Accueil Archive

Le travail des éleveurs bovins

à nouveau éclaboussé par l’industrie

Six mois seulement après la crise des œufs contaminés au fipronil, un nouveau scandale frappe les éleveurs belges. Probablement par appât du gain, Veviba s’est livrée à de douteuses pratiques, faisant vaciller l’ensemble de la filière bovine. Heureusement, les éleveurs – totalement innocents ! – conservent la confiance des consommateurs. Les organisations syndicales, elles, montent au créneau et demandent davantage de transparence.

Temps de lecture : 6 min

Falsications des renseignements sur la date de congélation de la viande et non-conformité de plus de 50 % des produits contrôlés… Ces deux infractions, constatées par un juge d’instruction les 28 février et 1er mars dans un atelier de découpe et un surgélateur industriel de Veviba, n’ont pas été sans conséquence pour l’entreprise. En effet, le 7 mars, le ministre fédéral de l’Agriculture, Denis Ducarme, et l’Agence fédérale de la sécurité de la chaîne alimentaire (Afsca) ont procédé au retrait d’une partie des agréments de l’entreprise bastognarde ; l’abattoir continuant de fonctionner.

Immédiatement, l’Afsca a été chargée de prendre les mesures qui s’avèrent nécessaires à la protection de la santé publique, compte tenu des éléments du dossier et en vertu du principe de précaution. Cela a entraîné le retrait des rayons de plusieurs produits ne satisfaisant pas aux normes sanitaires en vigueur. Étaient visées : de la viande hachée et des queues de vache. Les morceaux nobles n’étaient, eux, pas concernés par ces retraits.

En outre, l’Agence a intensifié et concentré ses contrôles sur l’entièreté des entreprises liées au groupe Verbist, propriétaire de Veviba. Et le ministre de préciser que « l’entreprise ne récupérera pas ses agréments si le doute persiste ».

Éleveurs en danger

Face à cette nouvelle affaire, les réactions des syndicats agricoles ne se sont pas fait attendre. Ainsi, la Fédération wallonne de l’agriculture (Fwa) s’est dite « totalement scandalisée par les fraudes pratiquées ». Et d’ajouter que « si les éleveurs travaillent tous les jours de l’année dans le respect strict de normes sévères, leurs efforts sont salis par un maillon de la filière qui n’exerce pas sa mission de façon scrupuleuse ».

La Fwa redoute que l’image et la réputation de l’ensemble de la filière bovine soient touchée par cette fraude, entraînant une perte de confiance du consommateur final dans la qualité des productions alimentaires wallonnes. « Les éleveurs craignent d’être ceux qui, in fine, paieront une fois de plus le prix de cette fraude, alors qu’ils n’en sont pas responsables », ajoute le syndicat.

De son côté, la Fédération unie de groupements d’éleveurs et d’agriculteurs (Fugea) déplore elle aussi que « le secteur de la viande bovine soit mis à mal suite aux malversations des dirigeants de Veviba ». Elle plaide pour que soient trouvées des solutions pour soutenir et aider le secteur de la viande bovine.

La Fédération belge de la viande (Febev) rappelle quant à elle que « la transparence et le respect des législations doivent rester une exigence fondamentale ». Face au « cas » Veviba, elle souhaite que soit appliquée la tolérance zéro.

Dans la foulée, Denis Ducarme a rassemblé les syndicats agricoles et le secteur de la distribution, le 8 mars, afin d’évoquer les conséquences que pourrait avoir sur eux ce scandale. Son objectif : éviter qu’ils ne souffrent d’une « fraude isolée », pour reprendre ses propres termes. Étaient également présents autour de la table, les ministres wallons de l’Économie, Pierre-Yves Jeholet, et de l’Agriculture, René Collin. Ce dernier s’est manifesté en faveur d’une sauvegarde de l’outil et d’une reprise rapide de ses activités, tout en garantissant le respect des normes sanitaires.

