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Au-delà du complotisme

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En 2012, Donald Trump avait qualifié le changement climatique de « canular » et soutenu qu’il s’agissait d’un concept créé par et pour les Chinois dans le but de rendre le secteur manufacturier américain non compétitif.

En 2015, un proche conseiller du premier ministre australien Tony Abbott, climatosceptique notoire, affirmait quant à lui que le réchauffement climatique était une invention défendue par les Nations unies pour créer un nouvel ordre mondial autoritaire.

Plus près de nous, en Europe, la théorie des « chemtrails » refait régulièrement surface. Selon ses adeptes, les traînées d’avions visibles dans le ciel seraient en fait des traces de produits chimiques répandues délibérément pour des raisons secrètes, qui changent au gré de l’actualité. Dans le contexte actuel, lesdits produits auraient pour objectif d’arrêter les pluies et de provoquer de la sécheresse.

Ce fatras d’élucubrations prêterait encore à rire si les conditions météorologiques de ces dernières semaines ne nous imposaient pas leur inquiétante réalité.

Tout d’abord en Espagne, où le manque d’eau dont souffre le pays a poussé de nombreux agriculteurs à renoncer aux semis de printemps, notamment de céréales et d’oléagineux, avec le risque de provoquer des pénuries alimentaires et une explosion des prix des produits concernés. Après une année 2022 déjà très mauvaise en termes de pluie et de températures, l’Espagne a enregistré cette année son mois d’avril le plus chaud et le plus sec depuis au moins 1961, début de la série statistique qui sert de comparaison à l’Agence météorologique nationale.

Le principal syndicat d’agriculteurs espagnol estime que 60 % des terres agricoles sont actuellement asphyxiées par le manque de précipitations, alors même que le sud-est du pays, grâce à une irrigation forcenée, est considéré comme le potager de l’Europe.

À situation extrême, réactions extrêmes et spirale de violence. Vingt-six personnes ont été arrêtées puis placées en garde à vue le 8 mai dans la région agricole de La Axarquia, située en Andalousie pour des « délits présumés contre les ressources naturelles et l’environnement » et « usurpation des eaux publiques », rapportent nos confrères du journal « Le Monde ». Une enquête a été ouverte contre 44 autres suspects, et une centaine d’autres agriculteurs ont été identifiés comme de possibles bénéficiaires. En tout, près de 26 millions de m3 d’eau auraient été volés dans quelque « 250 infrastructures illégales servant à voler de l’eau » afin « d’arroser plus de 240 hectares d’avocatiers et de manguiers », précise le quotidien français.

Aujourd’hui l’Espagne, demain la Wallonie ? Devant la multiplication des épisodes inédits de sécheresse extrême, a-t-on encore vraiment le luxe de débattre sur le bien-fondé du Pacte Vert et de ses objectifs en matière climatique…

Marie-France Vienne

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