La réforme du bail à ferme en Région Wallonne: bref état des lieux en matière de congé
Ce n’est un secret pour personne, la loi sur le bail à ferme a été modifiée en Wallonie par l’adoption d’un décret du Parlement wallon du 2 mai 2019 modifiant diverses législations en matière de bail à ferme. Le législateur a présenté cette réforme comme étant nécessaire en vue notamment d’assurer une meilleure transparence et une meilleure sécurité juridique dans les relations entre le bailleur et son locataire.

Le décret du 2 mai 2019 modifiant diverses législations en matière de bail à ferme est en entré en vigueur le 1er janvier 2020. Un an environ après cette entrée en vigueur, le Sillon belge propose, en collaboration avec Maître Antoine Grégoire, avocat spécialisé en la matière, un bref aperçu de la situation en pratique, et plus précisément de quelques difficultés rencontrées.
Mise en perspective
À titre d’observations liminaires, il convient de relever que le décret du 2 mai 2019 modifiant diverses législations en matière de bail à ferme a modifié, peu ou prou, la plupart des articles de la loi du 4 novembre 1969 relative au bail à ferme.
Bien que la loi du 4 novembre 1969 relative au bail à ferme ne comporte que peu d’articles, la matière forme un ensemble de sorte que les dispositions légales sont toutes interdépendantes.
Force est de constater qu’en modifiant certaines dispositions ou carrément en n’en modifiant pas d’autres, le législateur wallon a parfois, volontairement ou involontairement, déstabilisé cet ensemble. En pratique, on identifie dès lors de nombreux effets, peut-être pas pervers mais collatéraux à cette réforme.
Nombreux sont ceux, parmi les spécialistes, qui ont craint assez rapidement que le décret ne suscite plus de questions qu’il n’en résolve. Chacun se forgera une opinion à cet égard.
Dans le présent article, l’objectif est de cibler quelques problématiques et difficultés rencontrées dans la pratique tout en vulgarisant le propos afin qu’il soit suffisamment compréhensible et accessible. L’objectif est aussi d’attirer l’attention du lecteur sur quelques nouveautés à ne pas manquer dans la pratique. Le sujet étant vaste, des sélections ont été opérées dans les sujets en manière telle l’article constitue un bref aperçu sans autres prétentions.
L’envoi d’un congé :le locataire doit réagir !
Avant le 1er janvier 2020, le locataire qui recevait un congé en matière de bail à ferme disposait certes de la possibilité d’acquiescer audit congé (c’est-à-dire l’accepter) dans un délai de trente jours. Toutefois, dans la plupart des cas, le locataire conteste ou garde le silence.
Le silence du destinataire du congé obligeait le propriétaire-bailleur à prendre l’initiative procédurale du contentieux en poursuivant la validation du congé.
Ainsi, le bailleur devait introduire une requête d’invitation en conciliation auprès du juge de paix compétent dans les trois mois de la notification du congé. À défaut de conciliation, le propriétaire-bailleur devait poursuivre la procédure en validation de son congé en introduisant la procédure par un acte introductif d’instance devant intervenir dans le mois de la signature du procès-verbal de non-conciliation.
Nombreux sont les preneurs qui ont pu tirer profit de leur inaction, un congé étant devenu caduc si les formalités procédurales dont nous venons de faire mention n’étaient pas respectées.
Depuis le 1er janvier 2020, il appartient désormais au locataire de contester le congé dans un délai de trois mois en déposant une requête d’invitation en conciliation devant le juge compétent. À défaut, le congé est réputé valable.
Bien que le législateur ne se soit pas exprimé expressément, il semble qu’à défaut donc de contestation dans le délai par le locataire, le congé soit réputé valable et qu’il ne puisse donc plus être contesté ultérieurement.
Et pour une fin de bail, à contester dans les 3 mois ?
Le congé pour le motif de vente
Le décret wallon du 2 mai 2019 modifiant diverses législations en matière de bail à ferme contient une nouveauté importante qui permet au propriétaire de donner congé, et donc de libérer son bien du bail à ferme, pour pouvoir le vendre libre d’occupation.
Fort attendue, cette disposition s’est avérée immédiatement délicate à appliquer en pratique. En effet, la rédaction du texte n’est pas sans poser question.
La loi subordonne l’envoi d’un tel congé notamment à la condition que la parcelle agricole soit « préalablement identifiée dans le contrat de bail ».
Après une première lecture du texte, il semble exiger que la possibilité de notifier un congé pour le motif de vendre implique préalablement que cette faculté ait été expressément prévue et réglementée dans le bail.
Toutefois, d’aucuns estiment devoir appliquer le texte clair à la lettre, sans devoir procéder à une quelconque interprétation. Ce faisant, le texte exige uniquement que la parcelle destinée à faire l’objet du congé pour le motif de vendre soit simplement identifiée dans le bail.
Dans la pratique, les cas sont fréquents où la parcelle est bien identifiée dans le bail et où il n’y a aucune équivoque à ce sujet entre le propriétaire et son locataire.
Par exemple, lorsque le propriétaire écrit à son locataire et prend la peine de détailler les parcelles qui font l’objet du bail pour demander une majoration de fermage, ne faut-il pas considérer que la parcelle est bien identifiée dans le bail ?
Lorsque le locataire a pris la peine d’informer son bailleur d’une cession simple de son bail en reprenant l’intégralité des parcelles, ne doit-on pas considérer à nouveau que les parcelles sont identifiées dans le bail ?
En pratique, certains propriétaires ont donc tenté le congé pour le motif de vendre dans des baux en cours, écrits ou verbaux, dans lesquels la parcelle louée est identifiée.
La question fait l’objet de discussions puisqu’il pourrait être considéré que, sur base des travaux préparatoires, l’intention du législateur exige une mention spécifique dans le bail, ce qui supposerait alors non seulement un bail écrit et aussi une clause spécifique et expresse concernant cette faculté de donner congé pour le motif de vendre.
La question est à ce stade ouverte.
La semaine prochaine nous compléterons notre propos en développant davantage le sujet de la fin de plein droit du bail à ferme après une première période et trois prolongations et nous nous intéresserons à la validité des baux conclus avant l’entrée en vigueur du décret.
, Avocat au Barreau de Liège