Poursuites juridiques

Pour le groupe Verbist, les conséquences de la fraude ne se limitent pas aux retraits sanitaires et à la perte des agréments sur le site de Bastogne. Le 9 mars, Delhaize a annoncé mettre un terme définitif, avec effet immédiat, à sa coopération avec toutes les filiales du groupe. L’enseigne a été suivie par Colruyt. Ce dernier évalue par ailleurs si des poursuites judiciaires doivent être engagées. Compte tenu de l’enquête en cours, Carrefour a annoncé suspendre provisoirement sa collaboration avec l’abattoir Adriaens malgré des contrôles négatifs. L’enseigne ne collaborait pas avec Veviba.

L’entreprise s’est également vu contraindre d’accepter la présence de deux managers de crise désignés par le gouvernement wallon. Deux missions leur ont été assignées. Premièrement, Quality Partner établira une photographie complète de la situation sanitaire de l’entreprise. Christian Kerkhofs, un ingénieur agronome originaire d’une famille d’éleveurs, aura pour seconde mission d’analyser la situation générale de l’entreprise au regard des réseaux commerciaux et de la situation du personnel.

Enfin, Veviba devra répondre de ses actes devant la justice, le ministre Ducarme ayant par ailleurs décidé de se constituer partie civile. Une demande formulée par la Fugea mais à laquelle il songeait déjà, lui qui avait déjà agi de la sorte lors de la crise du fipronil. L’Agrofront (Fwa, Boerenbond et Abs) et le gouvernement wallon ont annoncé qu’ils se joindraient au ministre dans son action.

Transparence et respect

Suite à ce scandale, l’Agrofront demande que des actions soient menées pour venir en aide aux éleveurs bovins mais aussi pour rétablir la relation de confiance entre éleveurs et transformateurs. Ainsi, les syndicats revendiquent notamment que des mesures soient prises pour une pesée correcte des carcasses dans les abattoirs et, en outre, que les systèmes de pesée soient davantage contrôlés inopinément. Des modifications devraient intervenir dans le mode de présentation des carcasses, pour un maximum de transparence et de traçabilité. Ils souhaitent aussi que soit soutenue la création d’une organisation de producteurs pouvant négocier les prix directement avec les clients.

Sur le plan économique, les partenaires désirent, entre autres, que la pression fiscale à laquelle font face les exploitations bovines soit allégée dans les mois à venir. Ils sollicitent que ces mêmes exploitations puissent bénéficier de facilités dans l’octroi de crédit. Concernant la répartition des marges au sein des maillons de la chaîne, la transparence devrait être de mise afin que chacun bénéficie de sa juste part. À cet effet, le secteur appelle le Spf Économie à finaliser l’étude sur les marges au sein de la chaîne viande bovine.

Sur le volet promotionnel, l’Agrofront souhaite que la viande bovine belge soit mise en évidence dans les grandes surfaces, sans pour autant être bradée. Ils demandent que des moyens de promotions supplémentaires soient mis en place vis-à-vis des consommateurs et de l’Horeca.

De son côté, la Concertation chaîne (regroupant notamment l’Agrofront, la fédération du commerce Comeos et la fédération de l’industrie alimentaire belge) demande que l’appareil judiciaire face rapidement le point sur l’affaire « Veviba ». En outre, les différents acteurs prescrivent que « les mécanismes de contrôle et d’informations existants (tant au niveau des autorités de contrôle, qu’au niveau des mécanismes privés de contrôle et d’autocontrôle) soient vérifiés afin de mettre en place des contrôles mieux coordonnés, plus intelligents et plus rigoureux visant à éviter tout risque de fraude ».

Enfin, la Fugea défend l’idée d’introduire davantage de solidarité et de respect entre les acteurs de la filière. Le syndicat lance un appel à la coopération entre éleveurs « afin d’augmenter leur contrôle sur la qualité des produits finis et leur prix ». Il propose également de créer un système d’« agro-chèque » permettant de soutenir les productions locales.

J.V.

(avec Belga)

La Une

Voir plus d'articles
Le choix des lecteurs