Pour commencer, Étienne Beguin remplace le foncier dans son contexte : « Il tient une place particulière au sein d’une exploitation agricole car il s’agit d’un facteur de production à part entière. L’agriculteur y investit souvent toutes ses économies et est obligé d’acquérir au fil du temps, ou parfois de manière brutale, des terres qu’il occupe ou qui sont nécessaires au développement de son exploitation. Outre l’aspect économique, le foncier a également une valeur psychologique, symbolique et familiale. En Wallonie, il représente 43 % du territoire, dont deux-tiers sont en faire-valoir indirect (c’est-à-dire location). Son coût est en constante augmentation, l’une des raisons pour lesquelles son accès est difficile, tout spécialement pour les jeunes ».
Enjeu multiple
Pour lui, chaque transmission d’exploitation doit être envisagée individuellement : « Il n’y en a pas deux les mêmes et les enjeux sont multiples », dit-il.
Outre l’enjeu professionnel pour le repreneur mais aussi pour le cédant attaché au projet qu’il a développé durant des années, le caractère familial est également à prendre en compte. « L’outil peut être transmis à un ou plusieurs enfants mais pas forcément à tous.
Il peut aussi s’agir d’un autre membre de la famille, et cela va changer la donne », explique-t-il. Des aspects fiscaux, financiers et personnels interviennent également. « Compte tenu de l’importance des enjeux, il est nécessaire d’anticiper la transmission et d’avoir une réflexion globale.
Il ne faut donc pas hésiter à faire intervenir un certain nombre de professionnels », dit Maître Beguin.
À titre onéreux ou gratuit ?
Une transmission peut se faire à titre onéreux ou à titre gratuit. Les éléments du choix vont dépendre de différentes considérations dont l’identité du cédant qui peut céder à un enfant unique ou non, à un proche ou encore à un tiers. La situation familiale, les besoins du cédant pour sa pension, les incidences fiscales et financières… vont également influer sur ce choix.
« Des solutions variées existent. On peut avoir une vente de tout avec une cession portant à la fois sur les éléments mobiliers et immobiliers mais cela s’avère très lourd pour le repreneur. Il est relativement rare d’assister à ce type de cession, tout spécialement quand le cédant est propriétaire de l’entièreté de l’exploitation, il est alors économiquement impossible pour le repreneur de financer à titre onéreux l’ensemble », explique-t-il.
Vente, location…
Il continue : « C’est la raison pour laquelle on s’oriente souvent vers une vente des éléments mobiliers (matériel, cheptel, droits de production) et une donation des éléments immobiliers ». Ces derniers peuvent également être mis à disposition sous forme de location. « En principe, on tombe alors sous la loi du bail à ferme, du coup certains hésitent à procéder de la sorte. Pourtant, il existe des outils comme les baux de carrière ou de longue durée qui offrent des avantages : la garantie d’occupation et d’exploitation jusqu’en fin de carrière ou sur une période définie pour le repreneur, une majoration de fermage pour le bailleur, l’absence de taxe sur le revenu immobilier du bien en question… », détaille Étienne Beguin.
Précautions à prendre
L’exploitation agricole étant une universalité, c’est-à-dire composée de tout une série de biens et non d’un bien unique, il est très important d’être le plus précis possible lors de la rédaction de la convention de reprise afin d’éviter toute discussion dans le futur. Toutes les conséquences de la cession doivent aussi être analysées : les conséquences en matière de bail et successorales, les conséquences fiscales au plan de l’impôt sur les revenus et de la TVA… « Si le cédant a pratiqué une réduction de TVA sur un immeuble qu’il conserve cela peut par exemple entraîner une révision qui l’amènera à rembourser une partie de la TVA », explique-t-il.
Le cas de la donation
La programmation successorale propose également divers instruments pour assurer la paix des familles et alléger le coût de la transmission : le contrat de mariage, le testament – qui porte la succession au décès et n’est pas toujours avantageux au niveau fiscal –, la donation, l’achat de l’usufruit ou la nue-propriété, l’achat au nom des enfants, les sociétés patrimoniales…
Étienne Beguin met plus particulièrement en exergue le cas de la donation qui « occupe une place tout à fait particulière, notamment du fait de l’allongement de la vie », dit-il. « Le premier objectif de la donation est de préparer sa succession et d’assurer la paix des familles, spécialement quand il s’agit de biens immeubles et pas uniquement d’argent pour lesquelles le partage peut s’avérer très difficile et avoir des conséquences personnelles, financières et judiciaires catastrophiques. », dit-il.
Au niveau professionnel, la donation permet d’assurer la continuité de l’entreprise tandis que d’un point de vue fiscal, elle limite les charges de droits.