Voyons maintenant comment sont caractérisées ces huit saisons du verger. Toutes les remarques et suggestions que feront nos lecteurs à ce sujet sont les bienvenues.
Saison 1 : le repos hivernal
En automne, avec la diminution de la température et de la luminosité, les fruitiers des régions tempérées sont entrés en dormance. Cela signifie que, si en décembre ou janvier, ils sont placés dans une ambiance favorable, par exemple une serre chauffée, la végétation ne reprendra pas. La dormance des bourgeons doit être levée par le froid hivernal. La quantité de froid nécessaire pour les différentes espèces et variétés a été chiffrée avec précision. Globalement, il faut deux mois où la température est inférieure à 9 ºC pour les pommiers, 10 ºC pour les poiriers, 11 ou 12 ºC pour les espèces à noyau et 13 ºC pour les vignes.
Sous notre climat, comme les besoins en froid sont satisfaits chaque année, ce phénomène passe inaperçu, mais ce n’est pas le cas dans les régions où l’hiver est très doux. Le froid hivernal peut également favoriser la destruction de certaines formes hivernantes de bio-agresseurs : mycélium d’oïdium, œufs et larves d’insectes, œufs d’acariens par exemple.
Pour l’arboriculteur, il n’est pas question d’un repos hivernal : c’est l’époque de la taille hivernale des espèces à pépins : taille de formation, taille fruitière ou élagage. Pour les espèces à noyau, on attendra des jours meilleurs. C’est aussi le moment d’épandre de la chaux afin de corriger un pH trop bas du sol.
Saison 2 : le réveil de la nature
La durée du jour augmente de manière perceptible ; la température augmente même si des épisodes de gel parfois sévère rappellent que l’hiver n’est pas terminé. On peut observer à partir de fin février, et parfois plus tôt, une évolution des bourgeons : ils gonflent, signe qu’un mouvement ascendant de la sève a commencé. La température du sol est encore trop basse pour assister au démarrage général de la végétation ; seuls les noisetiers et certains pruniers fleurissent déjà.
Après la taille des espèces à pépins, on abordera celle des fruits à noyau et des groseilliers ; pour tailler les vignes, on attendra la première moitié de mars. C’est aussi le moment d’épandre du compost au pied des arbres et arbustes. Vers la mi-mars, on apportera un engrais minéral composé N+P+K sans chlore et contenant aussi de la magnésie.
Saison 3 : le temps des fleurs
La longueur du jour augmente rapidement, et la température est constamment positive pendant le jour, avec quelques gelées blanches possibles en fin de nuit jusque fin avril. La période des floraisons est à la fois un plaisir pour les yeux de chacun et en particulier pour les photographes. Elle est aussi pour les arboriculteurs la promesse de belles récoltes à condition que dans la suite, l’ensemble des circonstances favorisent la formation des fruits. Elle est encore une période où les gelées tardives sont craintes, puisqu’une seule nuit de gel peut mettre en jeu toute la production.
Les espèces à noyau fleurissent en premier lieu, avant la feuillaison. Puis vient la floraison des poiriers et enfin celle des pommiers. Pour ces deux espèces, lors de l’éclosion des boutons, apparaît en premier lieu une rosette de feuilles, puis le bouquet floral. Des températures élevées, un vent faible et l’absence de pluie pendant la floraison favorisent à la fois l’activité des insectes butineurs et une fécondation rapide des fleurs pollinisées.
Quelques espèces fruitières fleurissent plus tardivement : les cognassiers, les vignes, les kiwis et les framboisiers d’automne, par exemple.
L’entretien du verger à cette période se limite à faucher l’herbe des interlignes et à intervenir préventivement contre les maladies cryptogamiques favorisées par un temps humide : tavelure des espèces à pépins et moniliose des fleurs et des rameaux sur les espèces à noyau.
Saison 4 : croissance printanière des rameaux et des fruits
La première vague de croissance des rameaux débute après la floraison et la nouaison des fleurs, et elle se termine dans la seconde moitié de juin. On observe une forte activité du méristème terminal qui forme de nouvelles feuilles à une cadence rapide ; l’élongation des entre-nœuds dépend de l’alimentation en sève du rameau.
Les fleurs non fécondées se dessèchent et tombent. Chez les fleurs bien fécondées, la division des cellules de l’ovaire est intense pendant un mois, puis elle suit un rythme plus lent, et les cellules formées s’agrandissent. Tant la croissance des rameaux que celle des fruits sont favorablement influencées par des températures élevées et par une forte luminosité.
Pour l’arboriculteur, l’entretien du sol et la protection phytosanitaire sont les principales activités du moment : désherbage du pied des arbres et arbustes et fauchage des interlignes, puis épandage de l’herbe de tonte sur la zone désherbée, lutte contre la tavelure et l’oïdium des pommiers, la tavelure et la rouille grillagée des poiriers, la mouche de la cerise, et sur toutes les espèces, surveillance des colonies de divers pucerons. Un complément d’engrais azoté peut être souhaitable vers la mi-juin. Si nécessaire, apporter de l’eau aux jeunes plantations.
