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L’humidité et la fraîcheur pèsent sur les travaux des champs… et les cultures

Alors que l’année passée, à pareille époque, le bulletin agrométéorologique du pays s’inquiétait des conditions sèches sévissant depuis la fin de l’hiver, c’est sur le froid et l’humidité qu’il s’attarde en ce printemps 2023. Et de constater, comme tout un chacun, que les travaux de printemps accusent un certain retard ou se font dans des conditions limites, ce qui pourrait être préjudiciable aux cultures dans les mois à venir, surtout en cas d’épisode sec.

Temps de lecture : 9 min

Nous extrayons de ce bulletin, qui analyse les conditions météorologiques et culturales au cours de la saison agricole, la situation des grandes cultures au terme de la troisième décade d’avril.

Céréales d’hiver : une légère avance par rapport à 2021

Rappelons tout d’abord que l’automne dernier a été significativement plus chaud que la normale (12,8ºC enregistré en moyenne à la station de référence d’Uccle, soit 1,6ºC de plus que la normale) alors que les précipitations ont été tout à fait normales, tant en termes de quantité que de jours de pluie. Ces pluies, survenant après une longue période de sécheresse, ont permis de ré-humidifier les sols et de faciliter les arrachages. Les semis de céréales ont donc pu être réalisés dans d’excellentes conditions et ont été suivis d’une levée rapide et homogène.

Début avril, en Wallonie, les escourgeons suivis dans le réseau d’observations du Cepicop avaient majoritairement atteint le stade 1er  nœud (BBCH31) bien qu’une partie était encore au stade épi à 1 cm (BBCH 30). À ce moment, la maladie dominante était la rouille naine même si d’autres, comme l’oïdium et surtout la rhynchosporiose, commençaient à monter.

Trois semaines plus tard, ces mêmes escourgeons avaient majoritairement atteint le stade BBCH 37 (stade dernière feuille pointante) ou avaient dépassé ce stade (stade dernière feuille étalée, BBCH 39). Sur le front des maladies, la rouille naine a déjà été observée sur les F2 des variétés les plus sensibles qui n’ont pas été traitées. La rhynchosporiose et surtout l’helminthosporiose ont progressé. Cette dernière est observée sur les F2 des variétés sensibles non encore traitées mais à une très faible sévérité. L’oïdium a disparu ou reste cantonné dans le bas des plantes.

Une comparaison de la situation phénologique à la même période montre un retard phénologique au regard des années 2022 et 2020 (où le stade majoritaire atteint était BBCH 39) et une légère avance en comparaison avec l’année 2021 (où le stade majoritaire atteint était BBCH 32).

Tant l’escourgeon que le froment se montrent en légère avance par rapport à 2021.
Tant l’escourgeon que le froment se montrent en légère avance par rapport à 2021. - J.V.

En ce qui concerne le froment d’hiver en Wallonie, le stade phénologique atteint début avril par les semis réalisés durant le mois d’octobre était le stade épi 1 cm (BBCH 30). Les semis de la mi-novembre et de la mi-décembre étaient par contre toujours en plein tallage.

Fin avril, les froments du réseau d’observation du Cepicop étaient partagés entre le stade 2ème  nœud (BBCH 32) et le stade 1er  nœud (BBCH 31). Ponctuellement, le stade épis à 1 cm (BBCH 30) était encore observé. Cette disparité de stade est fonction des localités mais aussi des variétés emblavées.

La rouille jaune a été rencontrée mais toujours avec une très faible pression. Au vu de la météo humide, la septoriose était bien présente dans la plupart des parcelles observées. La pression est variable d’un site à l’autre et d’une variété à l’autre mais elle non négligeable dans une majorité de cas.

Comparativement aux trois dernières années, la situation phénologique est comparable voire plus avancée (par rapport à 2021).

De fortes disparités en céréales de printemps

Compte tenu des conditions météorologiques rencontrées en ce début de printemps (essentiellement les pluies régulières), les semis des céréales de printemps ont largement été étalés : de mi-février à mi-avril. Fin avril, les stades observés dans le réseau du Cepicop étaient logiquement fort différents d’une parcelle à l’autre. Ainsi, par exemple, en orge de printemps, les semis réalisés mi-février sont déjà en plein tallage alors que ceux d’avril n’ont encore qu’une feuille.

Pommes de terre : du retard !

Toujours en raison des conditions météorologiques, les plantations de pommes de terre se font attendre. Il est cependant important de ne pas se précipiter et d’attendre de bonnes conditions. Un travail du sol dans des conditions non optimales mène en effet à des problèmes de structure avec impacts négatifs sur le rendement et la qualité (surtout si l’été est sec).

Mi-avril, on estimait le pourcentage de plantation des hâtives en Flandre à moins de 10 %, soit un retard de deux semaines. Les plantations se sont poursuivies lors de la seconde quinzaine d’avril au gré des accalmies. En date du 9 mai, on estimait que 80 à 90 % des hâtives étaient en terre. Les conditions de sol restant froides, on ne s’attend pas à des levées rapides.

Compte tenu que les semis de betteraves accusent aussi du retard (lire ci-après), les plantations des variétés tardives ont à peine débuté fin avril, parfois interrompues par les pluies. On estime que moins de 50 % de la récolte principale étaient plantés, en date du 16 mai.

Les plants ayant été livrés parfois de longue date (environ deux mois), des problèmes liés à la maîtrise de la germination surviennent. Des cas de maladies évolutives (fusariose, pourritures humides) ont été également relevés. Des problèmes plus nombreux de levée (vigueur de germination sur plant égermé, attaques de fusarioses ou de pourritures humides) sont à craindre surtout si la levée se fait dans des conditions fraîches/froides.

