de déficit, un compost est incorporé durant l’hiver. Cette saison est aussi le théâtre d’un premier désherbage au vibroculteur, si nécessaire.

Pour la mise en terre, l’agriculteur utilise une planteuse quatre rangs. « J’attends que la terre soit bien réchauffée avant d’enfouir les tubercules. La plantation a généralement lieu vers la troisième semaine d’avril, vu les conditions climatiques régionales. Inutile de vouloir aller trop vite ! », précise-t-il. Ce travail s’accompagne de la formation d’une prébutte suivie, une à deux semaines plus tard, de la formation de la butte définitive à l’aide d’une butteuse à soc.

Un désherbage est réalisé à la herse étrille, dès que le temps le permet. Le plus grand soin est de rigueur ! « L’agressivité de l’outil est réglée de manière à ne pas découvrir ou arracher les tubercules. » L’opération peut également être réalisée plus tard, lorsque les feuilles apparaissent. « Le plant doit faire 15 cm minimum, pour tenir parfaitement en place. » Une fois les lignes refermées, la culture reste propre jusqu’à la fin de la saison.

Des parcelles sous haute surveillance

Les parcelles sont minutieusement inspectées tout au long de la saison. Quentin doit s’assurer de l’absence de maladies bactériennes et fongiques, viroses et impuretés variétales. Toutes les plantes malades ou déviantes sont complètement retirées du sol, y compris les tubercules, et mises à l’écart.

Le nombre de traitements disponibles est très limité. Contre le mildiou, des produits à base de cuivre sont utilisés mais doivent être correctement dosés. « L’Europe fixe une limite à leur utilisation. Je dois adapter chaque pulvérisation pour terminer la saison sans dépasser le seuil maximal, tout en assurant une protection optimale du feuillage. Un vrai défi, car on ne sait jamais de quoi sera fait l’avenir », détaille-t-il.

La plantation de variétés fortement résistantes au mildiou constituerait une solution à ce problème. Le planteur espère que les engagements pris à Interpom, lors de la signature de la convention « pommes de terre robustes bio », permettront de mettre rapidement de nouvelles variétés sur le marché.

En cas d’attaque de pucerons, potentiellement virosés, une huile minérale est appliquée sur le feuillage. Contre le taupin, aucun moyen de lutte n’est agréé. Il faut tenir compte du cycle de développement de l’insecte pour placer correctement les pommes de terre dans la rotation, notamment sur d’anciennes prairies.

Les impuretés variétales sont immédiatement détruites. L’agriculteur les repère par comparaison avec les caractéristiques de la variété implantée (couleur des fleurs différente, par exemple).

Après arrachage, cinq à sept ans de rotation

Des échantillons sont prélevés dans les parcelles dès juillet, afin de suivre la croissance des tubercules. Lorsque leur calibre atteint l’optimum commercial et que la culture est saine, le feuillage est détruit avec un broyeur à fléau. La masse foliaire diminue et le développement des pommes de terre s’interrompt.

Un second passage est réalisé plus tard au broyeur thermique. « La couverture foliaire est totalement détruite. La chaleur se propage dans la butte et détériore les tiges », éclaire Quentin. Les risques d’attaques de pucerons ou de contaminations fongiques sont alors pratiquement nuls.

L’arrachage débute quand la peau des tubercules est assez résistante, généralement début septembre. Il s’étale sur trois à quatre semaines. « Arracher tôt est une obligation. L’hiver débute plus rapidement ici qu’ailleurs… Les autres cultures doivent être semées pour mi-octobre au plus tard. »

Une arracheuse mono-rang est utilisée. Les tubercules, placés sous la surveillance 3 à 6 personnes, passent directement de la trémie aux palox. Ils doivent être les plus propres possible.

La parcelle récoltée ne verra plus de pommes de terre avant cinq à sept ans. « Je privilégie les rotations longues, au-delà du minimum légal. L’idéal sanitaire restant bien sûr de trouver une parcelle vierge de culture de pommes de terre. »

Déléguer le tri, pour soigner le troupeau

Après arrachage, les tubercules sont entreposés quelques jours à la ferme. Ils sont ensuite expédiés au Syndicat des producteurs de plants de pomme de terre (Synplant), à Eselborn (Luxembourg). Ils y sont triés, stockés et conditionnés en sacs ou big-bags. Ils seront enfin livrés chez les acheteurs avec qui Quentin est contractuellement lié.

Le surcalibre retourne quant à lui à la ferme ou est vendu directement à des distributeurs ou transformateurs. Une partie sera vendue sur place, le reste dans des magasins locaux, pour la consommation.

Trier et stocker les pommes de terre directement sur la ferme serait l’idéal. Mais cela requiert du temps et du matériel spécifique et coûteux. « Il ne faut pas oublier que je suis aussi éleveur. Travailler avec le Synplant me permet de déléguer ces opérations, du moins en partie, sans négliger les soins du troupeau. »

J.V.

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