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Au Gaec Lasternas (en Dordogne, Fr): guidés par la rentabilité, pas par les sentiments!

Souvenez-vous, le Herd-book limousin belge a organisé mi-juin un voyage dans le berceau de la race pour aller à la rencontre d’élevages de renom, des noms qui comptent dans le «milieu». C’est le cas d’Olivier Lasternas, éleveur et président du Herd-book français, qui nous a ouvert les portes de son exploitation en Dordogne et livré sa vision de l’élevage.

Temps de lecture : 8 min

À Saint-Cyr-les-Champagne, Olivier est la 3e génération d’agriculteurs chez les Lasternas. «Ma fille, Camille, représente la 4e, la 5e étant sur le point de voir le jour», sourit-il.

«Je suis revenu sur la ferme après mon grand-père après un saut de génération. On peut donc considérer cette reprise comme hors cadre familial. J’ai commencé avec rien», narre-t-il.

Olivier Lasternas et sa fille Camille, respectivement les 3 e  et 4 e  génération présentes  sur la ferme familiale.
Olivier Lasternas et sa fille Camille, respectivement les 3 e et 4 e génération présentes sur la ferme familiale. - P-Y L.

Des pommes, une carrière et des vaches

Olivier revient en 1991 en tant que salarié sur la structure de l’époque: 40 ha pour une trentaine des vaches qui étaient là pour valoriser les prairies de fond. L’activité principale de la ferme? La production de pommes à couteau, dont la Golden en appellation «Pomme du Limousin». Non loin de l’habitation de l’éleveur, on peut encore apercevoirles vestiges duverger de pommiers sous les filets anti-grêle.

«À l’époque, nous avions 20 ha de pommiers. Nous y étions salariés permanents, quelque 30 à 40 travailleurs occasionnels nous rejoignaient pour la cueillette, l’éclaircissage…» Un travail qui ne plaisait pas à Olivier. «Je suis resté là quelques années avant de reprendre toutes les parts de la structure. Je me suis installé en 1997 sur une 40aine d’ha. Petit à petit, nous avons éliminé les pommiers. À l’époque, nous avions encore la possibilité d’inscrire à titre initial. Sur 30 mères, nous en avions inscrit les 4/5ème et nous avons commencé l’achat de taureaux en station.»

De 1997 à 2010, l’exploitation grandit crescendo en augmentant la superficie à 60 ha, pour 60 mères vaches. Durant cette même période, le couple a une activité industrielle: l’exploitation d’une carrière. Celle-ci fut revendue en 2009 car le métier était difficilement conciliable avec celui de la ferme. Avec le fruit de cette vente, le coupleachète un autre site d’exploitation, soit 50 ha de SAU sur lesquels ilsconstruisent les bâtiments de leur site de production principal.

«À cette occasion, en 2010, Isabelle, mon épouse nous a rejoints et s’est installée en tant que jeune agricultrice. Nous avons donc doublé le cheptel et sommes montés à 140 vêlages annuels. Initialement, nous faisions du plein air intégral mais notre charge à l’hectare trop élevée occasionnait au printemps un retard de démarrage des prairies, d’où l’utilité des bâtiments», explique Olivier.

Si le tout plein air est possible en Dordogne, Olivier a fait le choix des bâtiments pour permettre une gestion plus aisée des pâturages au vu de sa charge à l’hectare.
Si le tout plein air est possible en Dordogne, Olivier a fait le choix des bâtiments pour permettre une gestion plus aisée des pâturages au vu de sa charge à l’hectare. - P-Y L.

L’option bio et la castration des mâles

Sur toute cette période, le cheptel grandit petit à petit essentiellement par l’achat de taureaux, surtout de station, parfois qualifiés en ferme. «Nous avons eu une certaine stabilité jusqu’en 2018. Je ne m’ennuyais pas mais j’avais besoin de faire autre chose. Nous avons pris l’option de partir en agriculture biologique. Après 4 ans de pratique, nous ne le regrettons pas. Cela a nécessité de nombreux bouleversements car jusqu’en 2010, les orientations de production étaient: la production de taurillons jeunes et légers (360 kg carcasse à 14-15 mois) et, sur la voie femelle, des génisses, pleines et à saillir, pour la vente. Notons encore la valorisation de tout temps des vaches de réformes en animaux de boucherie.»