Des betteraves semées par à-coups

Les premières betteraves ont été semées avant le 7 mars. Moins de 1 % des semis auraient été réalisés au cours de cette semaine. Puis, une période plus froide et surtout instable s’est installée sur le pays. Les semis ne sont remis en route que plus d’un mois plus tard, vers le 15 avril, et se sont ensuite poursuivis avec beaucoup d’à-coups.

Selon les relevés des sucreries, moins de 40 % de l’emblavement prévu était semé au 10 avril. Ce pourcentage est passé à 80 % au 8 mai. Il faut retourner à 2001 pour retrouver une année avec des semis aussi tardifs. Les semis de chicorée ont suivi la même dynamique.

Les températures et la pluviométrie bien répartie ont permis une très bonne levée au champ des betteraves et chicorées, mais aussi des adventices fortement présentes depuis la levée des cultures. Les semis de mars présentaient déjà 2 à 4 feuilles à la fin du mois d’avril.

Selon les relevés des sucreries, moins de 40 % de l’emblavement betteravier prévu était semé au 10 avril.  Ce pourcentage est passé à 80 % au 8 mai. Il faut retourner à 2001 pour retrouver une année avec des semis aussi tardifs.
Selon les relevés des sucreries, moins de 40 % de l’emblavement betteravier prévu était semé au 10 avril. Ce pourcentage est passé à 80 % au 8 mai. Il faut retourner à 2001 pour retrouver une année avec des semis aussi tardifs. - J.V.

Le désherbage a démarré dans de très bonnes conditions, si l’on commençait suffisamment tôt. Une bonne hygrométrie et de faibles pluies ont permis un désherbage efficace dès les premiers traitements. La croissance rapide des adventices imposait une vigilance pour ne pas se laisser dépasser par les levées rapides.

Dès les premiers jours du mois de mai, les premiers pucerons verts sont apparus sur des betteraves à peine levées, nécessitant une observation accrue des planteurs. Quelques vols d’altises ont également été signalés.

Maïs : des conditions qui laisseront des traces

En Wallonie, les premiers semis de maïs ont pu être réalisés sur terres sableuses et légères au cours de la dernière décade d’avril. Ceux-ci semis n’ont pu se faire qu’au cours des 20, 26, 27 et 30 avril, seuls jours propices à l’activité. La première semaine de mai fut un peu meilleure et les sols ont pu se réchauffer pour, enfin, réaliser des semis en bonnes conditions. La proportion de terres semées reste cependant limitée au vu de la charge de travail importante requise pour rattraper le retard accumulé dans le semis des autres cultures comme les betteraves, chicorées ou bien encore du lin.

On estime début mai à entre 30 et 50 % (en fonction des disparités régionales) le pourcentage de semis en maïs en Wallonie.

Les premiers semis du 20 avril sont sortis de terre de manière homogène vers le 3-4 mai. Les autres semis d’avril devraient émerger vers le début de la seconde décade de mai. La germination en terre est assez rapide vu l’humidité actuelle du sol.

En Flandre, les conditions humides laissent également des traces sur les parcelles de maïs. Alors qu’en 2022, le travail s’est déroulé comme sur des roulettes et qu’au début du mois de mai, la culture était en grande partie semée, au début du mois de mai 2023, la surface ensemencée est encore très limitée.

Les parcelles les plus sèches ont déjà pu être labourées et ensemencées, mais sur de nombreuses parcelles, les travaux n’ont pas encore commencé.

Ces conditions d’installation humides risquent de laisser des traces. Si l’été est sec et chaud (comme en 2018), les plants ne pourront pas absorber suffisamment d’humidité en raison d’un mauvais enracinement. Si l’été reste humide (comme en 2021), l’eau aura du mal à s’infiltrer et nous serons confrontés à des inondations. Dans les deux cas, les plantes subissent un stress qui se traduit par une prise d’épis difficile, un remplissage des épis affecté et donc une perte de rendement.

Prairies : quelques fauches en Wallonie et en Flandre

Concernant les prairies, les premières observations semblent mettre en évidence une certaine normalité, tant en termes de quantité que de qualité. L’année est moins précoce que les années précédentes.

Les troupeaux ont rejoint les prairies. La météo de ces dernières semaines a néanmoins forcé les agriculteurs à veiller avec grande attention à la bonne portance des pâtures.

En Wallonie, les premières fauches ont eu lieu dans les régions les plus en avance (Pays de Herve) début mai à la faveur d’une (courte) période de temps sec.

En Flandre, la situation est sensiblement comparable. Le temps sec observé en février a permis d’épandre le fumier au cours des deux dernières semaines du mois. Les conditions requises ayant été atteintes à la mi-février, l’engrais a également pu être épandu. Les pluies régulières observées en mars et avril n’ont que peu laissé d’opportunités aux parcelles de sécher. Les terres qui n’avaient pas encore été fertilisées ou partiellement fertilisées fin février – début mars n’ont généralement pas pu être fertilisées en mars ou en avril.

La petite fenêtre de temps sec fin avril – début mai a été mise à profit pour faucher l’herbe. La situation sur le terrain est très contrastée. Les parcelles qui ont reçu leur fertilisation complète à temps ont affiché de bons rendements. Dans celles partiellement ou non fertilisées, les rendements ont été inférieurs à la normale. Toutes les parcelles n’ont pas été coupées dans de bonnes conditions. Le passage des machines pourrait avoir un impact négatif sur les coupes suivantes. Certaines terres n’ont pas pu être fauchées parce qu’elles étaient encore trop humides.

D’après le Bulletin agrométéorologique national

Cra-w, Irm et Vito

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