La réunion des membres du G20 au Brésil les 18 et 19 novembre et la présence des principaux chefs d’État des deux parties semblait le moment idoine pour finaliser l’accord entre l’UE et le Mercosur, en négociations depuis près de 25 ans. Mais à Rio de Janeiro, il n’y aura finalement pas eu le carnaval espéré par le Brésilien Lula da Silva et la présidente de la commission européenne Ursula von der Leyen.
Le G20 a peine refermé que se profile déjà une nouvelle fenêtre de tir pour la signature de l’accord. Ce sera début décembre. - UE.
Par : Le Sillon Belge
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Objectif supposé de la commission européenne depuis plusieurs semaines, la conclusion des négociations commerciales entre l’UE et le Mercosur ne s’est finalement pas matérialisée à l’occasion de la réunion des pays du G20 de Rio de Janeiro (Brésil) qui s’est achevée le 19 novembre.
Malgré un accord de principe sur le fond depuis 2019, les discussions entre le Vieux Continent et les pays d’Amérique du Sud achoppent encore sur certains points techniques. En tête, la question de l’accès au marché européen pour les produits agricoles sensibles ou encore le respect des dispositions de l’accord de Paris.
Parallèlement, les manifestations agricoles massives, qui avaient émaillé de nombreux pays européens au début de l’année 2024, ont fait leur retour avec pour principale revendication l’opposition ferme à l’accord UE/Mercosur.
Miroir, miroir…
Pour voir le jour, et être mis en œuvre, le projet d’accord entre l’UE et le Mercosur a encore un long chemin à parcourir. Dans son contenu, la France dénonce encore l’asymétrie normative entre les parties, et la concurrence déloyale qu’elle génère. Paris, et le secteur agricole, militent ardemment pour l’instauration de clauses miroirs destinées à protéger les filières agricoles contre le dumping de produits sud-américains.
En la matière, le résultat risque de décevoir, souligne Charlotte Emlinger, économiste au Cepii (Centre d’études prospectives et d’informations internationales). La question des mesures miroirs est avant tout« une idée politique » qui reste difficilement applicable en pratique, estime cette spécialiste du commerce international et de l’agriculture.
Ainsi, il serait impossible d’assurer le respect de toutes les normes européennes à l’arrivée des produits du Mercosur aux frontières de l’UE. S’il est envisageable de contrôler les taux de résidus de pesticides dans un produit à la frontière, il est plus compliqué de contrôler toutes les exploitations pour savoir si la production est exempte d’abus sur la main-d’œuvre. Au-delà de cette difficulté, imposer les standards de production de l’UE à des pays d’Amérique du Sud pourrait être perçu comme du néocolonialisme »par ces pays.
Respect de la doctrine commerciale moderne
Pour Charlotte Emlinger, le véritable enjeu sera le renforcement des contrôles aux frontières. Et c’est principalement ce qui ressort des conclusions de récents rapports d’audit publiés par l’office alimentaire et vétérinaire de la commission européenne (Oav). Ce dernier considère par exemple que les dispositions actuelles en place au Brésil pour garantir que les bovins dont la viande est destinée au marché de l’UE n’ont jamais été traités à l’œstradiol 17 bêta (une hormone utilisée notamment comme stimulateur de croissance) à des fins zootechniques ou thérapeutiques sont inefficaces.
Autre sujet mis en avant par la France comme conditionsine qua non de son feu vert : le respect des accords internationaux en matière climatique et de l’accord de Paris tout particulièrement. Le protocole additionnel actuellement en négociation entre l’UE et le Mercosur devait initialement répondre à ces préoccupations liées à la déforestation au Brésil (mais rien n’est prévu dans ce document sur le volet agricole). La question du respect de la doctrine commerciale moderne en matière de négociations bilatérales par la commission européenne est donc un enjeu majeur.
Labyrinthe communautaire
Au-delà de ces exigences techniques, la France souhaiterait surtout maintenir l’accord d’association en tant que bloc unique alors que le sommet des pays du Mercosur des 5 et 6 décembre pourrait être la nouvelle fenêtre de tir envisagée pour la conclusion des négociations.
Pas de finalisation de l’accord au G20 comme espéré par le président Lula. - UE.En cas d’accord politique entre les parties, se pose ainsi la question du processus de conclusion de l’accord commercial et de la capacité pour les États membres à s’y opposer. Et l’annonce d’un accord de principe ne vaut pas signature ou ratification. Sur la procédure, le traité sur le fonctionnement de l’UE (Tfue) est clair : la commission européenne mène les négociations sous mandat des États membres. Et l’article 218 paragraphe 5 prévoit que la responsabilité revient au Conseil de l’UE, sur proposition de la commission, d’adopter une décision autorisant la signature de l’accord mais également son application provisoire avant l’entrée en vigueur.
En théorie, la majorité qualifiée est la modalité d’expression des États membres en matière de politique commerciale. « Tout au long de la procédure, le Conseil statue à la majorité qualifiée » (article 218 paragraphe 8). Pour atteindre cette majorité, il faut réunir 55 % des États membres (soit 15 sur 27) représentant au moins 65 % de la population totale de l’UE.