Quid de la valorisation des mâles au passage au bio? «En broutard, il n’y a pas de valorisation supplémentaire; en taurillon (baby), il y en avait une petite mais qui n’était pas à la hauteur du travail. Nous avons donc fait le choix de castrer tous les mâles non destinés à la reproduction. Dans mon idée, je voulais de bœufs rajeunis (24 à 30 mois), mais nous partions un peu dans l’inconnu. L’organisation de producteurs (OP) nous recommandait d’ailleurs la prudence, mais n’en faire que quelques-uns aurait pris autant de temps que de s’occuper de l’entièreté du lot. Nous nous sommes donc lancés en en castrant une cinquantaine la première année. Aujourd’hui, nous avons le roulement et en détenons près de 130 en permanence. On en commercialise 50 par an sur un créneau d’age de 24 à 30 mois, avec un objectif poids carcasse de 400 à 450 kg pour coller aux besoins de la filière. Ces animaux partent en haché ou en rayon libre service (en grande surface) où la portion doit correspondre à la taille de la barquette, et pas l’inverse!», sourit-il.

Le niveau de rémunération pour des bœufs qui sortent en U- est de l’ordre de 5,80 €/kg carcasse. La valorisation des vaches de réforme ou des génisses de plus de 350 kg suit la même grille. «Aujourd’hui, nous gagnons entre 50 et 60 centimes de plus que le prix payé en conventionnel.»

«Sur la partie «repro», nous n’avons rien changé, si ce n’est que nous vendions entre 5 et 20 mâles par an. Nous n’en mettions que quelques-uns en station, les autres partant en ferme. Depuis la valorisation de bœufs jeunes, nous continuons d’élever quelques mâles pour la reproduction mais nous gardons uniquement les veaux qui rentrent en station. Les autres veaux sont choisis par les clients potentiels sous la mère. Nous n’en faisons pas vieillir d’autres.»

Quand Olivier prépare son lot de concours, il ne fait pas dans le sentiment.  Toute personne prête à mettre le prix peut repartir avec l’animal de son choix.
Quand Olivier prépare son lot de concours, il ne fait pas dans le sentiment. Toute personne prête à mettre le prix peut repartir avec l’animal de son choix. - P-Y L.

En termes de structure d’exploitation, la ferme compte quelque 100 vêlages. «Nous avons diminué le nombre du fait de la présence des bœufs. La charge a augmenté à surface équivalente, nous étions un peu coincés. Nous avons donc baissé en mères car nous sommes sur une charge à l’hectare d’1,5 UGB/ha.» Les 170 ha de SAU se composent comme suit: une quarantaine d’ha de cultures (méteil, grains et maïs épi), tout le reste est en herbe. Si près de 140 ha sont labourables, l’exploitant ne laboure pas tout. «Nous avons des prairies de plus de 50 ans qui produisent toujours bien. Nous n’y touchons donc pas!»

L’objectif économique en passant au bio était de viser au maximum l’autonomie alimentaire. «Aujourd’hui, nous sommes 100% autonomes. Mis à part le minéral, nous n’achetons rien à l’extérieur.»

Le porc sur paille en diversification

Le passage en bio rime aussi avec diversification. En mai 2019, la famille Lasternas a l’opportunité de mettre en place un petit atelier d’engraissement de porcs sur pailles. «Nous sommes aujourd’hui post sevreur-engraisseur et produisons 650 cochons par an. Nous avons un contrat avec un organisme de producteurs pour la reprise des animaux. Nous ne sommes pas en système intégré. Nous achetons nos cochons au sevrage à six semaines, soit à 11kg, nous les gardons environ 5 mois jusqu’à ce qu’ils atteignent 130-135 kg de poids vif, soit 95-100kg de poids de carcasse. » La diversification représente une heure de travail par jour. Et sur cette production, il existe un contrat. Pour donner un ordre d’idée économique, le chiffre d’affaires de cette diversification est le même que celui qu’a l’éleveur avec les 100 vaches en système naisseur-engraisseur.

«Ladite production nous a permis d’accueillir Camille sur la structure, qui initialement se s’était pas destinée à ce métier… Elle est salariée à temps plein chez nous depuis trois ans.»

