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Conflit russo-ukrainien :«Même lorsque l’Ukraine est en sang et en larmes et à l’article de la mort, elle est toujours vivante»

« C’est un véritable honneur que vous soyez avec nous aujourd’hui ». C’est en ces termes qu’a été accueilli le ministre ukrainien de l’Agriculture Roman Leschenko au parlement européen où il est venu informer les députés de la situation agricole, celle de la sécurité alimentaire de son pays mais aussi demander main-forte pour un secteur à l’arrêt dans plusieurs régions.

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Car l’agriculture est une priorité pour l’Ukraine dont c’est un secteur économique majeur.

« Aujourd’hui, l’Ukraine approvisionne toute l’Europe en denrées alimentaires avec une production de qualité comme, par exemple, l’huile de tournesol, de la viande, du lait. La situation dans laquelle elle se trouve pose non seulement problème pour les pays européens mais constitue une véritable tragédie pour d’autres, en Égypte, dans les pays du Moyen-Orient où l’on se demande déjà où s’approvisionner en blé et comment remplacer les productions en provenance de notre pays dans les mois à venir » a indiqué le représentant ukrainien devant les députés de la commission de l’Agriculture.

Les ports touchés, les routes minées, l’espace aérien fermé

« Ne restez pas silencieux, faites tout ce qui est en votre pouvoir pour stopper les Russes et cessez toute forme de coopération avec la Russie » a demandé M. Leschenko en précisant que son pays devait encore honorer des contrats pour 13 millions de tonnes de maïs et 10 millions de tonnes d’huile de tournesol.

Or, certains ports ont été touchés par les bombardements et les routes qui y mènent « sont minées » a-t-il souligné en précisant que le port céréalier de Mykolayiv venait d’être entièrement détruit.

« Nous avions une très grande capacité de stockage là-bas », ajoutant encore que « 80 % des denrées alimentaires ukrainiennes sont acheminées par bateau ».

L’espace aérien est quant à lui fermé et les lignes ferroviaires ne peuvent assurer qu’une petite partie du transport de marchandises, le rail servant principalement à l’évacuation de civils.

L’Ukraine demande la création d’un « couloir vert »

Le ministère de l’Infrastructure ukrainien s’est tourné vers la commission pour assurer un fret routier avec les pays de l’UE « tant que la loi martiale sera d’application » a avancé M. Leschenko.

Une initiative qu’il a demandée aux eurodéputés de soutenir afin d’organiser « un couloir vert » pour permettre aux marchandises de traverser les pays européens à destination du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, une initiative qui, selon M. Leshchenko, empêcherait l’afflux de migrants vers les Vingt-sept en provenance de ces régions.

Le ministre ukrainien a également déclaré que les agriculteurs ukrainiens avaient du carburant pour les premiers jours de la campagne de plantation, mais a averti que par la suite « il y aura un manque total », alors qu’en termes de semences, les marchandises stockées représentent 85 % de celles dont ils ont besoin.

Il a également précisé que les stocks de pesticides et d’herbicides sont « très faibles ». « Il y a des sociétés de marketing qui continuent de travailler avec l’agresseur et qui ont imposé des conditions pour les expéditions, avec un prépaiement de 100 % », a-t-il dit, en référence au lancement d’un fonds spécial pour aider l’agriculture en Ukraine « à créer dans l’UE ».

De lourdes pertes au niveau des surfaces et des récoltes

Pour M. Leschenko, la Russie veut répéter le « Holodomor », cette grande famine qu’a traversé l’Ukraine en 1932 et 1933 et qui fit, selon les estimations des historiens, entre 2,6 et 5 millions de morts.

C’est pour cette raison « que nous serons amenés à réduire nos exportations afin d’assurer notre propre survie » a-t-il développé en affirmant ne pas savoir quand l’agriculture de son pays pourra réellement « être relancée ».

La guerre est intervenue alors que la saison des semailles de printemps était sur le point de commencer. Pour l’heure, le ministre a estimé les surfaces de cultures de printemps à 7 millions ha contre 15 millions ha en 2021. Quant aux surfaces implantées en maïs, elles passeraient de 5,4 millions ha à 3,3 millions ha.

Le ministre anticipe aussi des pertes importantes en cultures d’hiver : seulement 4 millions ha de blé pourraient être récoltés sur les 6,5 millions ha emblavés à l’automne.

Les agriculteurs sèment sous les bombes, au péril de leur vie

L’Ukraine a stoppé ses exportations d’engrais de base pour les prochains mois afin d’en assurer la disponibilité pour protéger et assurer les rendements.

« La plupart des agriculteurs sont aujourd’hui membres de l’armée ukrainienne, mais ils ont commencé à semer sous les bombardements, dans des zones dangereuses, occupées et minées, au péril de leur vie, pour nous, pour l’UE et le monde entier car nous comprenons notre mission et le rôle qui nous revient » a déroulé le ministre ukrainien avant de lancer un appel aux entreprises européennes de leur fournir les produits phytosanitaires à prix coûtants.

Marie-France Vienne

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