La Cour constitutionnelle épingle à nouveau le décret wallon sur les baux à ferme
La Cour constitutionnelle a à nouveau épinglé, jeudi, le décret wallon de 2019 sur les baux à ferme. Dans son collimateur, cette fois: le fait que le preneur d’un bail à ferme oral conclu avant la réforme ne puisse pas en demander la rédaction forcée, ce qui l’expose au risque qu’il soit mis fin à son bail en cas de vente de la terre. Une disposition discriminatoire, estime la juridiction.

Cette dernière était interrogée par le Tribunal de première instance du Hainaut, division de Charleroi, dans le cadre d’un litige entre des agriculteurs qui exploitent une terre sur la base d’un bail à ferme oral et les nouveaux propriétaires de cette terre. Les agriculteurs contestent la validité du congé de six mois qui leur a été notifié.
Depuis l’entrée en vigueur du décret wallon du 2 mai 2019, en cas de vente d’une terre donnée en location pendant déjà au moins un an, l’acheteur peut mettre un terme à un bail à ferme conclu oralement s’il justifie d’un motif sérieux et moyennant un congé de six mois, rappelle la Cour dans sa réponse à la question préjudicielle posée.
«Il en résulte une différence de traitement entre les preneurs d’un bail à ferme oral selon qu’il a été conclu après ou avant la réforme. Les premiers peuvent faire conférer une date certaine à leur bail en recourant à l’action en rédaction forcée qui permet de transformer leur bail oral en bail écrit, alors que les seconds n’ont pas cette possibilité et courent donc le risque de se voir notifier le congé de six mois», analyse-t-elle.
Selon la Cour, s’il est «raisonnablement justifié» que la possibilité d’agir en rédaction forcée ne s’applique qu’aux baux conclus après l’entrée en vigueur du décret, le fait que l’acheteur puisse mettre fin au bail par le congé de six mois produit des effets disproportionnés pour le preneur qui était dans l’impossibilité absolue, avant la vente, de conférer une date certaine au bail.
«Dès lors, le décret du 2 mai 2019 est inconstitutionnel, en ce qu’il empêche les preneurs d’un bail oral conclu avant l’entrée en vigueur du décret de faire usage de l’action en rédaction forcée pour conférer date certaine à leur bail», conclut-elle.
La Cour avait déjà épinglé ce décret wallon en mars 2023. A l’époque, elle avait jugé inconstitutionnelle l’application immédiate des nouvelles règles wallonnes sur la durée du bail à ferme aux seuls baux écrits alors qu’une mesure transitoire avait été prévue pour les baux oraux. Dans la foulée, elle avait ordonné au législateur wallon de prévoir un régime transitoire pour l’ensemble des baux à ferme d’ici le 31 décembre 2023 au plus tard. Un décret répondant à cette exigence avait été voté par le parlement en octobre dernier.