Saison 5 : pousse de la Saint-Jean et récolte des fruits d’été
La durée du jour commence à diminuer, mais la température reste élevée.
Les premiers fruits d’été arrivent à maturité : framboises d’été, groseilles et cassis, cerises, pêches hâtives… Sur une variété donnée, selon la température, la production s’échelonne sur deux (à trois) semaines, en récoltant tous les deux à trois jours. Un bon choix initial de variétés à maturité échelonnée permet d’approvisionner le ménage pendant une longue durée. La pousse de la Saint-Jean est la deuxième vague de croissance des fruitiers ; elle se situe en juillet et dure deux à trois semaines ; elle est moins forte que la première.
Dès fin juin sur les espèces à pépins se produit la « chute de juin ». Un certain nombre de jeunes fruits cessent de grossir puis vont se détacher. Si cette chute naturelle est insuffisante après un printemps où le taux de nouaison des fleurs était élevé, on la complétera par un éclaircissage manuel en ne laissant qu’un seul fruit par dix centimètres de rameau.
Chez les framboisiers d’été, une fois la récolte terminée, on pourra éliminer les tiges qui ont produit, et la croissance des nouvelles tiges sera stimulée par des apports d’eau au sol. Sur les pommiers et les pruniers, la pose de pièges à phéromones permettra de limiter les attaques de carpocapse.
Saison 6 : la pousse d’août et le temps des prunes
À partir de la mi-août, on peut observer des périodes où, après des journées chaudes, la température nocturne est plus basse et il se forme une abondante rosée ; l’évaporation de celle-ci provoque un refroidissement des fruits qui va favoriser leur coloration.
Les mois d’août et septembre nous amènent une succession de variétés de prunes, de pêches et les variétés hâtives puis les variétés d’automne de pommes et de poires, ainsi que le raisin.
En août, peut avoir lieu une troisième vague de croissance, d’intensité plus faible que les deux précédentes, puis celle-ci s’arrête jusqu’au printemps suivant.
C’est la période où l’arboriculteur trouve le résultat de ses soins et des conditions climatiques de l’année. Quelques interventions de taille peuvent être conseillées : par exemple, une fois la récolte terminée, celle des cerisiers et des variétés hâtives de prunes, ou l’enlèvement des pousses de l’année superflues. Pratiquée fin-août sur les pommiers, cette opération favorise la coloration des fruits et améliore la qualité des boutons qui fleuriront au printemps suivant.
Saison 7 : la récolte des fruits à pépins
Les pommes et poires d’automne ont été cueillies à la fin de la saison précédente ; leur durée de conservation n’excède pas deux mois. Il reste à récolter au fur et à mesure, et avant les premières gelées, les variétés à mettre au fruitier pour une conservation de plusieurs mois. La chute de fruits bien développés, sains et non véreux est la meilleure indication qu’il est temps de cueillir une variété.
Les variétés tardives de raisin de cuve sont récoltées en fonction de leur taux de sucres qui peut se mesurer au réfractomètre.
Avant la chute des feuilles, il faudra nettoyer le sol au pied des arbres afin d’éviter un développement excessif de plantes adventices pendant l’hiver. Le feuillage se colore en jaune ou en rouge, signe que la chlorophylle a disparu et que les feuilles ne sont plus fonctionnelles. Sur le pédoncule de chacune d’elles va se former une zone d’abscission, puis les feuilles vont se détacher sous l’effet des vents d’automne. À ce moment, chaque arbre comporte des milliers de plaies qu’il conviendra de protéger au début de la huitième saison contre les infections de chancre ou de bactériose par un (ou deux) traitements au cuivre.
Dans tout le pays sont organisées de nombreuses foires aux fruits. Elles permettent de rencontrer d’autres arboriculteurs, de partager les expériences et de s’informer.
Saison 8 : l’entrée en dormance
Une saison se termine, avec ses temps forts et ses difficultés. On fera le bilan des réussites et des déceptions, en constatant une fois de plus que les influences du climat sont souvent plus déterminantes que toutes les interventions de l’arboriculteur.
La chute de la totalité du feuillage coïncide avec l’entrée en dormance de nos fruitiers. Au verger, l’activité de l’arboriculteur se limite au traitement au cuivre évoqué précédemment. Il peut marquer un temps d’arrêt sans oublier de surveiller le comportement des fruits à pépins placés au fruitier.
C’est également le temps des projets, en envisageant le remplacement d’arbres trop âgés ou qui ont pris trop d’ampleur, et en pensant à la création de parcelles nouvelles. C’est aussi le temps de la lecture de livres ou d’articles techniques dans les périodiques. C’est encore le temps des visites de pépinières et de jardineries afin de visualiser l’assortiment disponible et de réserver les arbres et arbustes souhaités.
Ir. André Sansdrap
Wépion