Mais où est donc passée la 7e compagnie?
Curieusement, TF1 repassait ce vieux film d’il y a 50 ans, entre les deux tours des élections législatives. Un hasard ? Moi qui pensais que l’autodérision était une spécialité belge, je me suis bien amusé en revoyant la description décalée de la bravoure du soldat « français moyen » en 1940 et la mise en exergue de ce qu’était la collaboration. De Gaulle, décédé peu avant la sortie du film, a dû se retourner dans sa tombe.

Curieusement, TF1 repassait ce vieux film d’il y a 50 ans, entre les deux tours des élections législatives. Un hasard ? Moi qui pensais que l’autodérision était une spécialité belge, je me suis bien amusé en revoyant la description décalée de la bravoure du soldat « français moyen » en 1940 et la mise en exergue de ce qu’était la collaboration. De Gaulle, décédé peu avant la sortie du film, a dû se retourner dans sa tombe.
Du coup, j’ai repensé à ces retournements de l’Histoire, au sens large comme en agriculture.
Avant-guerre, l’Europe a connu deux grandes crises agricoles : la faute aux Américains. Fin du XIXe siècle, c’était la révolution industrielle mais pas encore celle de l’agriculture. Ce qui était rare devint cher. En 1884, le prix de revient d’un hectare de blé était de 300 francs mais rapportait 700 francs. Par comparaison, en ajustant en francs constants (1franc or de l’époque vaut 6 € d’aujourd’hui), un hectare rapporterait 4200 € alors que 10 tonnes de froment ne valent que 1.500 €.
Il n’y avait pas de bail à ferme. Le prix des fermages reflétait annuellement la santé économique de l’agriculture. Un hectare se louait 50 francs en 1841, 89 francs en 1864, 150 francs en 1877, puis c’est le retournement : 117 francs en 1883 et de nouveau 50 francs en 1902. En cause, le Middle West mis en culture aux États-Unis, l’innovation dans la mécanisation amenée par Mac Cornick et la marine à voile qui fait place à la vapeur. L’Europe importait 400.000 tonnes de blé américain en 1880, trois millions de tonnes en 1905.
L’agriculture se tourna alors vers l’élevage. Il n’y avait pas encore de bateau-frigos. Les céréales ont diminué, les prairies augmenté. Mais le 24 octobre 1929, le krach boursier à Wall Street entraîne le monde entier dans une nouvelle crise : faillites, pas de chômage, les ouvriers n’ont plus d’argent, n’achètent plus rien et les prix s’effondrent. Le beurre passe de 32 francs le kilo à 18 francs, même 9 francs en Hollande.
Réaction : le Front Populaire arrive au pouvoir, innove avec les congés payés mais cela ne dure pas. L’Europe se fait à coups de bottes plus que votes. La France de Pétain, l’Espagne de Franco, le Portugal de Salazar, l’Italie de Mussolini, l’Europe centrale et, bien entendu, l’Allemagne forment un axe face aux Anglo-Saxons. De Gaulle est considéré comme un renégat. Depuis, l’Europe s’est reconstruite autrement et l’histoire s’est écrite différemment.
Pendant 4 ans, la nourriture se fit rare. Il valait mieux se tenir proche de l’agriculture. Une fois la page tournée, la population s’en est souvenue et a voulu protéger son agriculture. La loi du bail à ferme, le soutien aux coopératives et des prix garantis par la première version de la PAC (Politique Agricole Commune) en 1962 ont été efficaces.
Trente ans plus tard, il fallut vendre les excédents au prix mondial, nettement plus bas. Les règles ont été revues pour amener la production européenne au prix mondial. Le prix mondial, certes, mais avec une distorsion croissante entre les règles de production chez nous par rapport à celles de l’importation.
C’était l’un des grands messages des manifestations agricoles de cet hiver. Les résultats des dernières élections semblent indiquer que ce message soit bien passé.
Pour coller au prix mondial, il a fallu mécaniser. Le prix social, c’est la réduction de la main-d’œuvre. On est passé de 123.000 fermes en Wallonie (1954) à 12.000 exploitations (1/10). Jusqu’où ira-t-on ? Est-ce inexorable ? Sans doute pas. L’histoire nous montre que lorsqu’on va trop loin dans un sens, le balancier retourne dans l’autre sens. Sinon, un cinéaste sortira un jour un film sur le thème : « Mais où sont donc passés nos agriculteurs ? ». Ce ne serait pas comique… juste trop tard !