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Comment intervenir face aux maladies à propagation aérienne?

Chaque espèce de légume est sensible à des maladies spécifiques. Les maraîchers spécialisés les connaissent et prennent les mesures préventives les mieux adaptées pour y faire face. Mais de nombreux professionnels, en particulier ceux qui ont développé la vente directe, cultivent une large gamme de légumes différents. Il est alors techniquement difficile de connaître toutes les maladies potentiellement importantes. Nous allons essayer de dégager quelques grandes lignes communes de lutte préventive contre les pathologies les plus fréquentes chez nous.

Temps de lecture : 9 min

C ertaines maladies sont transmises aux plantes à partir d’inoculum provenant du sol. Celles dont il est question en cette période estivale sont transmises via le vent à la faveur de conditions météo qui leur sont favorables. La période sèche de la fin du printemps et du début de l’été a été suivie par quelque trois semaines de pluie. Classiquement, à partir de la mi-août, la rosée couvre le feuillage dès 22 heures. Les plantes ne sèchent qu’en fin de matinée, le plus souvent après 11 heures du matin. Cela signifie que même s’il ne pleut pas, le feuillage reste humide plus de 12 heures de suite. Dans ces conditions, les méthodes préventives sont essentielles pour limiter l’apparition et l’extension de ces maladies.

 

Miser sur la prévention

D’une part les fongicides agréés en cultures maraîchères ne sont pas légion, en particulier pour ceux qui suivent un cahier de charge de l’agriculture biologique. D’autre part, la taille des parcelles et le respect des zones de sécurité d’intervention rendent l’emploi de ces produits particulièrement compliqué.

Les méthodes préventives, comme leur nom l’indique, ne sont pas mises en œuvre lorsque le maraîcher constate l’apparition d’une maladie sur l’une de ses parcelles. Elles sont appliquées bien plus tôt. Pour certaines d’entre elles, c’est même lors de l’installation de la ferme maraîchère ou avant la mise en place de la culture.

Veiller à l’hygiène générale de la parcelle

Les maladies à propagation aérienne peuvent venir de foyers d’inoculum présents dans la parcelle même, d’une parcelle voisine ou situées à plusieurs centaines de mètres. C’est le cas, par exemple, avec l’arrivée de spores de mildiou provenant de parcelles voisines de pommes de terre et pouvant contaminer des tomates en serre.

Pratiquement, les risques de contamination d’un lot de légumes sont bien plus importants si le foyer est dans la parcelle elle-même.

Réfléchir au schéma d’implantation des parcelles

Le positionnement des différents lots d’une espèce légumière doit tenir compte des risques éoliens de transmission de maladies. Comme les vents dominants et les plus dangereux au point de vue des maladies (vents de pluie) viennent du Sud-sud-ouest, installons de préférence les parcelles en commençant à l’opposé de cette direction. De cette manière, les lots les plus jeunes, ceux qui sont plantés plus tardivement, ne reçoivent pas les spores de maladies déjà présentes sur les lots plus âgés.

Lorsque la configuration des lieux le permet, orientons les lignes de plantation pour faciliter l’aération des plantes par le vent. Le fait que l’humidité de la rosée matinale soit séchée une ou deux heures plus tôt peut faire toute la différence entre un cycle de production de spores d’un champignon pathogène et l’absence de sporulation.

Cela ne changera pas grand-chose lorsque la pluie est continue deux ou trois jours de suite. Mais ce sera fort important lors d’un très grand nombre de journées de météo bien belge, avec des averses, des crachins et des rosées nocturnes.

Les mildious sont des maladies dont l'extension épidémique peut être foudroyante .  Les mesures favorisant le séchage rapide du feuillage permettent  de réduire l'importance de l'épidémie.
Les mildious sont des maladies dont l'extension épidémique peut être foudroyante . Les mesures favorisant le séchage rapide du feuillage permettent de réduire l'importance de l'épidémie.

Opter pour des variétés résistantes

Pour la production standardisée exigée pour la présentation de grands lots, le fermier doit accepter de respecter les mêmes choix variétaux que ses confrères. C’est le cas pour les fournitures vers l’industrie et, en partie, aussi vers les criées. Pour la vente directe, le choix variétal est beaucoup plus libre. Profitons-en pour privilégier le critère de résistance lors de nos choix.

Analyser les parcelles

Nous n’avons aucune excuse en Wallonie. Avec la densité de laboratoires d’analyse de sol sur notre territoire, avec les prix pratiqués, nos parcelles doivent être régulièrement analysées pour repérer d’éventuels déséquilibres dans le sol (voir www.requasud.be). Il n’y a pas que la teneur en N-P-K à déterminer. Il y a l’équilibre acide/base et la teneur en matières organiques. Il faut aussi s’intéresser aux trois méso-éléments que sont le soufre, le calcium et le magnésium. S’y ajoutent les oligo-éléments dont le bore, le zinc et le manganèse. Sans oublier le fer pour des situations particulières sous abris et en irrigation intensive. Pour les sols remaniés, la composition physique (sable, limon, argile) devrait être précisée par analyses également, la carte pédologique ne pouvant pas servir de référence.

Les laboratoires donnent une interprétation générale des résultats d’analyse, à nous de les décliner en fonction des moyens disponibles et des cahiers de charges choisis (bio ou conventionnel).

Pour les situations compliquées, n’oublions pas le bon sens paysan. Commençons par le drainage et la suppression des semelles de labour et de pseudo-labour. Ensuite, corrigeons le pH avec un chaulage calculé sur base de l’analyse de sol. Poursuivons par une bonne fumure organique à base de fumier de ferme ou de compost. Tout cela permet d’arranger bien des choses.

