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Labour, pas la guerre

J’ai souvent envie de me pincer pour y croire, tant cette aventure est surréaliste, inimaginable, inconcevable au 21e siècle, tragiquement stupide et destructrice… Je vous parle évidemment de la guerre en Ukraine, qui souffle sa première bougie, à défaut de souffler un vent de paix retrouvée. Le chemin vers celle-ci se perd dans un avenir nébuleux, couleur sang. Avant ce conflit meurtrier, le nom « Ukraine » évoquait surtout un pays agricole par excellence, avec ses terres exceptionnelles, déployées sur des étendues défiant nos imaginations de petits fermiers wallons, coincés sur nos parcelles exiguës. Les agriculteurs ukrainiens sont passés du paradis à l’enfer. En ce beau printemps qui s’annonce, ils préféreraient mille fois faire du labour, pas la guerre…

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La guerre est-elle une activité « naturelle » ? Oui, mille fois oui ! La nature n’est ni brave ni bonne : elle est le théâtre permanent de guerres de conquêtes et de prédations. Les virus et les bactéries se bagarrent entre eux depuis la nuit des temps ; les champignons se battent à leur manière pour tout envahir ; les plantes s’étouffent les unes les autres sans état d’âme, et que dire des animaux, insectes, oiseaux, mammifères, reptiles, occupés sans cesse à manger les végétaux, quand ils ne se mangent pas les uns les autres ? Notre corps humain est un champ de bataille où les micro-organismes sont en lutte perpétuelle avec nos défenses immunitaires, dans un équilibre de la terreur où tous les coups sont permis : on se phagocyte les uns les autres joyeusement, on s’étouffe, s’empoisonne, s’élimine. Les êtres humains eux-mêmes se sont répandus sur la Terre en guerroyant sans pitié contre les autres espèces animales, et surtout… entre-eux ! Les plus forts et les plus agressifs ont toujours émergé ; les gentils ont été tous tués, dépossédés, exploités. On devine un peu comment Homo Sapiens a fini par demeurer le dernier représentant du genre Homo, après avoir éliminé les Néanderthaliens, les Denisoviens et nos autres cousins humains qui nous côtoyaient encore voici 50.000 ans…

Bref, la guerre est en nous et partout. C’est une seconde nature, incrustée au plus profond de notre ADN et les hommes n’ont jamais raté l’occasion de se battre, s’occire et se massacrer sans pitié. La guerre est l’expression de notre animalité, de notre bestialité immanente, que les civilisations ont tenté de dompter vaille que vaille en éclairant nos cerveaux obtus sur l’inanité de sa pratique. Mais pourquoi fait-on la guerre ? Pourquoi se dispute-t-on parfois bêtement entre nous ? Par intérêt ? Pour défendre une idéologie, un territoire que l’on croit menacé ? Par blessure d’amour-propre ? Pour assouvir un ressentiment nourri de fantasmes ? Par peur de l’autre ? À cause d’une susceptibilité exacerbée ? Les animaux les plus peureux sont les plus imprévisibles et les plus dangereux. Une mère a tous les courages et se transforme en fauve agressif quand son petit est menacé, comme l’Ukraine en ce moment. Quant à la Russie ?

La Russie est un ours, énorme et puissant, persuadé qu’il a toujours raison, que la raison du plus fort est toujours la meilleure. La Russie de Poutine vit encore au 18e siècle, à l’époque des Tsars impérialistes, d’Yvan le Terrible, de Pierre le Grand et de la Grande Catherine. Elle a conquis et soumis un territoire immense, qui regorge de richesses minières et pétrolières ; elle dispose de gigantesques surfaces agricoles parmi les plus fertiles au monde, à l’Est de l’Ukraine. Pourquoi envahir celle-ci, au lieu de commercer avec elle, de tisser des liens amicaux entre Russes ? La guerre en Ukraine est une énigme pour nous, et l’expression d’un immense gâchis qui risque de nous précipiter tous dans l’enfer d’une guerre mondiale, voire nucléaire…

Les images de l’Ukraine agressée nous donnent un aperçu de cet enfer sur Terre. Des villes rasées systématiquement, des centaines de milliers de tombes, des exploitations agricoles réduites en tas de gravats, des vaches décapitées, démembrées, des champs de céréales dévastés… Nos cœurs d’agriculteurs saignent à la vue de ces misères incommensurables, et s’insurgent de voir les grandes puissances y fourguer leurs stocks pléthoriques de munitions et de matériel militaire, y envoyer les vieux chars d’assaut et tester leurs nouvelles technologies guerrières, dans ce beau pays agricole qui n’aspire qu’à la paix pour cultiver ses terres. Celles-ci sont aujourd’hui polluées, empoisonnées, minées, striées de tranchées anti-chars. Les tournesols y fleuriront-ils encore cette année ? Au cours de ce printemps, les fermiers ukrainiens pourront-ils y faire des labours, pas la guerre ?

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