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À la découverte des pratiques

agro-éco-touristique au Pérou

Le département AgroBiosciences et Chimie de la HEPH-Condorcet et plus spécialement les étudiants des sections Environnement et Agronomie des Régions Chaudes, accompagnés de 3 enseignants (Anne Fourbisseur, Anne Totté et Matthias Gosselin), sont partis du 28 mars au 8 avril 2022 à la découverte de pratiques éco-touristiques et agro-écologiques mises en place au Pérou.

Temps de lecture : 6 min

Ce périple les a emmenés de Lima, la capitale du Pérou, aux premières formations forestières amazoniennes (Machu Picchu) en passant par la Costa, plaine littorale désertique sableuse de 3.000 km du Nord au Sud, qui s’étend de la côte pacifique à l’Altiplano jusqu’aux contreforts andins (la Sierra, composée de 3 chaînes montagneuses). Les étudiants ont ainsi pu visualiser ainsi les différents étages écologiques liés à l’altitude (jusqu'à 4.900m pour le canyon de Colca).

À l’extrême Sud de la côte péruvienne (la Costa) commence le désert de l’Atacama qui se poursuit au Nord du Chili. Sur cette côte désertique, les étudiants ont pu se rendre compte de la présence d’un courant marin froid longeant la côte pacifique (le courant de Humboldt) à l’Ouest du Pérou et qui peut être perturbé par les phénomènes El Niño ou La Niña. Ce courant froid empêche la formation de nuages (d’où peu de précipitations) et provoque une brume persistante, la garúa, présente sur quasi toute la côte péruvienne. Les étudiants ont pu observer l’influence du climat sur la biodiversité (essentiellement marine avec des eaux très riches en nutriments) et les pratiques agricoles restreintes aux oasis (palmiers, oliviers mais aussi maïs, légumineuses…) ou irriguées (tabac, riz, canne, raisin, soja, coton, fleurs…). De nombreux élevages de poulets en batterie sont aussi présents sur cette bande côtière. Ces productions agricoles évoluent par la suite vers des élevages laitiers, des productions maraîchères ou céréalières sur l’Altiplano. Les oasis de la côte hébergent un arbre actuellement protégé, le ‘huarango’ ou l’arbre qui marche (famille des caroubes, Prosopis pallida) dont les racines profondes peuvent également parcourir des km pour recréer à la surface un nouvel arbre (effet de forêts à partir de très peu d’arbres « mères »).

Des visites éco-touristiques

Au niveau des visites éco-touristiques, de nombreuses réserves ou parcs naturels ont été parcourus parmi lesquels nous pouvons citer entre autres exemples :

– les « Islas Ballestas » (département d’Ica) où nous notons la présence d’otaries de Patagonie mais également de tout le cortège des oiseaux marins du Pacifique sud dont les célèbres manchots de Humboldt. Sur place, l’exploitation du guano (fientes séchées utilisées comme engrais organique) est profitable à l’agriculture péruvienne et a été réglementée et rendue durable en limitant les impacts sur le dérangement de l’avifaune ;

– la « réserve nationale de Salinas y Aguada Blanca » (plus de 4.000 m d’altitude), pampa protégée où évoluent des vigognes et située dans la région d’Arequipa. La gestion annuelle et très réglementée de la tonte de cette espèce sauvage protégée de camélidés et l’exploitation touristique ont permis de diminuer les actes de braconnage. Cette réserve fait partie de la zone volcanique centrale des Andes avec notamment les trois volcans enneigés visibles depuis Arequipa : Misti, Pichu Pichu et Chachani, mais aussi le Tacune ou encore l’Ubinas. Le col de Patapampa (4900 m) a dû être passé entre le Canyon de Colca et Arequipa ;

– la « Croix des condors » (Canyon de Colca, 4350 m), où la mise en évidence de cet animal emblématique des Incas et des contreforts andins a permis de réduire les actes de malveillance envers cette espèce.

Découverte des pratiques agricoles

En ce qui concerne les pratiques agricoles, les étudiants ont d’abord visité l’exploitation vinicole la plus ancienne du Pérou (1540), le domaine Bodega de Tacama, 200 ha irrigués sur la côte (département d’Ica, à 340 m au-dessus du niveau de la mer), très réputé avec près de 27 cépages français et italiens de raisins de bouche ou vinicoles (vins blancs : Sauvignon, Chardonnay, le Sémillon et Chenin blanc – et vins rouges : Malbec et Cabernet Sauvignon, le Tannat et le Petit Verdot), et une production reconnue de Pisco, eau-de-vie de raisin typiquement péruvienne, réputée pour son cocktail Pisco « sour ». Les étudiants ont pu recevoir ainsi une initiation à l’évaluation sensorielle de vins, mousseux et de Pisco.

Dans la région de Chivay (juste avant le Canyon de Colca), nous retrouvons quelques productions fruitières telles les fruits de la passion, les mangues, les figues de Barbarie, les fruits du cactus Candelabre.

Plus tard, les étudiants ont pu échanger avec différentes familles lors de leur séjour chez l’habitant au bord du lac Titicaca (3.812 m). Différentes cultures et leurs conduites ont pu être présentées : maïs variés, courges, oxalis et ses tubercules nutritifs ou « Oca », fèves diverses, lupin, quinoas et pommes de terre dont près de 3.000 variétés sont présentes au Pérou… mais aussi l’orge, le blé, la luzerne pour l’élevage. Par la suite, ils ont aussi pu visiter plusieurs exploitations agroécologiques dont certaines ont été soutenues par l’ONG belge ACDA (Action et Coopération pour le Développement dans les Andes). Deux projets ont par exemple été présentés sur l’Altiplano (Huata, région de Puno) :

– le développement de la filière laitière, notamment avec l’acclimatation de la race bovine Brune Suisse à la haute altitude, la modernisation des techniques de traite et la construction d’une laiterie et d’une fromagerie modernes (pâte pressée présurée et salée) ;

– la mise en place de serres individuelles en adobe (argile et paille) permettant de diversifier en légumes et petits fruits une famille de 5 personnes toute l’année, malgré les conditions climatiques très rudes (3.000 m, saison sèche longue) et de réduire l’anémie infantile et le scorbut liés à la malnutrition.

En parallèle, les nombreuses inventions agricoles incas ou pré-incas ont pu être mises en avant telles la formation d’îles flottantes sur le lac Titicaca, les cultures en terrasse sur les cordillères, les différents processus d’irrigation développés sur le désert côtier (aqueduc) ou encore des laboratoires d’expérimentation agricoles initiés par les Incas dans des effondrements karstiques et adaptés en terrasses d’altitudes variées en vue d’étudier l`adaptation de plantes issues des diverses régions du Pérou.

Finalement, de nombreuses questions ont pu être relevées et débattues avec et par les étudiants, notamment l’impact

– du réchauffement climatique sur les glaciers andins ;

– de l’implantation massive d’eucalyptus dans une région aride ;

– des événements climatiques soudains (grêle) sur la production agricole et la biodiversité ;

– de la disparition potentielle des traditions culturelles andines telles que celle des Quechua (dont la langue est cependant apprise à l’école), des Aymaras ou, de manière encore plus précaire, la culture des Uros qui vivent sur des îles flottantes sur le lac Titicaca.

Bref, deux semaines bien denses mais qui ont permis aux étudiants de découvrir par eux-mêmes d’autres cultures, d’autres modes de réflexion sociétale et d’autres techniques (agricoles, artisanales, forestières), de quoi alimenter leurs réflexions personnelles et professionnelles futures de citoyen du monde.

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