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La Cour de justice européenne statue sur la mutagenèse

Les plantes issues des techniques de mutagenèse classique, qu’elles soient in vivo ou in vitro, doivent être exemptées des obligations de la directive européenne OGM. C’est la conclusion de la Cour de justice de l’UE dans un arrêt rendu le 7 février dernier.

Temps de lecture : 4 min

La Cour de justice de l’UE (Cjue) estime que les variétés issues de techniques mutagènes in vitro doivent être exemptées de l’application de la réglementation OGM de la même manière que les plantes issues de mutagenèse in vivo.

Passe d’armes entre la France et l’UE

Une décision prise suite à un recours de la Confédération paysanne notamment, qui contestait l’autorisation par la France de variétés de colza rendues tolérantes aux herbicides par mutagenèse in vitro.

Après un premier avis de la Cjue en 2018, répondant aux questions préjudicielles du Conseil d’État (France), la Cjue avait estimé que les organismes obtenus au moyen de techniques de mutagenèse aléatoire par des agents chimiques ou physiques, qui ont été traditionnellement utilisées pour diverses applications et dont la sécurité est avérée depuis longtemps, devaient être exclus des obligations de la directive OGM.

Mais cet avis ne tranchait pas le cas des variétés issues des techniques plus récentes de mutagenèse dite in vitro – pratiquées sur des cellules comme avec la méthode plus traditionnelle in vivo sur des plantes entières ou des graines.

Malgré une décision de 2020 du Conseil d’État estimant que les variétés « in vitro » relevées de la directive OGM, les autorités françaises n’avaient pas adopté de mesures en ce sens notamment du fait de l’opposition de la commission européenne à l’application de régimes distincts à la mutagenèse aléatoire in vivo et à la mutagenèse aléatoire in vitro.

La Cour confirme le point de vue de Bruxelles. Selon elle, les organismes obtenus « par l’application in vitro d’une technique de mutagenèse qui a été traditionnellement utilisée pour diverses applications in vivo et dont la sécurité est avérée depuis longtemps au regard de ces applications » doivent, elles aussi, être exclues du champ d’application de la directive OGM.

Ce qui signifie qu’il n’est pas nécessaire qu’elles passent par un processus d’autorisation de mise sur le marché et d’étiquetage.

Brevetabilité

Toutefois, le juge européen note que la limitation (double critère de l’utilisation traditionnelle pour diverses applications et sécurité avérée) de la portée de l’exemption de la directive est étroitement liée à l’objectif du législateur de l’UE de protéger la santé humaine et l’environnement.

La Cour considère, en effet, que la dissémination dans l’environnement ou la mise sur le marché, sans avoir mené à bien une procédure d’évaluation des risques, d’organismes obtenus au moyen d’une technique de mutagenèse présentant des caractéristiques distinctes de celles d’une technique de mutagenèse traditionnellement utilisée pour diverses applications et dont la sécurité est avérée depuis longtemps pourrait avoir des effets négatifs, parfois irréversibles, sur la santé humaine et l’environnement dans les États membres.

Malgré ces précautions, « la Cjue ouvre un boulevard pour un déferlement massif d’OGM non étiquetés ni évalués dans nos champs et nos assiettes », déplore dans un communiqué Via Campesina.

Et l’organisation paysanne regrette également que l’arrêt de la Cour « ne clarifie pas suffisamment toutes les questions soulevées » notamment celle de la brevetabilité. « Contrairement aux techniques traditionnelles de sélection, la mutagenèse in vitro est brevetable », rappelle Via Campesina. Et d’ajouter que si ces techniques sont brevetables « c’est qu’elles ne sont pas traditionnelles et produisent donc des OGM » qui devraient être réglementés.

Le Copa-Cogeca, au contraire, se félicite de l’arrêt de la Cjue : « L’agriculture européenne doit accéder aux bénéfices de l’innovation pour être plus durable et atteindre l’ambition définie dans le Green Deal européen ».

Avec cet arrêt de la Cour, le Copa-Cogeca espère que les sélectionneurs seront en mesure « de prendre en compte certaines techniques de mutagenèse dans leurs programmes de sélection, réduisant ainsi d’environ dix ans le délai de mise sur le marché ».

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