La Belgique dans une minorité de blocage ?
Mais le traité entre l’UE et le Mercosur est aussi un accord d’association plus global qui ne contient pas seulement un volet commercial. Et là, c’est l’unanimité qui s’impose. Pour contourner ce problème, la commission européenne pourrait être tentée de scinder l’accord pour faciliter son approbation par les États membres et isoler la France.
Dans ce contexte, Paris ne pourrait théoriquement pas, à elle seule, bloquer l’accord, d’où la recherche de soutiens dans les autres États membres pour former une minorité de blocage. « Aujourd’hui nous sommes plusieurs pays en Europe à ne pas être prêts à ratifier cet accord en l’état », a indiqué le président français tout en précisant que l’Argentine aussi n’était pas prête à signer le traité. Si l’Autriche et les Pays-Bas semblent encore sur la même longueur d’onde que la France, Paris a également reçu le soutien des ministres de l’Agriculture italien et polonais, en marge de la réunion du Conseil Agriculture, le 18 novembre à Bruxelles.
Et la Belgique pourrait aussi faire partie de la liste. « Les lignes bougent en Europe sur le Mercosur », se félicite d’ailleurs l’eurodéputé centriste français Pascal Canfin, les positions de la Pologne et de l’Italie « feront la différence » lors de la prise de décision au Conseil de l’UE et au parlement européen.
Quand la Wallonie rejetait le Ceta
Toutefois, « la pratique montre que la commission européenne recherche le plus souvent un consensus avec les États membres sans passer obligatoirement par un vote formel », souligne Alan Hervé, professeur à Sciences Po Rennes et titulaire d’une Chaire Jean Monnet en droit de l’UE. Par le passé, la commission européenne a déjà été confrontée à des situations similaires où des États membres ont ouvertement exprimé leur opposition à un accord.
Au moment de la signature du Ceta (accord entre l’UE et le Canada) en 2016, le parlement de Wallonie avait rejeté la signature du traité. Pour répondre à ces préoccupations, des solutions annexes avaient finalement été trouvées afin de faciliter la finalisation du processus et autoriser le gouvernement fédéral belge à valider l’accord.
Le(s) dernier(s) mot(s)
Au-delà du Conseil de l’UE, le potentiel accord devra également obtenir l’assentiment du parlement européen pour espérer s’appliquer, même provisoirement. Mais celui-ci ne peut pas modifier le fond de ce qui est négocié. Là encore, sa position peut changer le destin d’un accord. À titre d’exemple, en juillet 2012, l’accord commercial anti-contrefaçon (ou Acta), traité multilatéral visant à renforcer certains droits de propriété intellectuelle, avait été rejeté par la plénière de Strasbourg par 478 voix contre, 39 pour et 165 abstentions.
Concernant l’accord UE/Mercosur, différents degrés d’analyse détermineront le positionnement du parlement européen. Le groupe politique auquel appartient un eurodéputé en est un. Traditionnellement, les partis plus libéraux, à droite de l’échiquier, ont davantage tendance à être favorables aux accords de libre-échange, à l’image du Suédois Jörgen Warborn (PPE) qui a réclamé une accélération des négociations lors de l’audition le 4 novembre du futur commissaire au Commerce international Maros Sefcovic.
Toutefois, la dimension nationale prend de l’ampleur et rend l’issue moins prévisible. Ainsi, l’ensemble des eurodéputés français s’est d’ores et déjà exprimé contre la ratification de l’accord UE/Mercosur tandis que les parlementaires espagnols y sont généralement plutôt favorables, tout comme nombre d’eurodéputés belges.
Risques de rejet
Même si l’accord n’est pas encore passé sous l’œil de Strasbourg, les eurodéputés se sont déjà exprimés sur le sujet. En 2020, la plénière du parlement européen avait adopté un amendement s’opposant à l’accord UE/Mercosur en l’état dans le cadre du rapport annuel 2018 sur la mise en œuvre de la politique commerciale commune.
Mais à l’époque, les conditions politiques étaient différentes et le président d’extrême droite Jair Bolsonaro était en poste à Brasília. Rien ne dit que les équilibres politiques n’ont pas évolué depuis alors qu’une nouvelle législature a pris ses fonctions en 2024.
Enfin, si le texte est présenté en tant qu’accord d’association (et non plus seulement la partie concernant l’accès aux marchés), les parlements nationaux auront également leur mot à dire sur la ratification de l’accord. Une telle situation pourrait entraîner un plus grand risque de rejet.
EconomiePlusieurs producteurs ayant été formés au sein du Cpfar sont venus témoigner de leur parcours et présenter les fruits de leur réussite. Parmi eux figure Céline Henriet, agronome de formation, qui assure la coordination de l’Asbl « Les Bocaux du Warichet », une initiative citoyenne créée en octobre 2020 à Nivelles.