La teneur en matière sèche élevée des ensilages, un risque d’échauffement à la reprise!
Cette année, comme l’année passée, de nombreux ensilages d’herbe ont des teneurs en matière sèche élevée. Parmi ces ensilages, on détecte de nombreux cas d’échauffement. Ceux-ci ne se limitent pas toujours aux premiers centimètres du front d’attaque. Ils sont le sign d’une reprise d’activités des micro- organismes et donc de pertes au niveau de la quantité et de la qualité du fourrage.
Dès que la teneur en matière sèche (MS) d’un ensilage dépasse les 40-45 %, le risque que la porosité du silo – qui peut être vue comme l’espace disponible pour l’eau et les gaz dans un solide – soit trop élevée est plus important. Si la teneur en MS est plus élevée, la quantité d’eau est moindre et donc l’espace disponible pour les gaz (dont l’oxygène) pour une même densité d’ensilage est plus grand. Une porosité élevée a un double impact sur les silos :
– création de poches d’air (oxygène) résiduelles dans l’ensilage lors de la confection à plus de micro-organismes qui se développent au début du stockage ;
– pertes en MS et en qualité ;
– augmentation du nombre de levures et moisissures prêtes à être réactivées dès qu’il y aura à nouveau de l’oxygène ;
– pénétration de l’air plus en profondeur à dans le silo (figure 1), lors de la reprise de l’ensilage ;
Les levures, moisissures et bactéries aérobies (cf. fiche levures et moisissures sur fourragesmieux.be) pourront donc se développer plus rapidement. De plus, dans un ensilage sec, les fermentations seront moins importantes. L’acidité ne sera pas suffisante pour protéger le fourrage des bactéries et moisissures plus sensibles à un pH bas. Elles ne devront pas attendre que les levures remontent le pH de l’ensilage pour agir. L’activité de tous ces micro-organismes sera « visible » par l’échauffement du silo.
– un échauffement équivaut à la reprise d’activité des micro-organismes (la température au cœur d’un ensilage refroidi (min 6 semaines de ferment.) est de 15ºC );
– si supérieure à 20ºC au cœur (plus d’1 mètre du front, si bonne compaction, pas d’influence de la température extérieure), des post-fermentations sont en cours et l’activité de ces micro-organismes induit des perte de MS, de valeur alimentaire ;
– par 1ºC au-dessus de la température ambiante = 0,23 % de perte de MS.
Des pistes de « solutions » ?
– garder un front d’attaque net et propre ;
– ne pas débâcher trop à l’avance ;
– avancer rapidement dans le silo est la solution la plus efficace pour éviter le développement des moisissures (fermeture d’un second silo, nourrir plus d’animaux avec ce silo…) ;
– de l’acide propionique peut être pulvérisé sur le front d’attaque pour protéger les premiers centimètres (+/- 3-4€/kg d’acide, les risques lors de la manipulation sont réduits pour un acide tamponné).
Quelques cas observés début 2022
Une déstructuration importante du front d’attaque
Une déstructuration importante du front d’attaque entraîne une entrée plus importante d’oxygène via ce même front. Ce phénomène est d’autant plus marqué si la porosité est importante.
Dans le cas de la photo au front d’attaque déstructure, l’entrée d’oxygène est plus importante et donc les pertes de MS moyenne plus importantes lors de la reprise.
Tout matériel de reprise qui permet une coupure nette (bac tranchant, fraise) permet de maintenir une barrière plus nette contre l’entrée d’oxygène.
Un mauvais choix de conservateur
Un mauvais choix de conservateur peut avoir un impact sur la stabilité de l’ensilage lors de la reprise.
Dans ce cas-ci, ce sont des bactéries homofermentaires ( Lactobacillus plantarum, Lactobacillus lactis, Pediococcus acidilactici, Pediococcus pentosaceus ) qui ont été utilisées. Le problème était que cet additif n’était pas le plus adapté pour cet ensilage (coût du conservateur entre 2 et 4€/t de MS).
Le silo avait une teneur en MS moyenne de 45 %. L’utilisation du conservateur a permis une acidification rapide de l’ensilage avec comme conséquence une teneur importante en sucres solubles résiduels. Ce qui peut sembler être une bonne chose ne l’est pas dans toutes les conditions. Beaucoup de sucres, une porosité élevée, un avancement trop lent (2 silos ouverts) sont 3 facteurs qui, combinés, sont plus que favorables au développement des levures et moisissures.
Dans le cas de cet ensilage, utiliser des bactéries lactiques hétérofermentaires aurait été plus judicieux. L’acide acétique et le 1,2-propanediol qu’elles produisent sont des antifongiques qui empêcheront ou ralentiront le développement des levures et moisissures.
La température dans la partie haute du silo montait à plus de 35ºC (température extérieure : 6ºC). Les pertes en kg de MS sont donc estimées à +/- 7 %. Pour diminuer l’impact des champignons, fermer le deuxième silo et donc augmenter la vitesse d’avancement était la meilleure solution à mettre en place.
Une bonne conservation des fourrages pour une meilleure autonomie