Les Lasternas élèvent 650 porcs sur paille par an, une diversification  qui a permis d’accueillir Camille sur la ferme.
Les Lasternas élèvent 650 porcs sur paille par an, une diversification qui a permis d’accueillir Camille sur la ferme. - P-Y L.

La précocité sexuelle peut poser problème

Chez les Lasternas, la moyenne d’âge au vêlage est de 24 mois (22-26 mois) sur 100% des femelles depuis 2010. «Nous en étions très contents. Toutefois, par rapport à nos choix génétiques (animaux avec un peu de volume et peu de précocité), nous avons rencontré des problèmes de précocité sexuelle. Nous sommes donc en train de revenir en arrière pour peut-être atteindre les 30 mois.»

« Nous nous sommes également rendu compte que le taux de fécondité-remplissage en ferme n’était pas suffisamment bon. Les premières années, nous l’avons attribué à un effet «taureaux». Nous avons vu aussi l’effet sécheresse. Nous étions dans le doute. Depuis que Camille est revenue, nous avons eu un peu plus de temps. Nous réinséminons 100% des génisses. Nous nous sommes équipés de capteurs, de colliers… Et là, ça n’a pas pardonné: des courbes complètement plates. Nous avons fait fouiller des animaux. Ils avaient des appareils génitaux parfaits sans qu’ils ne puissent pourautantvenir en chaleur.»

Dès lors l’éleveur a adapté sa conduite. «Nous laissons les taureaux 6 semaines avec les animaux. À 45 jours, nous les sortons et les échographions. Tout ce qui est vide part à l’engraissement, les animaux gestants restent. Les chiffres, la rentabilité me guident pour mener l’élevage. Il n’y a que ça qui m’anime. Pas de sentiment.» Et de montrer son lot d’animaux de concours: «Ma philosophie? À chaque fois qu’un client tombe amoureux d’un de mes animaux, s’il met le prix, il est pour lui!»

La moyenne d’âge du cheptel est de 5 ans, le taux de renouvellement de 30% et les 365 jours d’intervalle vêlage-vêlage depuis 15 ans.

Une autre particularité de la structure a trait aux chiffres: 100% des travaux sont externalisés. «Nous n’avons qu’une mélangeuse, un télescopique d’occasion, un tracteur et une pailleuse. Tout le reste est réalisé par entreprise.»

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P-Y L.

En pâturage tournant dynamique

Olivier a fait le choix du pâturage tournant dynamique pratiquement toute l’année. « Avec l’effet du réchauffement climatique chez nous, l’herbe arrive quasiment à pousser toute l’année. L’hiver, les lots de bœufs et de génisses de 18 mois restent à l’herbe. Nous avons un lot d’une soixantaine de bêtes que l’on fait tourner tous les 2-3 jours sur les parcelles, qu’on alimente qu’occasionnellement.»

«La structure d’exploitation est facile pour le faire puisque nous avons 100 ha d’un seul tenant. Et les bœufs sont vraiment faciles à tenir, beaucoup plus que des génisses au pâturage.»

 

Des aptitudes fonctionnelles et de la mixité

Le président limousin attend de ses animaux des aptitudes fonctionnelles. Pas question de faire les pieds ou de faire téter un veau… Les bêtes doivent avoir d’excellentes mamelles, idem pour les sabots. Olivier veut de la finesse d’os, des qualités de bassins (plats, larges, réguliers), des bêtes tendues dans le dessus et surtout des choix de taureaux à vêlages faciles. «Nous perdons un peu en potentiel mais nous avons énormément gagné en tranquillité.»

Le type de vache est plutôt mixte. «Nous avons du mal de trouver des taureaux viande qui nous correspondent.»

«Je ne laisse à la vente que des animaux que je voudrais garder pour moi. Mes filles me disent d’ailleurs très sévères», rit-il. Même dans les mâles, ça a toujours été notre philosophie, d’en vendre moins mais que des bons. Cela nous a permis d’être sur des moyennes de vente très correctes: un peu moins de volume en termes du nombre d’animaux mais avec des prix un peu plus conséquents. Ce sont des choix!», conclut-il.

P-Y L.

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