Les maladies communes et la compaction du sol
Les dégâts de structure du sol constatés cette année sont directement liés aux importantes précipitations de l’automne 2020, du printemps et de l’été 2021. Les sols sont compactés en surface et sur le profil d’une trentaine de cm au moins. La période plus sèche de ces dernières semaines a rendu les sols très durs à travailler et très peu hospitaliers pour un développement racinaire des plantes.
L’hétérogénéité des quantités et de la violence de ces précipitations se retrouve aussi dans l’état sanitaire des plantes. Celles-ci sont affaiblies et sont sujettes à des attaques de champignons décomposeurs du sol qui deviennent pathogènes en de telles circonstances.
Il est à craindre que la présence de ces champignons ait des conséquences sur toute la fin de saison et aussi sur l’année prochaine.
Sclerotinia
Parmi ces champignons, ceux du genre Sclérotinia sont fort présents depuis plusieurs semaines sur haricots et sur racines de chicon. Nous les retrouvons aussi sur pas mal d’autres cultures comme les laitues et les chicorées frisées et scaroles. Les crevasses apparues récemment avec la sécheresse relative des dernières semaines sont très favorables au développement de Sclerotina sclerotiorum. Sur les sols fortement compactés et sans crevasses, les dégâts sont surtout visibles sur les parties aériennes et le collet. Les conditions météorologiques de l’automne 2020 avaient déjà été très favorables à ce développement. Celles de cette fin d’été le sont à nouveau.
Les sclérotes et le mycélium présents dans les débris de culture assurent la transmission de la maladie d’une culture à l’autre. Les sclérotes présents dans le sol peuvent être attaqués naturellement par des moisissures communes (Trichoderma, Gliocladium…) ou parasités spécifiquement par plusieurs organismes (Coniothyrium minitans, Sporidesmium sclerotivorum, Teratosperma oligocladum). Des centres de recherches ont pu déterminer que des fongicides anti Sclerotinia apportés dans le sol avaient un effet inhibiteur sur ces moisissures auxiliaires. Cela a joué sur la relative diminution d’efficacité de fongicides constatée dans les décennies précédentes. Des fongicides du sol qui furent utilisés contre Sclérotinia ont montré leurs limites pratiques.
Notons que seules les interventions préventives sont réellement efficaces. Quand une plante est contaminée, nous ne pouvons pas la guérir.
Les mesures prophylactiques font intervenir des principes agronomiques généraux et l’hygiène d’exploitation. Les céréales ne sont pas sensibles à Sclerotinia et permettent de couper la rotation maraîchère. En théorie, nous devrions essayer de cultiver au maximum trois cultures sensibles à Sclerotinia par dizaine d’année, mais c’est pratiquement impossible dans les petites fermes maraîchères. Si des dégâts importants de sclerotinioses sont déplorés dans une parcelle, nous devons tenter de ne pas y cultiver de cultures sensibles durant quatre années au moins.
La fumure azotée raisonnée permet d’éviter une luxuriance excessive de la végétation, elle-même favorable au maintien d’une importante humidité au sol. La minéralisation des matières organiques avec libération d’azote a repris avec l’arrivée des pluies, à la faveur des températures douces.
Dans les serres, si nous devions déplorer l’apparition d’un foyer de quelques plantes atteintes, il est vivement conseillé de les enlever avec beaucoup de soins et de précautions, de les évacuer hors de la zone de production, et d’assurer leur destruction ou désinfection. Cette précaution vaut en particulier pour les débris végétaux portant déjà des sclérotes. Ceci est possible tant que le nombre de foyers reste limité.
La lutte biologique avec Contans
Les Pythium
Le cycle reproducteur de ces champignons comprend une phase de production de zoospores. Leur dissémination se fait en présence d’eau libre. Les terrines ou les sols mal drainés avec un film d’eau stagnante sous les mottes ou un sol trempé sont des milieux très favorables à l’extension de ces maladies provoquant de terribles fontes de semis ou d’importantes pertes de plantules. Les dégâts sont surtout déplorés dans les zones plus basses des parcelles, là où l’eau a stagné le plus longtemps.
