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Des exceptions évidentes,

d’autres plus complexes…

La parution de la semaine dernière abordait les premières exceptions au droit de préemption (et de cession). Poursuivons l’analyse des diverses exceptions légalement prévues à l’article 52 de la loi sur le bail à ferme.

Temps de lecture : 7 min

Pour rappel, les trois premières concernent l’absence d’exploitation personnelle (52 1°), l’âge légal de la pension du preneur (+ bénéfice d’une pension de retraite + absence de désignation d’un parent légalement éligible pour poursuivre l’exploitation) (52 1/1°) et la vente à une administration publique à des fins d’intérêt général (51 3°).

La cession de parts indivises

Il arrive fréquemment qu’un bien immobilier, rural en l’occurrence, soit indivis, c’est-à-dire en copropriété entre plusieurs personnes. Tel peut notamment être le cas par suite d’une succession mais tel peut aussi être le cas en cas d’indivision volontaire si deux personnes achètent, par exemple, un bien immobilier ensemble (attention l’exception ne vaut en ce dernier cas que dans des cas bien précis – voire ci-dessous).

Lorsqu’il est question de sortie d’indivision, il n’est pas, à proprement parler, question de vendre le bien immobilier lui-même mais davantage de céder, d’un indivisaire ou plusieurs indivisaires à l’autre ou à plusieurs autres, ce qu’on nomme juridiquement des parts indivises. C’est un peu comme si un gâteau de plusieurs parts appartenait pour son entièreté à 5 personnes et que 4 des personnes vendaient à la cinquième leurs parts du gâteau… S’il ne s’agit pas d’une vente du bien immobilier à proprement parler, il est logique de considérer qu’il ne puisse y avoir de droit de préemption.

L’exception s’explique d’autant plus d’un point de vue pratique qu’il serait invraisemblable, en cas de cession de parts indivises, de devoir proposer au preneur en place de racheter la part indivise de l’un ou l’autre indivisaire pour créer, en fait, une nouvelle indivision par l’arrivée d’une personne nouvelle. Imaginons deux parents qui décèdent. Deux enfants héritent, notamment d’une pâture de 5 hectares louée à un preneur. L’un des enfants décide de racheter à l’autre sa part dans les 5 hectares. Personne ne comprendrait que le preneur soit prioritaire pour l’achat de cette part face à l’indivisaire acheteur.

C’est ainsi que l’article 52 4° prévoit une exception au droit de préemption (et à la cession dudit droit) « en cas de vente à un copropriétaire d’une quote-part dans la propriété du bien loué ». Il reste que l’article 52 4° in fine prévoit que « cette exception ne peut être invoquée que par les personnes devenues copropriétaires par héritage ou par testament ou qui étaient déjà copropriétaires au moment de la conclusion du bail à ferme ou qui ont acheté le bien en indivision pendant la durée du bail à ferme sans que le preneur ait usé de son droit de préemption ». Ces quelques mots balisent les contours de cette exception qui ne vaut ainsi que si l’indivision provient d’une succession (indivision involontaire) ou, en cas d’indivision volontaire, si le bien indivis a été acquis avant la conclusion ou après la conclusion du bail pour autant que le preneur en place n’ait pas exercé son droit de préemption.

Une notion de date certaine

L’exception suivante, visée à l’article 52 5° de la loi, découle de la logique. Imaginons un compromis de vente signé et convenu avant la conclusion du bail. Ce compromis de vente sera suivi d’un acte de vente. À l’occasion de cet acte de vente, le notaire ne sera pas tenu de notifier au preneur la possibilité de préempter puisque la vente a, en fait, d’un point de vue juridique, été conclue avant la signature du bail, ce via le compromis dont on entend souvent que « compromis de vente vaut vente ».

Il convient d’être attentif au fait que la promesse de vente, acceptée par le bénéficiaire, donc par l’acheteur, doit avoir date certaine, et ce de façon à certifier qu’elle est bien préalable à la conclusion du bail. Pour rappel, la notion de date certaine est définie à l’article 8.22 du Livre 8 du Nouveau Code Civil contenant que : « l’acte sous signature privée n’acquiert date certaine à l’égard des tiers que : 1° du jour où il a été enregistré, ou 2° du jour où sa substance est constatée dans un acte authentique, ou 3° du jour où au moins l’une des parties se trouve dans l’incapacité de modifier l’acte ou sa date, notamment suite au décès de l’une d’elles ».

