et les cours s’effondrent.

Les fromages AOP délaissés
En France, les ventes de fromages en hypermarchés et supermarchés au rayon libre-service ont aussi fortement progressé, de +30% par rapport à 2019 en volume comme en valeur (moyenne sur les semaines 11 à 14). Toutefois la croissance est bien moindre si on intègre l’activité des rayons à la découpe de même que les circuits traditionnels qui ont subi des chutes d’activité suite au confinement.
Les fromages frais les plus fragiles, les fromages affinés, comme les fromages de garde AOP ont été délaissés. Le climat anxiogène a incité les ménages à privilégier les fromages râpés et les fromages tranchés et emballés sous vide et les fromages fondus.
Les fromageries artisanales sont les principales victimes de la chute de commande de 25 à 60%, entre la première et la deuxième quinzaine de mars. Les producteurs fermiers sont les plus impactés. Face à la chute d’activité, certains innovent avec la mise en place de plateformes d’achat, de livraisons à domicile, de ventes de proximité aux supermarchés en milieu rural.
Les grands groupes laitiers, tous fabricants de fromages, sont mieux armés pour affronter cette crise sans précédent et adapter leurs offres aux chamboulements des flux et aux besoins des ménages confinés.
Les produits laitiers bios très prisés
Depuis le début du confinement, les produits biologiques conservent leur attrait et connaissent des croissances particulièrement prononcées dans les différents circuits de vente auprès des ménages. Certaines enseignes spécialisées ont même déployé des offres Drive pour répondre aux attentes des consommateurs. En semaine 12, celle du début de confinement des Français, les ventes de produits biologiques ont ainsi été supérieures de +63% à leur niveau de 2019 quand les produits conventionnels connaissaient eux une croissance de +40 %.
Les produits laitiers, qui pèsent pour environ 12% des achats de produits alimentaires bio par les ménages, ont plutôt bénéficié du confinement et du retour des consommateurs aux produits basiques tels que les laits liquides, le beurre ou la crème. Ces produits pèsent pour une part importante du mix-produit de la filière lait bio. Cette dernière est par ailleurs peu dépendante des exportations et n’est donc pas soumise à la même pression que la filière lait conventionnelle.
Pour autant, avec l’afflux de lait des deux dernières années (le milliard de litres sur 12 mois glissants a été atteint courant mars soit +67% en trois ans), la régulation des volumes apparaît comme inévitable pour les principaux collecteurs afin de limiter le déclassement de lait, notamment au printemps lors du pic saisonnier de production. Les différentes Organisations de producteurs (OP), commerciales comme non-commerciales, ont ainsi relayé les messages de modération des livraisons demandés par les transformateurs laitiers.
Des évolutions divergentes dans le monde
En Allemagne, après un recul en semaine 13, les livraisons de lait en semaine 14 (qui se termine le 5 avril) sont en hausse d’une semaine sur l’autre et par rapport à 2019 (+0,7%). Cependant, la teneur en matières utiles a diminué sur les deux premiers mois de l’année. Une semaine après la France, la ministre allemande de l’Agriculture a écrit à la Commission européenne pour demander à l’UE de soutenir le stockage privé de poudre de lait.
En Irlande, la baisse des cours du beurre et de la poudre accentue la pression sur les laiteries. La majorité des grands transformateurs, à l’exception de Dairygold, ont donc finalement procédé à des baisses de prix, sur les livraisons de mars. Glanbia, Kerrygold et Lakelands ont réduit leur prix pour le lait livré en mars d’environ 2 centimes/litre. Mais aucune demande de contenir la production de lait n’est pour l’instant envisagée.
Au Royaume-Uni, les livraisons de lait ont repris leur tendance baissière en mars (-2% par rapport à 2019). Les volumes de lait non collectés correspondraient à la production d’environ 300 fermes, sachant que de nombreux éleveurs continuent à livrer leur lait à des prix en baisse.
Aux États-Unis, les associations d’éleveurs et les collecteurs estiment que l’offre de lait excède la demande d’environ 10%. De son côté, Dairy Farmers of America mentionne qu’entre 10.000 et 14.000 tonnes de lait seraient quotidiennement jetées par les éleveurs américains. L’heure est aux idées pour trouver de nouveaux débouchés au lait en suprlus, sachant que 45% du fromage et environ 60% du beurre sont consommés dans la RHD. L’une d’entre elles consiste à demander aux industriels de rajouter du fromage dans leurs pizzas, burgers, sandwichs… Une autre serait de demander à l’État fédéral d’acheter des produits laitiers pour les distribuer aux banques alimentaires. L’USDA a également décidé d’assouplir certaines règles concernant les programmes de gestion des risques, comme de prendre en compte dans les calculs les volumes de lait jetés par les éleveurs.
Accélération de la chute des cours des ingrédients laitiers
Après avoir bien résisté, le cours du beurre chute pour la deuxième semaine consécutive. La cotation Atla a perdu 520 €/t en semaine 15. A 2.600 €/t, elle se retrouve 38% sous son niveau de 2019 (-1.600 €).
Ces évolutions se retrouvent également au niveau européen, où la cotation du beurre a perdu 300 €/t entre mi-février et début avril (semaine 14), à 3.300 €/t, et celle de la poudre maigre près de 500 €, 2.100 €/t.
Outre-Atlantique, le cours du beurre a perdu plus de 30% entre début mars et début avril, pour afficher 2.700 $/t. Les fabrications de beurre sont très élevées, les usines tournant à pleine capacité, et abondent des stocks déjà importants, alors que les débouchés à l’export ne sont pas suffisants. Le prix de la poudre maigre a reculé de près de 25% sur la même période. Enfin, le cours du cheddar a baissé de plus de 20% alors que les fabrications sont en hausse.
A l’inverse, les cours du beurre et du cheddar océaniens n’ont pas reculé entre début mars et début avril et ceux de la poudre maigre n’ont cédé que 4%. Le marché océanien semble profiter de la baisse de production en Nouvelle-Zélande et du retour aux achats de la Chine.
