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« Soleil vert ». Le film d’anticipation de 1973 dont le scénario évoquait une planète dont les humains auraient épuisé toutes les ressources naturelles, mettait en scène une population qui se nourrirait de pastilles à base de plancton océanique ou de germes de soja. Si la réalité était autrement plus sinistre, l’idée était bien de fabriquer de la nourriture sans agriculture.

L’action était censée se dérouler en 2022. Nous sommes en 2023. C’est dire si l’œuvre était quasi visionnaire. Car nous n’avons jamais autant entendu parler de viande in vitro, artificielle, de viande de culture, voire, carrément et plus largement, d’agriculture cellulaire (viande, mais aussi produits laitiers de laboratoire).

La piste de la viande in vitro est explorée depuis quelques années déjà par plusieurs start-up à travers le monde. Au Royaume-Uni, le gouvernement a tout récemment décidé d’investir plus de 13 millions € dans la recherche sur ce type de produit. Ce financement a été accordé au centre de recherche Cellular Agriculture Manufacturing Hub (Carma). L’équipe travaillera pendant sept ans sur la fabrication de viande cultivée en laboratoire, indique un communiqué du Good Food Institute (Gfi) Europe. De son côté, le gouvernement néerlandais avait annoncé, en avril 2022, investir 60 millions € pour soutenir la formation d’un écosystème autour de l’agriculture cellulaire dans le cadre de son fonds national de croissance.

Autorisée dans certains pays, la viande cellulaire n’est (heureusement) pas encore prête à quitter les laboratoires en Europe. Elle relève du règlement européen « Nouveaux aliments » (Novel Food), et son autorisation dépendra du résultat d’une évaluation des risques menée par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) et, ensuite, d’un examen validé par les autorités sanitaires de chaque État membre. On en est donc encore bien loin.

À défaut de viande, cultivons la prudence ! Comme cette eurodéputée française qui s’est émue, en mars dernier dans une question écrite à la commission, des risques sanitaires et environnementaux engendrés par ce type d’aliments fabriqués par des géants industriels. Cette production à grande échelle est non seulement énergivore mais elle risque, à terme, de provoquer un effondrement du nombre d’animaux de rente, entraînant la quasi-disparition de leur diversité génétique. Sans compter que ce succédané de viande est pauvre en éléments tels que la vitamine B12 et le fer, pourtant essentiels à notre alimentation.

Or, nous le relayions encore dans nos pages la semaine dernière, la Fao encourage une nouvelle fois les gouvernements à « promouvoir les bienfaits des aliments issus de l’élevage d’animaux terrestres », qui fournissent des nutriments « difficiles à obtenir dans le cadre d’une alimentation végétale ». Ou de laboratoire. Gardons-nous donc bien, en Europe, de flatter l’éco-anxiété ambiante au profit d’investisseurs !

Marie-France Vienne

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