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Lancement officiel du score «C’Durable» : une transition vers un modèle d’élevage plus durable, plus résilient

Les initiateurs du projet « C’Durable », fruit d’un partenariat entre la Fugea, Saveurs Paysannes et Canopea initié en 2021, ont présenté, le 3 février dernier au « Comptoir Paysan » à Beauraing en présence de la ministre Céline Tellier, leur score de durabilité. Celui-ci renseignera le consommateur sur l’impact environnemental des produits issus de la filière d’élevage en Wallonie. Plus qu’une démarche, il s’agit d’une véritable philosophie de vie pour les agriculteurs.

Temps de lecture : 8 min

Financé par la Région wallonne dans le cadre de l’appel à projet « Soutenir la relocalisation de l’alimentation en Wallonie », « C’Durable » se présente comme une réponse à une demande conjointe émanant directement de la société civile et du secteur agricole : celle de faire évoluer les modes de consommation vers une filière locale qui soutient une transition vers un modèle d’élevage plus durable, plus résilient pour les années à venir.

Une réponse aux greenwashing, localwashing et autre durabilitywashing

Pour ce faire, les trois partenaires ont créé un score de durabilité qui permet d’objectiver les pratiques grâce à une série d’outils.

Pour la Fugea, « ce score permettra aux producteurs engagés dans ce projet d’évoluer vers des pratiques plus durables au niveau de la préservation du paysage et de la biodiversité, de la séquestration du carbone en gardant leurs prairies permanentes grâce à l’élevage, et à assurer le bien-être animal de leur cheptel ».

La démarche répond par ailleurs à une demande des consommateurs, de plus en plus attentifs à la qualité et à l’origine des produits.

C’Durable a vocation de faire évoluer les modes de consommation  vers une filière locale qui soutient une transition vers un modèle d’élevage  plus durable, plus résilient pour les années à venir.
C’Durable a vocation de faire évoluer les modes de consommation vers une filière locale qui soutient une transition vers un modèle d’élevage plus durable, plus résilient pour les années à venir. - M-F V.

Pour contrer le « greenwashing », et, désormais, l’avènement du « localwashing » ou encore du « durabilitywashing », ce nouveau score permettra au consommateur « d’avoir à disposition les informations nécessaires pour choisir ses produits en toute connaissance de cause » indique encore le syndicat agricole.

« Acheter sa nourriture en fonction de son impact environnemental est un acte d’engagement pour une société plus durable. Malheureusement l’origine locale des produits viandeux et laitiers ne garantit en rien le mode d’élevage respectueux de l’environnement » a pour sa part renchéri Corentin Roland, chargé de mission chez Canopea (anciennement Inter-Environnement Wallonie) en soutenant que « C’Durable » offrira davantage de visibilité à ces deux dimensions pour rapprocher consommateurs et producteurs.

Ce sera, en tout cas, une nouvelle façon de replacer l’élevage au centre du jeu, de lui redonner ses lettres de noblesse, lui qui est si souvent malmené dans les discours simplistes et extrémistes des militants anti-viande.

Un diagnostic de durabilité sur base volontaire

Mais comment peut-on arborer les couleurs du score sur ses produits ?

Au sein de l’Asbl Saveurs Paysannes, Fannie Jenot réalise les diagnostics de durabilité à la demande des agriculteurs souhaitant s’inscrire dans cette nouvelle démarche.

Lors d’un premier passage en ferme, elle collecte un ensemble de données techniques et chiffrées reprenant le fonctionnement global de l’exploitation (assolement, cultures, prairies, taille du cheptel, techniques d’élevage, consommation énergétique…).

Ces éléments sont ensuite introduits dans différents outils scientifiques élaborés par des structures indépendantes et externes au projet « C’Durable ».

Il s’agit de l’Asbl Natagriwal pour tout ce qui touche à l’impact de la ferme sur la biodiversité, des exigences du label néerlandais « Better Leven » qui a été adapté au contexte wallon pour ce qui a trait au bien-être animal.

Quant aux indicateurs relatifs au climat, Fannie Jenot se réfère à l’outil DECiDE développé par le Cra-w pour réaliser un bilan des émissions de gaz à effet de serre de l’exploitation. Enfin, elle propose un indicateur de résilience économique qui se base sur la comptabilité de gestion des agriculteurs.

Une quarantaine d’éleveurs wallons passés sous la loupe

Tous les résultats leur sont fournis lors du second passage en ferme, et ce sont eux qui décident s’ils souhaitent communiquer, ou non, les résultats de leur score, « qui n’est pas un label » précise Fannie Jenot, « car on ne se base pas sur un cahier des charges ou une charte, mais bien sur les données techniques de l’exploitation ».

Thibaut Goret, qui vend sa viande à la ferme et au Comptoir Paysan de Beauraing, fait partie des agriculteurs qui ont participé à un diagnostic de durabilité de leur élevage.
Thibaut Goret, qui vend sa viande à la ferme et au Comptoir Paysan de Beauraing, fait partie des agriculteurs qui ont participé à un diagnostic de durabilité de leur élevage. - M-F V.

Au jour d’aujourd’hui, une quarantaine d’éleveurs, dont la moitié est en circuit court, ont été diagnostiqués. Quinze d’entre eux sont accompagnés dans l’affichage de leur score environnemental sur leurs produits.

L’exemple de la Ferme d’Esclaye à Beauraing

À Beauraing, Marc-André Henin, éleveur et producteur de beurre et de fromage, fait partie de ceux-là.

