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L’autonomie, une solution

pour l’avenir des fermes wallonnes ?

À l’heure où les exploitations wallonnes s’interrogent sur leur avenir, l’autonomie semble de plus en plus s’imposer comme une solution – parmi d’autres ! – à leurs problèmes de durabilité et de rentabilité. En effet, travailler en « circuit fermé » permettrait, d’une part, de réduire l’impact environnemental des élevages mais aussi, d’autre part, d’augmenter tant la marge brute dégagée par unité de main-d’œuvre que l’efficience économique de l’exploitation.

Temps de lecture : 5 min

Avec l’agrandissement des exploitations agricoles, résultant notamment d’une diminution de leur nombre et de l’acquisition du parcellaire par les agriculteurs voisins, se pose la question de leur durabilité, tant sur les plans économique que social et environnemental. En pratique, les interrogations concernent notamment les reprises d’exploitations aux capitaux de plus en plus importants, la difficulté à gérer une charge de travail sans cesse croissante, la mise en place du pâturage pour des troupeaux de grande taille ou encore le bien-être animal et les relations animal-éleveur.

Mais sur le terrain, l’agrandissement des fermes entraîne-t-il automatiquement une dégradation de leur durabilité ?

Plus l’intensification que la taille

« L’intensification des conduites, plus que la taille des exploitations d’élevage, questionne leur durabilité environnementale » estimait Didier Stilmant, chef de département au Centre wallon de recherches agronomiques (Cra-w), lors d’une journée d’étude organisée par le Comice agricole d’Arlon.

Une récente étude réalisée par ledit Centre confirme ses propos. Celle-ci montre que les exploitations laitières extensives (2 UGB/ha) de grande taille sont moins consommatrices d’énergie et font face à un moindre surplus d’azote que les exploitations intensives (3 UGB/ha) de petite taille. En outre, les premières ont des frais vétérinaires par vache et des frais pesticides par hectare moindre que les secondes. Résultats : les premières dégagent également un meilleur revenu par unité de main-d’œuvre et affichent une meilleure durabilité financière.

« En parlant de revenu, on constate encore que les exploitations extensives de petite taille sont peu optimisées de ce point-là », poursuit-il. Dans ces fermes, le revenu par unité de main-d’œuvre est en moyenne 40 % inférieur à ce qui est enregistré chez leurs homologues de grande taille. Tandis que les exploitations intensives de grande taille dégagent le meilleur revenu par unité de main-d’œuvre mais sont fortement dépendantes des intrants et exercent une lourde pression sur l’environnement.

On voit donc que deux stratégies sont mobilisées pour accroître le revenu. Les exploitations à hauts intrants vont tirer à la hausse leurs revenus en augmentant leur production et donc également leurs charges. À l’inverse, les exploitations à bas intrants vont réduire leurs charges (et donc leur production) afin d’augmenter les bénéfices.

Des avantages, même en situation de crise

Face à ce constat, on est en droit de se demander si la recherche d’une plus grande autonomie n’est pas une piste à explorer au sein des fermes laitières. Car bien que produisant moins de lait à l’hectare (ainsi que moins de lait par vache, voir tableau 1), les exploitations les plus autonomes présentent bien des avantages.

Et Didier Stilmant de détailler, premièrement, que la marge brute dégagée par unité de main-d’œuvre active dans ces fermes est la plus importante (tableau 1). Il s’agit également des exploitations les plus indépendantes financièrement. D’un point de vue environnemental, leur surplus azoté ainsi que leur consommation énergétique sont également les plus faibles. « L’autonomie de la ferme conduit donc également à de meilleures performances environnementales et économiques », constate-t-il.

De plus, même en situation de crise, les exploitations les plus autonomes conservent leur avantage sur les exploitations les moins autonomes (tableau 2) malgré qu’elles disposent d’une plus faible marge de manœuvre. En effet, les fermes moins autonomes vont savoir gagner plus en autonomie que les exploitations ayant déjà atteint un haut degré d’autonomie, et vont ainsi réduire davantage leurs coûts variables. Il en résulte que ces fermes vont également accroître davantage leur marge brute par unité de main-d’œuvre. Toutefois, on observe que les fermes les plus autonomes conservent de loin leur avantage sur le plan du revenu, et ce grâce à leurs pratiques.

Outre ses avantages, Didier Stilmant met également en avant « qu’augmenter l’autonomie économique d’une exploitation facilite sa reprise par la jeune génération ». Ce qui est loin d’être négligeable dans le contexte actuel !

Atteindre l’autonomie

Pour accompagner les agriculteurs dans leur recherche d’autonomie, Didier Stilmant livre comme premier conseil d’optimiser l’utilisation des ressources disponibles sur l’exploitation, et ce en deux étapes. D’une part, il convient de prendre en compte les apports du pâturage ainsi que la complémentarité herbe-maïs dans la ration. D’autre part, les pertes doivent être limitées durant la confection et la conservation des fourrages.

Il recommande ensuite de ne pas aller chercher à tout prix le dernier litre de lait, car celui-ci est de loin le plus coûteux à produire ! « Une ration de base équilibrée permet la production de 93 % du lait à un coût moyen de 54 €/1.000 l tandis que les 7 % restants sont obtenus à l’aide de concentrés de production très coûteux (357 €/1.000 l de lait) », détaille-t-il. De ce fait, le coût alimentaire par vache atteint 75 €/1.000 l de lait alors que l’on pourrait s’en tenir à un coût de 54 €/1.000 l sans aller chercher les derniers litres.

Il souhaite également réduire au maximum la compétition qu’exerce l’élevage par rapport aux ressources valorisables par l’homme. C’est donc tout naturellement que Didier Stilmant promeut le remplacement des compléments alimentaires par des coproduits issus de l’industrie et non valorisables par l’homme.

Enfin, il conseille de s’intéresser aux solutions développées au sein de projet recherches (soutenus par le Cra-w) visant à accroître l’autonomie économique à l’échelle de l’exploitation (projet Protecow), voire de régions complémentaires (projet Autoprot).

J.V.

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