Premier plan, on est dans les couloirs du ministère de l’agriculture. C’est la panique générale, on a à peine eu le temps de se faire la bise, qu’on apprend que la commission européenne a soumis les textes à l’approbation des États membres et du Parlement européen. Pause.
« Mercosur ». Ce n’est pas le nom d’un monsieur mais bien l’abréviation de Mercado Comun del Sur en espagnol, qui signifie en français « marché commun du Sud ». Je vous résume l’affaire : plusieurs pays de l’Afrique du Sud ont établi des conventions afin de faciliter les échanges entre eux et ce, dans plusieurs domaines. Le Mercosur vise également à développer entre les pays membres une politique macro-économique commune et une harmonisation législative. Ça ne vous rappelle rien ? C’est exactement ce qu’a fait l’Europe grâce à l’Union Européenne il y a déjà quelques décennies. Jusque-là, tout va bien avec le Mercosur. On devrait même être flattés de voir à quel point ils se sont inspirés des européens.
Dans un enthousiasme mondial pourrait-on dire, il y a vingt ans, l’Union Européenne et les pays du Mercosur ont entamé des échanges pour pouvoir établir un traité de libre – échange. En d’autres termes, on se sert la pince entre présidents des Unions, avec sur la table un accord qui vise à promouvoir les relations politiques et commerciales. Ce dernier volet permettra aux pays membres de bénéficier de taxes diminuées, d’exportations augmentées et par conséquent, des économies nationales revigorées.
Nous revoilà au présent. Tout allait bien dans les hautes sphères de la place Schuman, jusqu’à ce que l’agriculteur européen tique sur cet accord depuis ses champs. « Des vaches contre des voitures » ? Car oui, c’est comme ça que cet accord est souvent résumé. Si la partie coopération politique ne pose pas de problème, le volet commercial bloque au niveau « agricole ». S’il fût une époque où les pays d’Amérique du Sud et l’Europe avaient des pratiques agricoles similaires, un fossé s’est depuis lors creusé. Aujourd’hui, on peut même parler de gouffre.
Depuis ces vingt dernières années, la Politique Agricole Commune a pris conscience des dangers que représente l’agriculture intensive. Réforme après réforme, elle tend progressivement à devenir plus verte, plus respectueuse de l’environnement. Nous n’irons pas jusqu’à la trouver impeccable mais cette tendance est un fait. Accepter cet accord en l’état, c’est régresser de vingt années d’efforts pour la protection de l’environnement, des paysages et la biodiversité. C’est accepter de voir arriver une nourriture produite dans des conditions qui, par rapport à notre cahier des charges, est absolument interdite. Cet accord est aussi une trahison envers les agriculteurs européens qui se retrouvent face à une concurrence complètement déloyale.
Mais alors pourquoi avoir précipité les événements ? Il ne faut pas être médium pour comprendre que dans le contexte actuel, avec d’un côté les États-Unis qui se la jouent solo et de l’autre, l’orient qui organise une fête entre trois dictateurs, l’ambiance est un peu tendue, avec en prime, deux guerres aux portes de notre continent. Sur l’échiquier mondial, l’Europe se retrouve seule et fragile. Les temps sont dangereux, l’urgence est de s’allier. Qui de mieux qu’un continent qui s’est construit en s’inspirant de l’Europe ? Ni une, ni deux, je peux facilement imaginer la commission européenne profiter de ce moment brouillon qu’est la rentrée pour faire avancer cet accord.
Vu sous cet angle, on comprend l’urgence de la situation mais ce que les hautes sphères politiques auraient tendance à oublier, c’est que les agriculteurs européens auraient dû être impliqués dès le début du processus. Sans eux, pas d’Europe puisque l’agriculture était la politique fondatrice d’après – guerre, elle qui avait le rôle de garantir la sécurité alimentaire et à soutenir les zones rurales. Aujourd’hui encore une fois, les agriculteurs viennent au secours des européens en refusant cet accord. Alors perso, si j’ai droit au vote, je vote pour la Piña Colada mais contre l’import de denrées alimentaires qui n’ont aucune plus-value ajoutée par rapport à ce que l’Europe œuvre déjà et pour les produits dont nous sommes déjà auto-suffisants.
Aujourd’hui, entre les quartiers nord et les quartiers sud sur cette échelle mondiale, ça danse la zumba. Mais le monde agricole dit non. Alors ciao la zumba.