Les Rhizoctonia
Le Rhizoctone brun, le plus fréquent chez nous dans le genre, est un décomposeur classique de nos sols. Il peut devenir pathogène lorsqu’il a pris énormément d’extension dans les mois précédents la culture des plants, par exemple parce qu’une récolte dû être abandonnée au sol et donc décomposée en masse par ce champignon. Les conditions de croissance peu favorables à la culture, comme une humidité importante du sol et des températures faibles, permettent à ce champignon de se comporter comme un pathogène.
Les conditions actuelles sont très favorables à l’extension des Rhizoctonia, les attaques se constatent maintenant et seront très probablement encore fréquentes aux mêmes endroits l’année prochaine.
Les Fusarium, Verticillium et Phytophtora du sol
Ces champignons du sol posent aussi des problèmes, mais chacune des différentes espèces est assez spécifique à certaines cultures maraîchères. Les méthodes de luttes sont donc plus spécifiques à chaque culture.
Que faire ?
Nous avons déjà eu l’occasion d’aborder la question de la décompaction du sol (voir notre édition du 5 août 2021). Cela reste entièrement d’actualité.
Il faut aussi améliorer et diversifier la vie dans le sol. Une rotation la plus longue possible, des apports organiques fréquents (fumier, engrais verts, composts murs et composts verts) sont des méthodes agronomiques qui ont fait leurs preuves.
L’abandon au sol de grandes quantités de débris d’une culture amène la faune et la flore de ce sol à se spécialiser dans la dégradation de ces matières. Un des problèmes contre lequel la rotation est importante sont les tiges de choux. Le broyage fin facilite la décomposition de ces matières par une large gamme d’organismes, bactéries, champignons, etc. Par contre, l’abandon de matières non récoltées (racines de betteraves, de chicons, tiges de choux…) est plus favorable à certains organismes décomposeurs que d’autres. Le rhizoctone brun est de ceux-là.
Une autre manière de réduire l’impact des champignons du sol consiste à cultiver dans des conditions optimales de chaque culture. Des plantes qui s’installent et se développer rapidement ne sont vulnérables que pendant une plus courte période au développement de maladies.
Une grande question est celle de l’emploi de fongicides dans le sol. Ils sont choisis pour leur efficacité contre les maladies contre lesquelles nous souhaitons protéger les plantes. Mais il est important aussi, de pouvoir rétablir rapidement une flore du sol apte à rétablir un équilibre diversifié dans le sol. L’emploi de tels fongicides sera donc limité dans la rotation, autant que faire se peut, et limité aux cas où le rapport bénéfice/risques nous apparaît nettement positif.
Quant aux aménagements de structure bâtie, entreposer du terreau en vrac dans une zone formant une cuvette n’est pas une bonne idée. Les eaux de ruissellement par grandes pluies pourront contaminer le terreau au départ des écoulements venant des champs voisins. Placer ces silos près des tas de matières en décomposition n’est pas l’idéal non plus, pour des raisons identiques.
Plusieurs champignons provoquent une fonte des semis ou une pourriture du collet pouvant s’étendre aux nervures principales des feuilles. Botrytis cinerea, Sclerotinia sclerotiorum et minor et Rhizoctonia solani sont les plus fréquents. Le paillage du sol et la plantation en n’enterrant la motte pressée que d’au maximum un tiers de sa hauteur permet de retarder le contact feuilles – sol. Une rotation longue améliore la situation. N’irriguer que quand le feuillage est déjà naturellement pouillé par les rosées nocturnes permet de ne pas allonger la période humide du feuillage. Ce dernier aspect concerne aussi Bremia et l’oïdium des chicorées.