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Indications géographiques : «protéger notre patrimoine culturel et gastronomique»

Ça y est, le parlement a – enfin – débuté ses travaux sur la proposition de révision de la législation sur les indications géographiques présentée par l’Exécutif européen. Porté par le social-démocrate italien Paolo De Castro, vieux routier de la commission de l’Agriculture, le dossier est aussi sensible que stratégique pour le secteur agricole.

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Pour rappel, la commission a adopté le 31 mars dernier sa proposition de révision du système des indications géographiques (IG) pour les vins, les boissons spiritueuses et les produits agricoles.

Plus de lisibilité, d’efficacité et de flexibilité

Les nouvelles mesures devraient accroître l’utilisation des IG dans l’ensemble de l’Union afin de profiter à l’économie rurale et d’atteindre un niveau de protection plus élevé, en particulier en ligne. Le but est de maintenir la qualité et les normes alimentaires élevées de l’UE et de veiller à ce que notre patrimoine culturel, gastronomique et local soit préservé et certifié comme authentique dans l’UE et dans le monde entier.

Après plusieurs années de construction de ce système européen, il était nécessaire de tirer les conclusions d’une pratique administrative et jurisprudentielle relativement complexe et d’essayer de le rendre plus efficace, lisible et flexible pour les producteurs, tout en renforçant davantage la protection octroyée.

Le parlement identifie des axes de travail

C’est le social-démocrate italien Paolo De Castro qui est le rapporteur sur ce dossier très important pour la commission de l’Agriculture du parlement européen et sensible quant au renforcement de ce système, essentiel à l’approvisionnement d’aliments de haute qualité et à la protection du patrimoine culturel, gastronomique de l’Union.

Tout n’est pas mauvais dans la proposition de la commission, loin s’en faut. D’aucuns avaient déjà salué plus tôt dans l’année le renforcement des groupes de producteurs, l’amélioration de la protection et des contrôles, la possibilité d’inclure des exigences de durabilité, ou l’accélération de la gestion des demandes. C’est le cas du Copa, pourtant traditionnellement très critique envers la commission.

S’il estime lui aussi que les objectifs de la proposition de l’Exécutif sont bons, M. De Castro pense que celle-ci doit être améliorée pour que la réforme « aboutisse au renforcement et au renouvellement d’un système sans égal dans le monde, capable de créer de la valeur sans devoir investir de fonds ».

Il a identifié quatre piliers autour desquels devront s’articuler les travaux des eurodéputés : le renforcement du rôle des groupements de producteurs, le renforcement de la protection et – sujet peut-être le plus sensible – la simplification et le rôle de l’Office européen de la propriété intellectuelle (Euipo) ainsi que la durabilité, sujet cher aux députés écologistes… que la commission a choyés puisque le règlement prévoit que ce critère puisse être intégré dans les cahiers des charges des IG sur une base volontaire.

Ces dispositions permettront de mieux protéger les ressources naturelles, de préserver les variétés végétales et les races animales locales, de conserver le paysage de la zone de production et d’améliorer le bien-être des animaux, détaille la proposition de texte.

Qui veut la peau de l’Euipo…

Mais c’est bien le spectre de l’Euipo qui effraie tout à la fois les ministres et les représentants du secteur agricole européen.

Dans sa proposition, la commission envisage en effet de transférer à cet office basé à Alicante une partie de ses compétences en matière d’examen des dossiers. Une idée vivement critiquée en juin dernier par les ministres européens de l’Agriculture qui ont dénoncé à la fois le manque d’expertise en la matière de cette agence et le risque que les producteurs agricoles doivent, à terme, s’acquitter d’un droit d’enregistrement pour une indication géographique.

Ils ont demandé dans la foulée que le rôle de l’Euipo soit précisé dans l’acte de base de la législation et non pas, comme cela est prévu, dans un acte délégué qui sera présenté ultérieurement.

Le parlement calme le jeu

Les représentants des appellations viticoles de l’UE se sont montrés particulièrement virulents dans cette volonté de la commission de transférer une partie de ses compétences à l’Euipo.

Pour l’Efow (European Federation of Origin Wines), les appellations ne doivent pas être considérées comme un simple droit de propriété intellectuelle et la politique de qualité de l’UE « fait partie intégrante de la Pac ».

Dès lors, selon la Fédération européenne des vins d’origine, la commission « doit rester au cœur de la gestion de nos cahiers des charges. Pour lui permettre de mieux travailler et de remplir cette mission, nous devons réfléchir aux moyens de réduire sa charge de travail. Cela est possible en introduisant plus de subsidiarité dans la gestion des cahiers des charges ».

Pour certains parlementaires, le bureau d’Alicante, décidément sous le feu nourri des critiques, devrait jouer « un rôle de soutien technique, de protection contre les contrefaçons plutôt que d’être doté de prérogatives au niveau de la gestion du cahier des charges ».

M. De Castro s’est, pour sa part, montré plus souple sur la question et n’écarte pas l’idée de se reposer sur cette agence pour un certain nombre de tâches (protection des IG sur Internet, procédures d’opposition), tout en demandant que le contrôle demeure entre les mains de la direction générale de l’Agriculture à la commission et des autorités nationales.

Les contrefaçons pénalisent producteurs et consommateurs

Pour les eurodéputés centristes, s’appuyer de la sorte sur l’Euipo fait courir un risque de perdre le lien actuel entre les gestionnaires, les responsables politiques et les territoires.

« Elles ont de fortes répercussions sociales et un ancrage historique profond. Il ne s’agit pas d’un simple droit de propriété intellectuelle » a taclé un représentant espagnol des conservateurs, avant d’ajouter que l’on parle quand même d’éléments « qui font partie intégrante de notre patrimoine gastronomique européen ».

C’est également la lutte contre « les imitations et la contrefaçon qui visent à saper la réputation des indications géographiques et suscite la méfiance des consommateurs » qu’il faudra mener dans un futur proche a estimé une représentante du groupe Renew. Et d’ajouter que « les pratiques illégales représentent 9 % de l’ensemble du marché des indications géographiques ».

Marie-France Vienne

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