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Les différentes approches pour limiter la consommation de pailles

Deux approches permettent de réduire la consommation de paille. La première consiste à substituer la paille par un autre matériau, alors que la seconde repose sur la conception du bâtiment. La substitution est souvent une réponse temporaire alors que la modification du bâtiment apporte une solution pérenne. Mais les deux approches peuvent aussi coexister avec une substitution partielle de la paille et un aménagement d’une partie du bâti.

Temps de lecture : 9 min

D ans le cadre du Sommet de l’Élevage 2022, Patrick Massabie, de l’Institut de l’Élevage, s’est intéressé aux différents leviers qui permettent de réduire la consommation de paille.

D’emblée, il dresse l’état des lieux de la filière paille en France. Entre 6 et 10 millions d’hectares y sont semés annuellement. En 2022, ce chiffre était de 7,5 millions d’ha. Des surfaces qui produisent un peu moins de 50 millions de tonnes de grains (48 millions pour 2022) et 35 millions de tonnes de paille.

 

Une ressource de plus en plus convoitée

« Si une partie de ces pailles se retrouve directement à l’enfouissement (5 à 6 M de t), une grosse partie de celle-ci (16 à 18 M de t) est destinée à l’élevage de ruminants (dont 1,5 MT pour les ovins caprins). 4 à 8 MT de pailles partent dans les autres types d’élevages comme en porcs et en volailles. Une partie diffuse de la production est vendue vers les autres pays. Certains échanges n’entrent pas dans ces calculs. »

Pour l’orateur, la production de cette ressource est évidemment très variable en fonction des aléas climatiques. Une sécheresse peut entraîner une raréfaction de la ressource et donc augmenter sa convoitise. « D’autant que certaines utilisations, comme l’enfouissement, reviennent au-devant de l’actualité pour des thématiques de fertilisation azotée ; celle de l’énergie (et la méthanisation) est déjà présente et va en s’accentuant. Des signaux économiques sont donnés pour augmenter la part de méthanisation, qui peut être très consommatrice en paille. »

Notons qu’il existe également des chaudières à pailles, mais celles-ci sont encore peu présentes mais tendent à se développer. Les quelques grosses réalisations présentes sur le territoire français consomment entre 3.000 et 6.000 t de pailles par an, ce qui n’est pas négligeable !

En termes de matériau de construction, la paille ne représente pour l’instant pas grand-chose mais vu la demande grandissante pour l’éco construction et l’utilisation de matériaux biosourcés, cela pourrait changer ; surtout avec le renchérissement de l’énergie pour produire des bétons et autres isolants minéraux…

Pour M. Massabie, un autre facteur plus récent est à prendre en compte : la demande provenant de pays tiers. Si elle est historique pour les pays d’Europe du Nord – la Belgique et les Pays-Bas consomment beaucoup de pailles françaises –, l’Italie qui n’en consommait pour ainsi dire pas est devenue un acheteur plus régulier – Peu de production mais besoins pour certaines filières dans un but de bien-être animal.

Tous ces facteurs induisent donc une paille moins disponible pour les élevages et de ce fait plus cher.

 

Différentes pistes de réduction

Pour réduire son utilisation de pailles, il existe plusieurs pistes de solutions :

– la substitution, c’est-à-dire remplacer la paille par un autre substrat, soit en totalité, soit partiellement ;

– le changement de pratiques ;

– les adaptations du bâtiment.

Ces deux derniers leviers, peu mis en avant, permettent de réelles économies en pailles.

  La substitution

Si l’on s’intéresse à d’autres matériaux, il va falloir substituer 16 millions de tonnes de paille ou du moins une partie. Les gisements les plus souvent mis en avant : la sciure et la dolomie notamment, les autres sont souvent anecdotiques au niveau quantité. Les gisements les plus intéressants : la menue paille et la paille de colza, qui ne sont que très peu utilisées pour le moment. Pourtant, le potentiel en France est de 6,7 millions de tonnes de menues pailles et de 4 millions de tonnes de pailles de colza à récolter.

Évidemment, les utiliser représenterait un surcoût puisqu’il faut équiper les moissonneuses en conséquence. Par ailleurs, celles-ci ne sont pas faciles à presser, ni à transporter. C’est en tout cas un gisement intéressant qui présente des intérêts agronomiques puisqu’il capte des « graines d’adventices »

  Le mode de logement

Lorsque nous sommes en élevage naisseur en vaches allaitantes sur aire paillée intégrale, l’utilisation moyenne de pailles est de 11kg par vache avec veau par jour de présence en bâtiment pour obtenir une litière relativement correcte, pour des conditions météorologiques convenables.

Le fait de passer sur une aire d’exercice raclée ou sur caillebotis permet de réduire cette quantité de paille de près de 30 %, à 6-7Kg/jour/vache+veau. Évidemment, cela demande une autre organisation du bâtiment.

Pour M. Massabie, l’on retrouve à peu de chose près la même chose en vaches laitières. Si pour un bâtiment laitier, on parle davantage de kg de pailles par m², ramené à l’animal, l’ordre de valeurs sur aire paillée intégrale est le même, soit entre 10 et 12kg de pailles/laitière/jour. Notons qu’une productrice peut passer beaucoup plus de temps en bâtiment. En effet certains systèmes sont moins pâturables, ce qui induit une quantité de pailles à l’année plus importante. Si passer sur aire d’exercice raclée ou caillebotis permet une économie de ressource de l’ordre de 30 %, ce passage demande des interventions plus lourdes en termes d’investissement.