C’est ainsi que l’article 52 5° prévoit qu’il n’y a pas de droit de préemption (ni de cession dudit droit) lorsque « le bien loué fait l’objet d’une promesse de vente ayant date certaine antérieure à la conclusion du bail, pour autant que cette promesse soit acceptée par son bénéficiaire ».

Congé donné par le preneur

La sixième exception, elle, est en lien avec un congé. Si le preneur a donné congé avant la mise en vente du bien loué, il ne pourra évidemment se prévaloir de l’existence d’un droit de préemption. On rappellera utilement que, s’il est assez rare qu’un congé soit notifié par un preneur, la chose n’en demeure pas moins autorisée. Tellement autorisée qu’elle est prévue à l’article 14 al.1er de la loi sur le bail à ferme : « Quelle que soit la durée du bail et nonobstant toute convention contraire, le preneur aura toujours la faculté de mettre fin au bail moyennant un congé donné avec préavis d’un an au moins ». C’est ainsi que l’article 52 6° de la loi prévoit que le preneur ne dispose pas d’un droit de préemption (ni de cession dudit droit) s’il a donné congé.

En terrain à bâtir ou zone industrielle

Septième exception, ô combien complexe, concerne les terrains à bâtir et les terrains en zone industrielle. La règle générale à retenir est qu’un terrain à bâtir ou un terrain en zone industrielle n’est, en principe, pas soumis au droit de préemption (ou de cession dudit droit). Il faut cependant insister que cette règle est balisée par des conditions très précises définies à l’article 6 de la loi sur le bail à ferme. Toute explication à ce sujet mériterait une, voire deux ou trois, parution(s), tant les conditions sont strictes et complexes. Il est ainsi vivement conseillé, si l’occasion se présente, de se faire utilement entourer et conseiller pour éviter de commettre une erreur. La loi (article 52 7°) fonctionne par un système de renvoi puisqu’elle indique que le preneur ne dispose pas d’un droit de préemption (ni de cession dudit droit) « dans les cas visés aux articles 6, § 1, 1°, 2° à 5° inclus ».

Cessation du bail

La huitième exception est, elle aussi, contenue à l’article 52 7° de la loi, qui, ici encore, fonctionne par un système de renvoi : pas de droit de préemption (ni de cession du droit) dans le cas visé à l’article 14 al.2 de la loi. Que dit l’article 14 al.2 de la loi ? « Les parties peuvent mettre fin au bail en cours à condition que leur accord soit constaté par un acte authentique ou par une déclaration faite devant le juge de paix, sur son interpellation ». Ainsi, s’il a été convenu, dans les formes légales, de mettre fin au bail, il tombe sous le sens que le preneur ne peut plus exciper d’un droit de préemption (ni de cession dudit droit).

Autorisation du juge de paix

Enfin, et dernièrement, l’article 52 8° exonère le bailleur de notifier le droit de préemption lorsque « le propriétaire obtient du juge de paix l’autorisation de vendre le bien sans que le droit de préemption puisse être exercé ». La loi poursuit en indiquant que : « Le juge n’accorde cette autorisation que si le propriétaire a des motifs sérieux pour écarter le preneur. Il statue, les parties entendues ou dûment appelées. Pour apprécier le caractère sérieux des motifs invoqués, le juge s’inspire notamment des dispositions de l’article 7 relatives aux motifs des congés ».

Est ici visée l’hypothèse de la dispense du droit de préemption. En deux mots, le droit de préemption existe mais, s’il dispose d’un motif sérieux, le bailleur peut demander au Juge de Paix de l’ôter au preneur. On peut imaginer, par exemple, un terrain mixte, en zone à bâtir pour grande partie et en zone agricole pour petite partie. Le bailleur vendrait « mieux » s’il peut tout vendre à l’acheteur du terrain à bâtir. C’est, un peu, une application de la règle selon laquelle l’accessoire (petite partie en zone agricole) suit le principal (grande partie en zone à bâtir).

Voilà donc une synthèse, brève, des diverses exceptions au droit de préemption et de cession du droit. Il s’agit d’une matière bien piégeuse qui a valu à bon nombre de notaires (pour rappel, ce sont à eux de notifier au preneur la possibilité de préempter, de par la loi) de passer des nuits blanches ! Autant dire, donc, qu’il est absolument indispensable d’être bien conseillé.

Henry & Louise Van Malleghem,

avocats au Barreau de Tournai

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