Sur les 110 hectares de la Ferme d’Esclaye, en bio depuis 2009, il travaille avec son frère, sa sœur et son père. L’exploitation compte une centaine de bovins, des Holstein et des Montbéliardes, produit 350.000 litres de lait et perçoit environ 55.000€ de primes par an.

Le site compte 8km de haies et de bandes boisées, cinq mares et 10 % de la surface cultivées sont en haute valeur biologique avec des milieux forestiers, des milieux secs, d’autres humides.

Marc-André se dit fier d’avoir intégré l’initiative « C’Durable » car les résultats obtenus lors du diagnostic reflètent quinze années de travail. Il est aussi le fruit du labeur fourni par les générations qui se sont succédé sur l’exploitation familiale.

« Nous avons obtenu une très bonne cote pour la biodiversité que nous projetons encore d’améliorer » déroule Marc-André qui vient de planter 56 arbres fruitiers et s’apprête à implanter 1.400 mètres de haies. Il envisage aussi de réduire la taille de ses parcelles tout en les diversifiant.

Après des panneaux solaires pour la production d’eau chaude, il prévoit l’installation, en 2023, de 132 panneaux photovoltaïques tandis qu’il a totalement modifié la gestion de la ferme pour l’adapter à la répétition des sécheresses.

« Selon nos estimations, nous devrions réduire cette année notre impact climat de 30 % à 50 % ».

En termes de bien-être animal, il aimerait encore améliorer les conditions de vie et d’élevage des veaux laitiers, et, surtout, de devenir l’une des premières exploitations wallonnes à expérimenter l’abattage à la ferme.

À terme, l’éleveur aimerait assurer à 100 % des animaux nés à la ferme d’y rester de leur naissance jusqu’à leur mort.

« Du point de vue humain, nous gagnons notre vie dont la qualité est acceptable » ponctue-t-il.

S’il s’est engagé dans cette démarche, c’est parce qu’il pense que l’agriculture a un rôle à jouer dans l’urgence climatique.

« C’Durable » propose, selon lui, une approche très complète qui englobe, le concernant, « un bon millier de données qui ont été collectées au niveau de la ferme dont plus de 95 % ne représentent normalement pas grosse charge de travail supplémentaire pour les agriculteurs ».

Pour Marc-André Henin, devenir une ferme durable ne nécessite finalement pas de beaucoup de primes.

Un soutien à la relocalisation de l’alimentation

Le lancement officiel du score « C’Durable » a par ailleurs été l’occasion de rappeler, par la voix de la ministre wallonne de l’Environnement Céline Tellier, que le gouvernement wallon soutient activement la relocalisation de l’alimentation.

Tout d’abord à travers un premier appel à projet en 2020 qui a permis de soutenir 46 initiatives pour un montant total de 12 millions € avec un accompagnement d’une durée de trois ans.

Cet appel a en outre permis la création du « Comptoir Paysan », un magasin bio né à l’initiative de six agriculteurs bio habitant dans un rayon de moins de 10km de Beauraing, qui bénéficie de l’aide de « La Calestienne », une entreprise beaurinoise de formation par le travail.

Une quarantaine d’éleveurs, dont la moitié est en circuit court, ont été diagnostiqués. Quinze d’entre eux sont accompagnés dans l’affichage de leur score environnemental sur leurs produits.
Une quarantaine d’éleveurs, dont la moitié est en circuit court, ont été diagnostiqués. Quinze d’entre eux sont accompagnés dans l’affichage de leur score environnemental sur leurs produits. - M-F V.

La Wallonie soutient également le développement de cultures et de filières plus adaptées au changement climatique (protéines végétales, huile de tournesol, céréales panifiables, orge brassicole…).

Certains projets portent sur la résilience à l’échelle du verger, mais aussi sur un travail au niveau du gaspillage alimentaire, de la valorisation des invendus, des conserveries inclusives.

La région s’est par ailleurs ouverte à des projets à dimension sociale afin de permettre un accès à l’alimentation durable pour tous. Ce sont aussi des espaces et des moments d’échanges de bonnes pratiques entre les producteurs.

Enfin, la finalité de ces appels à projets consiste à favoriser l’approvisionnement en produits locaux et l’accès à la terre, la création de centrales d’achats. Des projets qui sont menés avec l’aide de la cellule « Manger Demain ».

Fidélisation et information des consommateurs

45 millions € ont été dégagés dans le cadre du Plan de relance pour soutenir des infrastructures et la structuration de filières (fruits, légumes, céréales, protéines) qui ont un important potentiel de développement en région wallonne.

Le gouvernement met l’accent sur les achats en circuit court, le vrac, le bio et s’apprête à mettre en place des outils favorisant la fidélisation de la clientèle aux producteurs locaux en prenant sa part dans le différentiel de prix « lorsque ce sera possible » a annoncé la ministre Tellier qui a évoqué toute l’importance de l’information aux consommateurs pour les aider à s’y retrouver parmi les différents labels existant sur le marché.

« C’Durable » est particulièrement intéressant en raison de son approche transversale « qui met en avant l’ensemble des services que peut rendre une exploitation agricole à la biodiversité, au climat, au bien-être animal ».

La prochaine étape sera de faire connaître ce score, un outil concret qui semble déjà rencontrer un intérêt croissant de la part des producteurs wallons pour continuer à s’inscrire dans un modèle d’agriculture familiale qui doit faire face à la difficile concurrence internationale dans un contexte d’inflation de prix que l’on connaît actuellement.

À celles et ceux qui souhaiteraient embrasser cette démarche, trouver des producteurs ou tout simplement contacter les acteurs de « C’Durable », le site web www.c-durable.be leur fournira toutes les informations.

Marie-France Vienne

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