Valoriser les atouts de la ferme

Théoriquement, le maraîcher choisira le site d’installation de ses parcelles pour leur bonne aération tout en ayant une protection du vent par des haies, un accès aisé pour les travaux et les apports d’eau et d’électricité. Une bonne visibilité améliore l’image de la ferme auprès des clients. Bien sûr, il préférera les terres fertiles et faciles à travailler. Cela, c’est la théorie.

En pratique, le maraîcher prend ce qu’il trouve et sera bien souvent amené à s’en contenter. Cela signifie qu’il aura avantage à choisir les espèces qu’il privilégiera en fonction de la situation de ses terrains. En sols lourds et humides, les légumes feuilles, les choux, sont des cultures qui profiteront de la disponibilité en eau. Les légumes racines seront plus facilement récoltés en sols légers.

Les terrains séchant rapidement l’été conviennent moins bien pour les légumes avides d’eau. Mais ce peut être un atout de pouvoir rapidement accéder aux parcelles pour les légumes de printemps.

Ces exemples indiquent qu’en devant se contenter d’une situation, nous pouvons en parallèle valoriser les atouts et minimiser l’importance des faiblesses du site.

Saison et maladies avancent de concert

Pour les maladies transmises par l’air, la période de culture a son importance également. Un exemple parmi d’autres : la septoriose du céleri. L’emploi de semences d’au moins un an réduit les risques d’attaque précoce sur les jeunes plantes.

En cours d’été, les risques de contaminations provenant de l’air augmentent avec l’avancement de la saison. Les productions précoces échappent aux grands risques et ne nécessitent donc pas ou très peu d’intervention fongicide.

Prévenir plutôt que guérir

Nous pouvons recevoir régulièrement des informations sur l’emploi de substances améliorant la capacité de résistance des plantes face à des maladies transmises par l’air. Parmi celles-ci, nous trouvons des extraits d’algues, des sels minéraux contenant du calcium et des oligo-éléments, des thés ou des purins de plantes, des extraits de composts. Je retiens essentiellement de tout cela que les chercheurs ratissent très largement les moyens potentiellement intéressants et que le fruit de tests rigoureux de praticabilité et d’efficacité permettront de garder les meilleures de ces solutions pour l’avenir.

Malgré les mesures préventives mises en œuvre, il est parfois nécessaire d’appliquer un produit à action inhibitrice sur le pathogène, rechercher une action curative ou au moins une action enrayant l’évolution de la maladie.

La rouille du poireau altère considérablement la présentation du feuillage. Les nouvelles variétés, hybrides pour la plupart, apportent un progrès apprécié en la matière.
La rouille du poireau altère considérablement la présentation du feuillage. Les nouvelles variétés, hybrides pour la plupart, apportent un progrès apprécié en la matière.

Quelques maladies transmises par l’air

À titre d’exemples, nous pouvons nous pencher sur quelques maladies dont des similarités peuvent s’observer sur plusieurs cultures différentes.

  L’alternariose de la carotte

Transmise par l’air au départ de foyers d’inoculum présents dans l’environnement de la parcelle, la maladie s’étend surtout après juillet, mais des dégâts peuvent être localement importants avant cette date. C’est typiquement une maladie pour laquelle la transmission est aisée d’une parcelle précoce atteinte vers ses voisines. Il est donc vivement conseillé de tenir compte de l’orientation des vents dominants pour limiter ces risques de contamination.

Cette maladie est favorisée par une importante humidité du feuillage. Il convient de raisonner les périodes d’irrigation pour ne pas allonger les périodes d’humectation, et donc éviter d’irriguer à la levée et au coucher du jour. L’orientation des lignes de plantation dans le sens des vents dominants permet aussi de faire sécher plus rapidement le feuillage.

La maladie progresse nettement plus vite sur du feuillage sénescent. Une fumure équilibrée, notamment en azote, en soufre et en magnésium, permet d’améliorer le comportement des plantes vis-à-vis des dégâts. Une rotation d’au moins 4 ans est vivement recommandée.

En cas de traitement fongicide, les applications commencent dès l’apparition des premiers symptômes.

  La septoriose du céleri

L’inoculum se trouve souvent dans la parcelle elle-même. Des semences porteuses de spores germent et produisent des plants contaminés. Au départ des plus vieilles feuilles de ces plants, la maladie est transmise par le vent et, surtout, par la pluie et s’étend dans la parcelle en partant du foyer initial. La maladie peut survivre sur les débris de culture.

La lutte passe par l’emploi de semences saines, la plantation de plants sains et les mesures favorisant le séchage rapide du feuillage. Certaines variétés se comportent mieux que d’autres. Des fongicides sont homologués pour permettre de freiner l’extension de la maladie au champ.

  Les mildious

Ces maladies s’étendent très rapidement dans les parcelles et d’une parcelle à l’autre. L’humidité relative de l’air en lien avec la température sont les deux facteurs clés favorisant cette extension. C’est sur ces données que peuvent travailler les services d’avertissements.

Plusieurs genres et espèces s’attaquent chacun à plusieurs de nos légumes. Le respect de la rotation, la bonne aération de la culture, la gestion des déchets de parage des légumes sont autant de mesures préventives à mettre en œuvre. Les fongicides, surtout utilisés préventivement et appliqués avec beaucoup de soin, peuvent améliorer sensiblement le comportement des parcelles et limiter les pertes.

La résistance variétale est recherchée avec hardiesse par les sélectionneurs et constitue une solution fort attendue par la profession. De bons résultats sont déjà enregistrés pour certaines espèces végétales et le mildiou concerné, par exemple en laitues contre Bremia lactucae.

F.

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