L’ébousage de l’aire paillée et le caillebottis dans les couloirs permet une réduction substantielle de l’utilisation de pailles.
L’ébousage de l’aire paillée et le caillebottis dans les couloirs permet une réduction substantielle de l’utilisation de pailles. - P-Y L.

Pour l’orateur, il est aussi possible de passer en logettes . Nombre de bâtiments d’élevages y sont passés ces dernières années, surtout en laitier. Que l’on aille sur des logettes type paillée ou type lisier, le besoin quotidien en paille est divisé par 10. L’utilisation de paille quand l’éleveur opte pour logettes matelas et un système raclé-lisier ne concerne ainsi que les cases à veaux. En allaitant, il n’y a besoin de rein amener sur les tapis. La réduction en gisement y est donc également très importante. A contrario, cela comporte une grosse modification du bâtiment.

En système laitier, les logettes permettent jusqu’à 95 % d’économie de pailles car elles sont souvent plus confortables.

Ces systèmes sont très économiques en paille, mais nécessitent toutefois une tout autre organisation du bâtiment et une réflexion globale sur celui-ci. Beaucoup de pays de par le monde ont fait ce choix car ils manquent de paille également.

Il en va de même pour l’engraissement de jeunes bovins. On considère qu’il faut 5 à 6 kg/animal/jour pour avoir des animaux propres sur une aire paillée intégrale, ce qui peut donner des quantités de pailles non négligeables sur l’année, car les animaux sont constamment en bâtiment. Placer une pente sous l’aire de couchage avec un aire d’exercice raclée permet une réduction de son utilisation de pailles de 20 à 40 %, soit 3 à 4 kg /animal/jour. Cette diminution est évidemment fonction du type de raclage. Un raclage au tracteur 1x/jour ou tous les deux jours, la réduction de son utilisation sera moindre. Avec un système de raclage automatisé (une à deux fois par jour), la consommation de paille est réduite puisqu’on évacue beaucoup plus fréquemment la fraction qui souille la paille. Globalement plus la fréquence de raclage est élevée moins on ramène de déjections sur l’aire de couchage.

Tout cela a évidemment un coût. Si l’on s’intéresse à la figure 1 , on remarque que l’aire paillée intégrale coûte le moins cher au départ. Les autres systèmes sont plus chers car il est nécessaire d’avoir une fumière, de stocker la paille… Il faut une fosse plus conséquente. Le passage sur logette caillebotis augmente considérablement le coût.

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L’observation des coûts de fonctionnement des différents bâtiments montre finalement que l’aire paillée intégrale s’en sort le moins bien. Notons que les coûts de fonctionnements reprennent le coût de la paille, la main-d’œuvre pour l’apporter, pour curer le bâtiment. L’hypothèse pour ce calcul : 50 % de pailles achetées pour 50 % de pailles autoproduites ; le coût de la paille était à 70€/t. Pour les autres bâtiments, c’est l’aire d’exercice lisier qui revient moins cher que l’aire paillée intégrale. Le système « logette caillebotis » reste toujours un peu plus cher. Plus le prix de la paille va augmenter, plus le coût de l’aire paillée intégrale va augmenter pour se rapprocher du coût global d’un système logettes caillebotis.

  Le changement de pratiques

Si certaines pratiques permettent de réduire la consommation de paille, la plus évidente n’est autre qu’ optimiser le temps passé en bâtiment sur les systèmes où l’on peut laisser les animaux à l’extérieur. Et de prendre pour exemple : « Une aire paillée intégrale pour 100 bêtes nécessite une tonne de paille par jour (10kg/animal/jour). Chaque jour passé à l’extérieur, c’est une tonne de pailles en moins. Cela vaut donc la peine de se poser la question sur les différents stades d’élevage que l’on a : ne peut-on pas en laisser certains plus longtemps à l’extérieur ou les sortir un peu plus tôt ?

La pratique de l’ébousage peut prêter à sourire car on ne voit plus beaucoup d’éleveurs se promener sur une aire paillée avec une fourche. Toutefois, c’est une pratique qui optimise la consommation de pailles de façon non négligeable, puisque cela représente 20 à 30 % de pailles. Le mélange bouse/paille optimise l’évacuation de l’humidité. L’exemple de la litière malaxée en vaches laitières part de la même idée. C’est en tout cas une piste à explorer pour les différents systèmes d’élevage pour au moins améliorer cette pratique.

Une autre voie : augmenter la fréquence de paillage. Le faire 2x/jour plutôt qu’une fois induit un gain de 10 à 20 % car l’adéquation entre pailles fraîches et déjections fraîches est meilleure. C’est tout l’intérêt des systèmes de paillage automatique qui permettent de limiter l‘astreinte du paillage et de pailler de façon plus homogène qu’un système qui le fait depuis le couloir.

Le dernier levier proposé par M. Massabie : la bonne ventilation du bâtiment. La litière a deux fonctions : absorber l’humidité et en évacuer en permanence par l’évaporation. Et plus on favorise cette évaporation (par les ouvrants dès que c’est possible), plus la litière sera saine.

L’utilisation de brassseurs d’air au-dessus de la litière peut aussi permettre une économie du gisement puisqu’ils l’assèchent. cela assèche la litière. D’autant quand la ventilation naturelle n’est pas optimale…

M. Massabie : « Ces leviers permettent un premier pas vers une optimalisation de la ressource. Mis l’un a coté de l’autre, ils peuvent aussi être mis en place avant de faire l’investissement sur le bâtiment et d’envisager de modifier son aire paillée par exemple. »

P-Y L.

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